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habiter

mis à jour le 07/06/2016


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Présentation de la construction d'un concept sur la durée de la scolarité.

mots clés : nouveau collège, habiter


Introduction :

L’objectif n’est pas de vulgariser encore un peu plus les apports scientifiques de ces dernières années qui ont conduit à mettre en avant le concept d’habiter dans les programmes du collège dès 2008, mais seulement de chercher à comprendre pourquoi et à présenter comment « Habiter » investit beaucoup plus les nouveaux programmes de Géographie, en créant plus que jamais des passerelles avec l’Histoire, et pourquoi pas d’autres disciplines, tant le renouveau de la pensée géographique englobe des champs disciplinaires variés. Surtout, le concept « d’Habiter » est « filé » sur les cycles 3 et 4 dans les nouveaux programmes. Depuis 2008, des collègues enseignants ont pu déjà proposer des résumés sur des sites ou des blogs1 qui synthétisent fort bien cette réflexion nouvelle sur l’habiter.

Néanmoins, quelques rappels qui guident encore plus les nouveaux programmes peuvent être ici brièvement exposés. Auteur du numéro 8100 (Juillet-Août 2014) de la Documentation Photographique2, Olivier LAZZAROTTI expose le renouvellement de la géographie à tel point qu’il parle de « révolution géographique », en partant du constat que le monde évolue et ne peut plus être lu avec le même regard expert d’autrefois. Ainsi, ce concept d’habiter c’est notre vision du monde qui se transforme en changeant le point de vue de départ, non plus à partir des lieux eux-mêmes mais en regardant les pratiques des hommes. Habiter, dans un monde de plus en plus mondialisé, nous permet de regarder un monde en changements, dont les habitudes de vie, les pratiques des habitants évoluent vers plus de mobilités. Ainsi, se façonnent des « sociétés à habitants mobiles » dont les pratiques nouvelles deviennent structurantes. « Du coup, ce ne sont plus les lieux qui font les habitants. Qu’on le veuille ou non, le comprenne ou non, naître ici ne vaut plus pour identité unique et définitive, quand les habitants qui les fréquentent participent, pour leur part, à les faire. » Le rapport aux lieux n’existe donc pas en soi, de façon indépendante, mais est toujours relié à la question des pratiques. Dans un monde de plus en plus mobile, de plus en plus mondialisé et de plus en plus urbanisé, il faut chercher à saisir la complexité du rapport de cet individu mobile (individu à habitat multiple, individu à habitat poly-topique) aux lieux pratiqués (être ici ou là ?) et aux autres dans les lieux habités, pratiqués ou rêvés, (comment cohabite-t-on ?). Ceci conduit à une société d’individus mobiles constitués d’habitants temporaires, et non plus d’habitants permanents, en raison du jeu d’absence/présence temporaires dans les lieux. Ces deux dynamiques – se rendre familier les lieux géographiques et rechercher les lieux les plus adéquats pour chaque pratique – pourraient être au fondement d’un « mode d’habiter poly-topique »3, à multiples lieux pour des habitants mobiles des sociétés contemporaines. « Que devient alors l’habitat, investi pour des projets, par définition temporaire ? Les lieux géographiques deviennent, dans une société à individus mobiles, des lieux de projets, à significations simultanément multiples. »4

 

Olivier Lazzarotti aborde la notion de carte d’identités qui serait la carte de l’ensemble des lieux pratiqués par les habitants et évoque une signature géographique, la marque dont chaque habitant pratique des lieux de manière unique. Comme l’Histoire, la Géographie étudie la trace, l’empreinte humaine au présent

Et on peut aller plus loin encore en suscitant le rôle de chacun dans sa compréhension du Monde et sa maîtrise des lieux. Car cette Géographie prétend impliquer chaque habitant dans un « projet de savoirs : être dans un lieu, se déplacer, habiter le Monde, cela s’apprend »4. A ce propos, Jacques LEVY et Michel LUSSAULT développent l’idée de capital spatial. Ce capital est créé par les pratiques de l’espace, les capacités à utiliser l’espace, à se déplacer, à voyager, etc. Des pratiques qui participent, elles aussi, à la construction des inégalités. Ils définissent le capital spatial comme "l'ensemble des ressources, accumulées par un acteur, lui permettant de tirer avantage, en fonction de sa stratégie, de l'usage de la dimension spatiale de la société" ou encore comme « la possibilité de maîtriser les échelles géographiques depuis le local jusqu’au mondial et d’en tirer avantage et position élevée dans la hiérarchie sociale »5. Savoir utiliser et conjuguer divers moyens de transport, tirer parti des expériences des lieux pratiqués ou traversés, savoir analyser les différences entre des lieux différents : bref connaître l’ici et l’ailleurs, autant d’atouts constituent une forme de capital permettant de faire fructifier les autres dimensions du capital.

 

Projet de savoir, le concept d’habiter devient alors un projet civique et éducatif en ce qu’il engage chaque habitant dans sa participation à la construction d’une géographie en se construisant lui-même : l’homme est acteur de sa propre géographie.

