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triptyque

mis à jour le 30/06/2007


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Un travail qui s'articule autour d'un registre plastique dont le fonctionnement symbolique est proche de l'imagerie votive.

mots clés : image, projet personnel



 

processus de réalisation

Il s'agit essentiellement de compositions bidimensionnelles de formats divers (de 16*14cm à 29.7*24 cm pour les plus importants), réalisées à partir de techniques mixtes : monotype (encre), collage, assemblage, couture, écriture, photographie, pastel gras, dessin, impression sur textile.

Mon travail s'articule autour d'un registre plastique dont le fonctionnement symbolique est proche de l'imagerie votive.

Aussi chaque composition, qu'elle soit autonome ou rattachée à une série, introduit à une narration qui lui est propre.

La fiction de la vie intime et des désirs dispose d'une surface limitée pour devenir objet de culte, témoin émotif qui conserve son aura mystérieuse, tout en entrant dans une pratique qui engage la relation avec le spectateur extérieur et les trouées spéculatives d'un au-delà semblable à nous-même, présent dans notre imaginaire.

Un dialogue est mis en place avec un récepteur qui ne sera jamais nommé.

Les échanges sont fantasmés, ourlés d'une tension perceptible uniquement à travers une observation appuyée : chaque composition se veut de prime abord plaisante et attractive, ce n'est que dans la lecture de détails qu'un climat dérangeant peut s'installer.

 

lexique plastique

Ainsi certains signes plastiques aménagent une expression de l'intime qui convoque à la fois légèreté et pesanteur, ambiguïté et spontanéité, fraîcheur (de par l'évocation de l'enfance, de la féminité fragile) et perversion possible.   

Parmi ceux que mes tirages rendent visibles :

la couture rouge : réparatrice, associée parfois aux travaux dociles des jeunes filles, et souvent plus inquiétante, chirurgicale et douloureuse, parfois incontrôlée, elle impose également le silence. C'est une marque indélébile, à la manière d'une stigmate : elle peut être inspirée de la lettre A (pour Adultary), cousue au fil rouge sur les vêtement des femmes dévoyées dans l'Amérique puritaine du roman de Nathaniel Hawthorne, La Lettre écarlate (1850).

l'association d'images pieuses et naïves avec la mise en lumière des pulsions intimes (destruction, traque, bestialité, désir, besoin scopique de traverser l'autre, voyeurisme).

les imprimés sur textile : les significations varient selon les utilisations. Ici l'impression du visage peut être rapprochée de la notion de simulacre représentée par le Saint Suaire de Turin. Le portrait devient le témoin d'une présence antérieure du corps, déposée sur la surface du tissu : c'est une trace effective qui renvoie au toucher (la présence du corps contre le drap), à la sensualité éphémère d'un corps tendu, extraite de son intimité. Nous pourrions ainsi faire le parallèle avec les anthropométries de Klein, qui utilisent l'empreinte du corps et la nudité dans la peinture comme un mode de réalisation pictural et performatif.

Le corps prend donc une dimension importante dans mon travail, de façon générale. Il est le catalyseur d'une réalité interne et existentielle, le point de départ d'un univers mental qui passe par le ressenti physique.

l'intervention du message : symbolisé par la présence d'enveloppes, d'annotations (souvent en langues étrangères) qui apparaissent comme des systèmes de communication en construction.

 

problématiques artistiques

La réflexion s'ouvre ensuite sur les notions suivantes :

la relation au sacré perçue comme manifestation d'une réalité subjective : l'élaboration d'un univers surréel qui exprime quelque chose de ce qu'éprouve et désire, imagine et pense un sujet humain.

Je mets alors en évidence le rapport de fascination spirituelle qu'un individu entretient avec le culte de l'invisible ou de l'indicible : il exprime sur le mode du fantasme, l'essentiel de tout ce qui anime l'âme humaine, passions viles et sublimes.

Une partie de mes reproductions sont tirées d'une série de travaux appelée Ex-voto, où la reconstitution d'images votives fictionnelles traduit l'aspect narratif de cette chose intime et immatérielle, que représente le vœu que l'on livre et remet à une croyance.

Le rapport au sacré, à la fois intransigeant et rêvé, prend alors la dimension d'un « placebo spirituel », chargé d'attente et de mystérieux. La translation d'un tel espace mental s'effectue à travers un processus d'assemblage : portraits, images pieuses, photographies accompagnés de textes, d'illustrations, sans rapport de coordination les uns avec les autres.

La conception de chacune de mes « narrations votives » n'est entravée par aucun souci de vraisemblance, car ce qui est montré ne s'éloigne jamais du caractère fantastique de la prière.

Ainsi nous pouvons opérer un rapprochement avec la pratique du collage surréaliste chez Max Ernst, où la combinaison de fragments de réalité donne naissance à un monde teinté d'un enchantement saisissant.

Certaines de ses toiles m'ont également interpellée, comme Pietà ou la révolution de la nuit, Sainte Cécile ou encore La Vierge corrigeant l'Enfant Jésus devant trois témoins : Ernst y rend visibles des représentations oniriques (et non purement symboliques), le sacré devient alors un réservoir potentiel de signes magiques à la mesure de l'imagination humaine. C'est un univers de projection des individualités et des attentes : c'est de cette dimension humaine du sacré que je tente de m'emparer dans mes travaux.

