Contenu

arts plastiques - InSitu

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > disciplines du second degré > arts plastiques > enseignement > pistes

noir et blanc

mis à jour le 28/03/2014


vignette.jpg

Traits, lignes, cases, blancs, vides : dessins de bande-dessinée ?

mots clés : dessin, bande dessinée, trait, ligne


du blanc au noir

Le noir et blanc est indissociablement attaché au dessin. Dans le domaine de la bande dessinée les réserves se voient souvent renforcées ou relayées visuellement par ce qui relève de la structure de l'espace-planche (vignettage, présence de texte, lignes, tracés,...) ; ce qui nous invite à une réflexion renouvelée sur l'image multiple et son traitement en noir et blanc. Dans la bande dessinée, il est toujours question d'images reproductibles et reproduites sur le support-livre. L'utilisation du noir et blanc est historiquement lié aux procédés de reproduction et de diffusion de la bande dessinée franco-belge comme des comics ou des strips américains : prépublication en journal, contraintes économiques, gain de temps. Cette contrainte a sans doute suscité chez les créateurs des innovations en termes de narration et de dessin, ouvrant la voie à des pratiques innovantes et singulières au service d'un art en devenir. En effet, le noir et blanc permet aussi, au delà de la seule économie de moyens, de condenser le récit figuré, de le réduire à l'essentiel et de viser à une plus grande efficacité narrative.

Traditionnellement, l'encrage, au noir donc, suit le crayonné et est l'une des étapes essentielles du processus technique de réalisation d'une planche. Le plus souvent l'encrage délimite, cerne et précède la mise en couleur, étape finale de réalisation avant son passage en imprimerie. D'autres usages, au contraire, se rapprocheraient de la technique de la couleur directe, l’auteur travaillant granulations, textures, effets de contraste, en ne passant pas au préalable par un crayonné détaillé.

En prenant appui sur l'analyse de deux planches, la première d'Hugo Pratt et la seconde de Manuele Fior, nous aborderons ici le traitement du noir et du blanc dans le cadre du récit en bande dessinée pour, enfin, envisager quelques pistes de réflexions pour la classe et plus particulièrement dans le cadre du cours d'arts plastiques.

 
 pratt
La ballade de la mer salée, Hugo Pratt, planche 67
( 1967-1969, éditions Casterman, 168 pages, 23,7 x 29,4 cm)
jjjjjjjjjjjjjj fior
L'entrevue, Manuele Fior, planche 15
(2013, éditions Futuropolis, 21,4 x 29 cm, 176 pages)
   jjjjjjjjjjjjjj  
 

à propos des oeuvres


La ballade de la mer salée, Hugo Pratt

Hugo Pratt (1927-1995), influencé par l'Ecole argentine de l'après-guerre, est l'auteur de nombreux récits, sur plus de quatre décennies d'activité. C'est une oeuvre tardive, Corto Maltese, débutée en 1969 qui lui a assuré reconnaissance et postérité. Publié en France par Casterman en 1975 dans la collection « Les Grands Romans de la Bande Dessinée », « La Ballade de la Mer Salée », est son album le plus connu et le plus célébré par la critique, parfaitement contemporain des expérimentations liées à la bande dessinée en Europe dans les années 70. Par ses choix narratifs (longueur du récit, importance des dialogues) il s'inscrit pleinement dans une période charnière pour le médium : le passage à un âge adulte.

  jjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjj                 Jeu de lignes :

Dans la planche 67 de « La Ballade de la mer salée » l'horizontalité est partout car l'action se concentre sur et sous la surface d'une mer en mouvement, suivant le déplacement des corps tentant d'échapper au requin qui s'approche. Les changements de plans, du plan large au plan rapproché, sont significatifs de l'œuvre de Pratt et du rythme cinématographique qu'il impose à ses récits. Le graphisme est d'abord gestuel et joue sur le double principe de la répétition et de la variation : le noir se fait ligne, tâche à la surface de l'eau, hachure du corps, ombre menaçante de l'aileron.

Le blanc est prédominant ici, il met en valeur la dynamique du trait noir, assurant à la planche un mouvement quais permanent, une action intense.

Les lignes noires du cadre se confrontent à la courbe des lignes incertaines disposées dans l'espace blanc de la case, un effet de rupture et de contraste est nettement perceptible, entre la structure parfaitement géométrique de la planche et ce qui y est représenté. A l'intérieur des vignettes la ligne se fait courbe, la surface de l'eau subit la gravité des corps, projette des éclaboussures, des ombres la marquent et la brouillent par endroits.

   Jeu de taches :

Pratt travaille avec la fluidité de l'encre pour traduire le mouvement de l'eau et des nuages et représenter les corps immergés. Cette stylisation (taches plus épaisses à la surface des vagues, zébrures sur l'aileron du requin, aplats du ciel) a pour but de créer une dynamique dans le récit. Une tension est créée par les mouvements multiples et contradictoires des forces en présence (corps menacés ou en équilibre sur l'embarcation, corps de l'animal cherchant ses proies, masse horizontale d'une mer sans fin).

 
L'entrevue, Manuele Fior

Manuele Fior est un auteur de Bande Dessinée italien né en 1975 et vivant à Paris. Il construit depuis ses débuts en 2004, chacun des ses albums autour d'une forte atmosphère visuelle. Pour « 5000 Mille Kilomètres par seconde », Prix du Meilleur Album au Festival d'Angoulême en 2010, il avait fait le choix de la technique de la couleur directe.