 

APPROCHE PEDAGOGIQUE :

* Lire les programmes :

Point de démarche révolutionnaire à présenter, le concept n’est pas complètement nouveau, juste rappeler que ce concept s’étudie de manière continue du CM1 à la Troisième : « L’enseignement de la géographie en cycle 3, centré sur la notion « Habiter », a introduit des notions géographiques et initié des démarches qui sont enrichies et approfondies au cycle 4 »6. Par contre le concept « habiter » sert de fil conducteur autant en Histoire qu’en Géographie du CM1 à la 3°, sur les deux cycles, cycle 3 et cycle 4. Un tableau synoptique est proposé en annexe.

Entrer par ce concept d’habiter le Monde, aujourd’hui comme hier, pour savoir comment habiter demain (prospective). Utiliser ce concept devient alors pour nous, enseignants, un processus de construction du citoyen-habitant. Il s’agit de se donner des outils qui permettent de comprendre ce concept, d’être et d’avoir conscience, de devenir un habitant du Monde qui laisse sa trace et lit celles des autres.

La lecture de l’introduction de la partie Géographie du Cycle 3 donne bien le ton : « les élèves découvrent ainsi que pratiquer un lieu, pour une personne, c’est en avoir l’usage et y accomplir des actes du quotidien comme le travail, les achats, les loisirs… Il faut pour cela pouvoir y accéder, le parcourir, en connaitre les fonctions, le partager avec d’autres. Les apprentissages commencent par une investigation des lieux de vie du quotidien et de proximité ; sont ensuite abordés d’autres échelles et d’autres « milieux » sociaux et culturels ; enfin, la dernière année du cycle s’ouvre à l’analyse de la diversité des « habiter » dans le monde ».7 Au collège, au cours du cycle 4, on doit avoir en tête ce qui a été réalisé précédemment. Par des exemples précis, les élèves ont déjà une expérience de cette démarche et de ce concept. Il faut donc entretenir et prolonger, enrichir et complexifier cette pratique, poursuivre l’alternance des échelles.
  Tous les thèmes de Géographie peuvent alors être abordés en analysant les lieux comme autant de lieux pratiqués par des habitants mobiles. Mais de nombreux thèmes d’Histoire peuvent être lus par cette entrée-là également. Tous, pourquoi pas ? Des liens entre Histoire et Géographie, voire EMC, sont à réaliser régulièrement. Par exemple, l’espace méditerranéen « cohabité » au Moyen-Age renvoie à une manière d’habiter la mer ; prendre la Bastille en 1789 interroge sur les pratiques de la place aujourd’hui, au cœur de la métropole parisienne (Histoire, Géographie, EMC), etc.

 

Etude progressive :

La notion d’habiter pourrait donc être construite avec profit tout au long de chaque année par une approche progressive, en déclinant ses aspects de manière plus ou moins approfondie selon la pertinence, ou le point de vue de l’enseignant. Autrement dit, il s’agit de mettre en place une progressivité déterminée par des fils conducteurs, en insistant plus ou moins sur l’une des composantes suivantes selon les problématiques choisies. Par équipe pédagogique, il est également conseillé de construire une progressivité sur les 4 années du collège, pourquoi pas sur les cycles 3 et 4.

Nous proposons donc (voir annexes), deux outils de travail :

- un schéma de lecture du concept « habiter » sous ses trois aspects majeurs (Pratiquer / Cohabiter / Spatialiser) télécharger le schéma

- un tableau qui répertorie les principales parties du programme d’Histoire-Géographie de la Sixième à la Troisième selon ces trois mêmes aspects.  Tableau synoptique

Questionnaire :

Le petit questionnaire suivant permet d’embrasser, autant que possible, ce concept sur chaque leçon, en prenant en compte les dimensions tant historiques et civiques que géographiques pures.

Qui ? Comment ? (pratiques - paysage)

Où ? (lieux, territoires)

Avec qui ? Comment ? (cohabitations)

Pourquoi ? Pour quoi ? (espace - temps)

  Schéma :

Ces questions se retrouvent dans le schéma suivant8 qui organise les rapports entre les trois manières complémentaires d’appréhender le concept Habiter dans chacune des leçons.

 

 

 
 

 Programmes :

Nous proposons en annexe 2 une lecture du concept « Habiter » à travers les programmes d’Histoire et de Géographie.

 

Séquence :

Nous avons conçu à titre expérimental la présentation du concept « habiter » pour la séquence « Habiter la métropole » en annexe 3.

 

Dans tous les cas, il s’agit d’une réflexion générale et de propositions. Seule l’expérience pédagogique doit permettre des réajustements nécessaires.

 

 

Compétences :

Par des récurrences, des habitudes de travail, des compétences disciplinaires ou géographiques les élèves vont construire ce concept qui est plus qu’un concept : un processus géographique nous dit Lazzarotti, une compétence à part entière pourrait-on presque ajouter. Une compétence complexe qui puise dans tous les domaines du nouveau socle commun de compétence et de culture.

