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mis à jour le 25/10/2020
un ouvrage qui a pour projet de "faire l'histoire d'un silence", celui des appelés de la guerre d'Algérie par une historienne spécialiste de cette question. Compte rendu d’après l’ouvrage et la présentation faite par l’auteur au café littéraire des Rendez-vous de l’Histoire de Blois – Octobre 2020.
mots clés : guerre d'Algérie, appelés, silence, mémoire, histoire
Raphaëlle Branche, professeure d’histoire contemporaine à l’université de Paris-Nanterre, est connue pour avoir mené des travaux portant sur les violences en temps de guerre, particulièrement centrés sur la guerre d’indépendance algérienne. Elle est l’auteure de La Torture et l’Armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, ouvrage qui a apporté un éclairage majeur sur les mécanismes de la torture pratiquée par l’armée française pendant la guerre d’Algérie.
L’ouvrage, ici recensé et présenté par l’auteure lors d’un café littéraire aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois en Octobre 2020, « Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? » paru aux éditions La Découverte, en 2020, restitue les enjeux des mémoires familiales des anciens appelés du contingent et le lien entre ces mémoires et l’Histoire, grâce à des archives publiques et à un travail d’enquête mené auprès d’anciens appelés et de leurs proches (parents, épouses, adelphie). Cet ouvrage interroge l’articulation entre mémoire et histoire.
L’auteure porte le projet de « faire l’histoire d’un silence », variable en fonction des interlocuteurs et des différents contextes politiques et sociaux. Autrement dit, de raconter une expérience plurielle de la guerre par les appelés, à travers la compréhension du silence, du non-dit. Mobilisant essentiellement la correspondance et les journaux intimes des conscrits, l’auteur explique le processus qui a conduit ces hommes au silence, à l’impossibilité de dire, de raconter leur vécu, leur expérience de la guerre, de verbaliser leurs émotions durant cette guerre qui ne dit pas son nom. A travers ses analyses, Raphaëlle Branche dresse le portrait d’une génération de jeunes et présente la société qui en constitue le cadre, société touchée par de nombreuses mutations après la seconde guerre mondiale et les « trente glorieuses ».
L’auteure se propose de résoudre la problématique suivante : « Comment construire une histoire collective à partir de mémoires familiales plurielles ? ». Pour y apporter des éléments de réponse, Raphaëlle Branche organise son ouvrage autour de trois parties, axées sur le temps long : les temps de la guerre, le temps des premières années du retour et le temps des difficiles transmissions postérieures.
Pour la première partie, Raphaëlle Branche fixe le contexte sociétal de cette génération, celle du vécu d’une expérience commune, celle d’une génération d’hommes marquée par la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, l’entrée dans l’âge adulte correspond à l’étape du service militaire, obligation patriotique mais aussi temps épistolaire qui maintient le lien avec la famille et fonde des valeurs communes. Les rôles familiaux se dessinent à travers ce moment de séparation : les mères se chargent exclusivement de la réception et de la transmission des informations, les pères, quant à eux, se consacrent aux domaines politiques et militaires maintenant une certaine autorité paternelle. Toutefois, les silences s’installent … Silences liés à la méconnaissance de l’Algérie, du contexte social et colonial. Grâce à un travail fin d’analyse historique, Raphaëlle Branche met en évidence le poids de l’autocensure, des écrits maîtrisés par leur auteur afin de rassurer les familles, en particulier l’adelphie. Comment raconter cette expérience algérienne ? Allusions, comparaisons, euphémismes, autant de moyens mobilisés pour dissimuler la réalité des opérations militaires engagées par l’armée française et les autorités politiques…. L’historienne réussit à nous faire prendre conscience de la « mise en tension entre l’homme et l’uniforme » : détresse, sentiment de honte et d’écœurement ressentis par de nombreux appelés, notamment face à la torture expliquent les silences volontaires relevés dans les journaux intimes. Les conscrits sont partagés entre ce qui est vécu, souvent pour la première fois, et ce qui est réellement révélé aux familles.
La troisième partie est organisée autour de la transmission de « l’expérience combattante » dans les familles. Elle interroge le positionnement de l’ancien appelé au sein de sa famille, en tant que père et grand-père et la capacité des générations à communiquer entre elles. En d’autres termes, elle questionne les « fragments paternels ». L’historienne cherche à associer la petite histoire à l’Histoire ; entre histoire individuelle et histoire nationale. Soulignant le tournant des années 2000, elle montre ce désir de se libérer, d’adopter un regard rétrospectif sur leur expérience algérienne, de la partager avec leurs enfants. Mais comment trouver les mots justes pour rendre compte de leur vécu ? En historienne, Raphaëlle Branche dégage trois catégories de mémoire : une dimension « réparatrice » afin de mettre des mots sur des actions ou des évènements douloureux, une dimension « testimoniale » qui insiste sur l’importance de leur témoignage pour l’histoire nationale, et une dimension « testamentaire ». La notion de « Postmémoire » est convoquée pour élucider la question, elle se réfère aux rapports que les descendants entretiennent avec des expériences de guerre qu’ils n’ont pas connues. Les évènements se sont bien déroulés dans la sphère du passé mais les conséquences – les impacts- persistent dans l’intimité familiale.
Compte rendu rédigé par Jean-François Loistron d’après l’ouvrage et la présentation faite par l’auteur au café littéraire des Rendez-vous de l’Histoire de Blois – Octobre 2020.
Lien vers l’éditeur : https://editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Papa__qu_as_tu_fait_en_Alg__rie__-9782707198785.html
jean-françois loistron, webmestre associé
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