Le sujet est d'importance car il engage la crédibilité de la production du discours historien. De plus, dans le cadre du Concours National de la Résistance et de la Déportation, il est indispensable de bien différencier les deux vocables.
Le Concours National de la Résistance et de la Déportation, qui a fêté en 2011 son cinquantenaire, est en même temps en train de vivre un moment crucial : les témoins de la Seconde Guerre mondiale sont malheureusement de moins en moins nombreux et l'on est en train de passer définitivement de la mémoire vécue à l'histoire. Pour autant, cette mémoire, qui a vécu, doit demeurer vivante dans les cœurs et dans les esprits. Pour qu'elle puisse perdurer sans être trahie, il convient de faire une mise au point concernant ce que l'on a coutume d'appeler le « devoir de mémoire ». Ce terme effectivement à la mode s'est ainsi imposé au fil des années, surtout à propos de la période contemporaine mais pas seulement (que l'on songe par exemple aux traites négrières sur la longue durée etc.), au risque de faire passer parfois, tout bonnement, le terme d'histoire à la trappe. Aussi, dans les médias, c'est comme si la mémoire avait submergé l'histoire ou bien qu'histoire et mémoire étaient finalement interchangeables. Or, ces deux mots ne sont pas synonymes. Si la mémoire ne doit pas être rejetée pour autant, bien au contraire, on doit expliciter la différence entre les deux termes pour mieux en dégager ensuite la nécessaire mise en relation.
Pour clarifier le statut distinct entre la mémoire et l'histoire, on peut notamment se référer à l'ouvrage du philosophe Paul Ricoeur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, Le Seuil, 2000. La mémoire peut être ainsi définie : elle est de fait basée sur le souvenir, sur le témoignage, souvent oral. Elle est affective et relève de la fidélité. Elle a donc une tendance au particulier, qu'il s'agisse de la mémoire d'un individu ou d'un groupe d'individus. On peut maintenant définir l'histoire comme un discours qui a une visée « véritative » c'est-à-dire tendant vers la vérité et l'objectivité. Si l'histoire ne peut évidemment prétendre à la vérité avec un grand « V », elle est en tout cas «rationalisante» et tend vers l'universel.