Nous pouvons puiser dans les cinq domaines du socle, même si le cinquième (« représenter le monde ») est celui dans lequel on peut retrouver les compétences plus particulièrement disciplinaires, celles que nous avons exposées dans le tableau des programmes7. Nous pouvons présenter alors certaines compétences interdisciplinaires qui donnent toute la cohérence à ce projet de savoirs, ce projet civique et éducatif que nous avons présenté ci-dessus :

Domaine 1 : les langages pour penser et communiquer

Lire : compétence disciplinaire quand il s’agit de lecture de cartes, de textes et autres supports documentaires qi permettent l’analyse de l’Habiter. (Traiter l’information)

Dire : c’est dans la formulation orale, dans le dialogue entre pairs, que chacun inscrit sa signature géographique et prend en compte celle des autres. Se familiariser avec les notions et le vocabulaire de base.

Ecrire : maîtriser l’écrit et d’autres formes de représentation graphique du monde permet de construire du sens et de valoriser sa compréhension d’un monde complexe. (Interpréter)

Domaine 2 : les méthodes et outils pour apprendre

Utiliser des outils et documents variés particulièrement importants (planisphères, cartes, paysages, photographies, SIG, données statistiques, sources écrites, données qualitatives…) (Traiter l’information)

S’engager dans un projet

Maîtriser les Tice : initier les élèves aux principes de la cartographie et de l’imagerie géographique numériques.

Domaine 3 : la formation de la personne et du citoyen

Capacité à juger par soi-même en s'appuyant sur sa réflexion et sur sa maîtrise de l'argumentation

Participer activement à l'amélioration de la vie commune

Préparer son engagement en tant que citoyen

Domaine 4 : les systèmes naturels et les systèmes techniques

Observer, décrire et interpréter

Formuler des hypothèses (prospective)

Prendre conscience de l'impact de l'activité humaine sur l'environnement

Domaine 5 : les représentations du monde et l'activité humaine

Identifier, relever l’information (localiser, décrire, sélectionner)

Traiter l’information, organiser l’information (classer, mettre en relation)

Interpréter, exploiter l’information d’une manière raisonnée, complexe (généraliser, argumenter, réaliser).
 

NOTES :

1. Le blog de Benoit Bunnik : http://geobunnik.over-blog.fr/2013/10/habiter-habitat-habitant-trois-temps-de-la-g%C3%A9ographie.html
2. LAZZAROTTI Olivier, Habiter le Monde, Documentation photographique, n° 8100, Juillet-Août 2014.
3. Mathis Stock, L’habiter comme pratique des lieux géographiques, EspacesTemps.net, Travaux, 18.12.2004. http://www.espacestemps.net/articles/habiter-comme-pratique-des-lieux-geographiques/
4. Idem note 2.
5. Jacques Lévy et Michel Lussault, Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés, Belin, 2013.
6. BO 2015
7. Idem
8. Annexe 1 : schéma du concept « Habiter »

 

BIBLIOGRAPHIE :

* Olivier Lazzarotti, Habiter le Monde, La Documentation française, Documentation photographique, n°8100, juillet-août 2014

* Jacques Lévy et Michel Lussault, Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés, Belin, 2013.

* Olivier Lazzarotti et autres, Habiter : mots et regards croisés, Annales de Géographie, Colin, n° 704, Juillet-Août 2015.

* Thierry Paquot, Michel Lussault et Chris Younès, Habiter, le propre de l’humain, villes, territoires et philosophie, La Découverte, 2007.

 

 

SITOGRAPHIE :

* Wilfrid Cariou, Habiter la ville : habiter le quartier de Dharavi à Mumbai : une ville dans la ville, 2011. http://www.pedagogie.ac-nantes.fr/histoire-geographie-citoyennete/enseignement/sequences

* Sébastien Peigné, Ma démarche habiter la ville, 2010. http://leprofdhistoiregeo.wordpress.com,

* Véronique Blua, Habiter la ville, 2009. http://histgeo.ac-aix-marseille.fr/a/veb/doo3.doc,

* Mathis Stock, L’habiter comme pratique des lieux géographiques, EspacesTemps.net, Travaux, 18.12.2004. http://www.espacestemps.net/articles/habiter-comme-pratique-des-lieux-geographiques/

* Catherine Calvet, Les métropoles multimillionnaires doivent décroître, interview de Thierry Paquot, article de Libération, Avril 2015,

http://www.liberation.fr/societe/2015/04/24/les-megapoles-multimillionaires-doivent-decroitre_1264552

* Françoise Moncomble, « La proximité », EspacesTemps.net, Dans l’air, 16.10.2002,

http://www.espacestemps.net/articles/la-proximite/

 
auteur(s) :

Fabienne Raffin et Jérôme Bouchereau.

éditeur(s) :

Ducellier François-Xavier, professeur certifié histoire-géographie lycée Robert Garnier la Ferté-Bernard

information(s) pédagogique(s)

niveau : Collèges tous niveaux

type pédagogique : démarche pédagogique

public visé : enseignant

contexte d'usage :

référence aux programmes : Collège tous niveaux

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