L'Entrevue est un album uniquement réalisé en noir et blanc, jouant sur l'apparition et l'angoisse nocturne. Le récit est celui d'un personnage en milieu de vie qui victime d'un accident de voiture, découvre une forme extra-terrestre dans le ciel. Dans ce livre, le traitement du noir et blanc nourrit la rêverie. La fiction et le réel dialoguent, comme le noir et le blanc, et créent incertitude et confusion chez le héros comme chez le lecteur. 

 jjjjjjjjjjjjjjjjjjjjjj  Jeu de matière :

L'usage du fusain lui permet de jouer sur les granulations, la profondeur des noirs ; jeux de masses présents dans les décors et des lieux de l'action auxquels s'oppose la représentation des corps et des proches objets, soit un travail au trait d'une grande finesse. Cette mise en tension, produite par le dessin, participe pleinement de la singularité et de la force visuelle de ce roman graphique.

   Jeu de lignes :

Dans la planche présentée c'est la verticalité qui frappe d'abord, par un jeu d'échos : celle du corps, celle de l'objet inconnu dans le ciel, celles des vignettes. C'est la montée progressive de Raniero, le personnage principal, depuis le fossé où se trouve sa voiture accidentée, à gauche qui rend possible la vision irréelle d'un objet non identifié entre les nuages, à droite. Grâce à ce choix de composition simple mais efficient le lecteur comprend que dans la case verticale de droite, qui occupe la moitié de la surface totale de la planche, le personnage relève in fine le regard vers le ciel sans que celui-ci ne soit représenté. L'apparition happe ou créé un effet de sidération tel que la figure du personnage perd toute utilité narrative pour l'auteur, elle disparaît dans le hors champ du récit.

 

mise en relation des deux oeuvres

 
Quelques ressemblances et ...

Les deux scènes ou séquences s'opposent en de nombreux points : la première est nocturne, la seconde diurne. Absence de texte et de dialogue d'un côté, présence de dialogues de l'autre. Les compositions des deux planches diffèrent également : verticalité et horizontalité renforcées par la représentation de paysages (pente ou colline, mer calme). Les gris charbonneux et les noirs de Manuel Fior vibrent et enveloppent, ceux d'Hugo Pratt découpent et surlignent. A l'unité plastique du jeune dessinateur italien répondent les variations dans le traitement du noir et blanc chez le vieux maître vénitien.

 

La lumière

 

Chez Pratt, c'est le noir qui met le blanc en lumière. La planche est en effet particulièrement lumineuse, indiquant par la même une dimension sensorielle très forte. Le lecteur est dans un espace de chaleur intense, le soleil est partout, aveuglant même. Les corps sont réduits à l'état de silhouettes, d'ombres furtives, de taches fuyantes. Le lecteur construit le récit à partir de ces hachures, l'action se développe par fragments successifs, comme pris dans un espace fortement éclairé.

Chez Fior, la lumière se veut plus discrète, il faut la chercher, c'est ce que fait le personnage principal. Elle se dissimule dans la nuit, elle attire le regard, elle s'incarne dans cette forme incertaine, découpée dans le ciel noir. La lumière est un halo lumineux, source mystérieuse et participe à l'action, un éclair qui se dessine dans l'espace sombre. Le lecteur est frappé par cet éclair, un zip lumineux dont la présence appelle tout particulièrement l'attention du lecteur. La vibration de la lumière autour de l'objet est rendue par de légers dégradés par Manuele Fior. Le blanc révèle la surface des choses, sensiblement, le noir se fait ombre, en négatif, le mystère de l'apparition (la nature de ce halo) demeure.

 

à partir des œuvres, quelques éléments pour une réflexion pédagogique

 
Contre le noir, le blanc, et inversement
A partir d'un support noir, dessiner en blanc permet sans doute d'aborder la question de la lumière. Même questionnement avec sur un support blanc, comment travailler la lumière avec du noir !

Nuit blanche, soleil noir
Le noir et le blanc peuvent-ils être des couleurs qui racontent, qui font récit ? Une suite d'images en noir et blanc peut-elle être considérée comme un objet narratif ?

Un dessin noir, un dessin blanc
Le noir qui passe sur le blanc et réciproquement. Effacer en noir, souiller de blanc, comment les deux peuvent dialoguer, s'équilibrer et se valoriser ?

Matière grise
Le noir et le blanc s'épousent pour raconter un glissement ou créer une ambiance entre nuit et jour. Les pratiques bidimensionnelles liées au lavis, au collage qui dessinent et se « dégradent » en un récit. Les logiciels de bande dessinée permettent-ils de travailler une autre qualité de récit ?

Un personnage noir qui devient ... blanc !
Comment la couleur noir et blanc peut faire récit en quelques images ? Additionner des images est-elle source de narration ? de rythme ?
 
auteur(s) :

hugues blineau

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux, Cycle 4

type pédagogique : préparation pédagogique, activité de recherche

public visé : enseignant

contexte d'usage : classe, EPI, espace documentaire

référence aux programmes : Cycle 4 : La représentation; images, réalité et fiction
Les arts plastiques font prendre conscience que le dessin permet d'élaborer un projet, de visualiser des formes et un espace possibles.
Ils permettent aussi l'étude des dispositifs et des codes de représentation, des valeurs expressives des composantes matérielles et plastiques des images, de la lumière.

haut de page

arts plastiques - InSitu - Rectorat de l'Académie de Nantes