Le langage abordé comme objet en reconstruction : chacun de mes travaux est adressé à un destinataire indéfini, le message délivré est alors en suspension permanente et se renouvelle à vide. Certains de mes tirages sont issus d'une réalisation qui approche cette conception d'un langage décousu et exutoire : Les oiseaux à message, morts. Ce travail traduit l'insignifiance du langage lorsque la tentative de communication avorte. Le message porté par l'oiseau se perd. Ainsi vient la nécessité de reconstruire un dialogue qui apparaît sous une forme embryonnaire et originelle. La recréation d'un langage premier passe aussi par la brutalité primitive du bestiaire, de la chasse et de la traque de l'autre par les mots, dans le but de le désigner.

Je reconstruis alors tout le dispositif d'échange, à travers la mise en situation d'une correspondance : message fragmenté, parsemé, enveloppe ouverte, tout est mis en oeuvre pour donner la sensation d'un éclat convulsif de la parole que l'on parvient progressivement à maîtriser. Il est alors possible de rapprocher cette démarche avec certains objectifs des pratiques artistiques relatives au Mail-Art, qui détournent les systèmes de communication par la falsification de leurs composantes.

La question de l'incommunicabilité et la tentative de son abolition sont donc constitutives d'une partie de la réflexion qui construit mon travail.

Les gestes rituels compris comme transformation du rapport effectif de l'homme au monde, à ses semblables et à soi : à travers certains aspects de ma pratique se lit l'expression traumatique des tensions qui parcourent le quotidien humain.

Je m'intéresse à la manière de retravailler nos sentiments « viscéraux », à partir de la simulation : chaque narration de l'intime exalte la singularité de l'évènement et constitue un tremplin à une sorte de dépassement rituel des angoisses.

Aussi la tension instaurée entre les éléments de la vie intime et le répertoire métaphorique permet d'élaborer une surface de projection à la disposition de toutes les mémoires extérieures : c'est ce même objectif que l'on retrouve dans le travail de Louise Bourgeois lorsqu'elle aborde la thématique des souvenirs d'une enfance compliquée.

Des oeuvres telles que Destruction of the Father ou la série Cells mettent en scène des processus d'évacuation des angoisses psychiques. La première en s'organisant un espace propice au parricide symbolique, et la deuxième en recomposant des espaces vides et menaçants, symptomatiques des absences vécues.

Je me suis également penchée sur les procédés d'exorcisation déployés par Annette Messager dans ses travaux, qui utilisent également une combinaison d'éléments mixtes afin de broder une petite narration.

De plus certains de ces dispositifs « scéniques » présentent des traces évidentes de sutures : objets cousus, animaux naturalisés, notamment des oiseaux.

Notons aussi l'usage de petits formats photographiques dans l'œuvre Mes Vœux, qui acquièrent progressivement le statut d'icônes venant s'inscrire dans une démarche rituelle.

On retrouve ainsi sous différentes formes la « purgation affective » rendue possible par l'acte de création : c'est ce mouvement de décharge et de métamorphose par objectivation qui a retenu mon attention, et que je tente de mettre en scène dans ma pratique.

L'intimité en tant que mémoire

Certaines de mes installations traduisent ce souci de projection affective et de travail sur la mémoire.

Dans l'installation Pansements, j'invite les spectateurs à rentrer dans le domaine de l'intimité par le maniement de tissus marqués de pensées brèves et souvent grinçantes, proches du haïku et toujours en lien avec la conscience suggestive de la vie du corps. Le dispositif se présente de la façon suivante : les tissus sont disposés en pile sur une chaise isolée, ils constituent une incitation à manipuler les angoisses qui se sont résorbées à leur contact.

J'ai récemment choisi d'ajouter à cette installation la diffusion d'un enregistrement sonore appelé Journal, 6 jours : il s'agit de récits décousus rapportés par des personnes âgées durant un cycle de sommeil agité. On y entend par bribes des souvenirs remodelés, incohérents parfois et souvent très poétiques, loufoques.

C'est aussi une façon de tenir l'intimité vivante.

Pour ce volet de ma pratique, je me suis intéressée au travail de Christelle Familiari, notamment l'œuvre intitulée T'inquiète pas j'te toucherai pas, qui fait parti de la collection Gicquel (FRAC des Pays de la Loire ) exposée actuellement à la Villa Lemot de Clisson. L'artiste propose la diffusion d'une vidéo très floue, où elle se filme à bout de bras, accompagnée d'une bande son particulièrement dérangeante : la répétition incessante de la même phrase « T'inquiète pas j'te toucherai pas ». Cette performance vidéo compose une véritable intrusion dans l'univers mental du spectateur, en effet le volume du téléviseur est poussé quasiment au maximum : la voix envahit donc l'ensemble de la pièce, imposant ainsi la relation à l'autre (bien que celui-ci effectue la promesse de ne pas violer l'intimité de la personne qui lui fait face).

Cette tension instaurée entre les différents espaces d'une intimité constitue une partie de ma recherche : qu'elle soit pleinement dévoilée ou uniquement suggérée, la relation à soi et aux autres prend une dimension importante dans mon travail.

 
auteur(s) :

élisabeth richard

information(s) pédagogique(s)

niveau : enseignement supérieur

type pédagogique : production d'élève

public visé : enseignant, inspecteur, élève, étudiant

contexte d'usage : travail autonome

référence aux programmes : l'oeuvre et le corps

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