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le travail du lecteur autour des récits mythologiques

mis à jour le 24/02/2017


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Comment une attention portée aux problématiques de la maîtrise de la langue peut contribuer (à long terme) à l’efficacité du cours. 

mots clés : Rome, texte, maîtrise de la langue, mythe


Contexte théorique

Le travail proposé ici s'inspire des méthodes exposées dans Lector & Lectrix, Appendre à comprendre les textes narratifs, de Sylvie Cèbe et Roland Goigoux. Il s'agit d’un enseignement explicite des stratégies de compréhension des textes, en particulier les techniques permettant de réguler la lecture et la relecture des textes narratifs. Cet exercice travaille en particulier la capacité à se faire une représentation mentale : le lecteur « rassemble les idées importantes et les organise pour en faire une histoire cohérente. » (ouvrage cité, p. 30) .Ces pratiques s’appuient sur le constat qu’au-delà des problèmes liés au déchiffrage, il y a un rapport à la lecture différencié entre lecteurs précaires et lecteurs habiles : en pièces jointes, le travail de Fabrice Baudart (formateur académique en maîtrise de la langue de l’académie de Créteil) qui synthétise ces éléments. Je le remercie pour sa relecture du présent article.

 

Insertion dans le chapitre


La séquence commence autour de la question suivante : " Que racontent les Romains sur les origines de Rome ? " Après une première heure centrée sur l'Enéide de Virgile, les élèves découvrent un passage de Tite-Live pour travailler plus précisément sur la légende de la fondation de Rome. Le travail sur le document est précédé d'un extrait de l'émission Des Racines et Des Ailes : les premières minutes permettent de présenter le site géographique de la ville de Rome et le nom des sept collines, qui serviront pour comprendre le texte. 

 

Extrait choisi

Quant à Romulus et Rémus, le désir les prit de fonder une ville sur les lieux mêmes où ils avaient été abandonnés, puis éduqués. [...] Mais ce projet fut entaché d'un mal atavique, la passion du pouvoir royal. Ainsi une rivalité funeste naquit de cette initiative plutôt pacifique.

L'âge ne pouvait être pris considération pour faire la différence entre des jumeaux. Alors, ils s'en remirent aux présages des dieux protecteurs de ces lieux, pour désigner celui dont la nouvelle ville porterait le nom. Romulus choisit le Palatin, et Rémus l'Aventin comme observatoires pour prendre les auspices. C'est à Rémus le premier que, dit-on, se présenta le présage de six vautours en vol ; à peine était-il annoncé qu'un nombre double de vautours se montra à Romulus. Chacun des deux groupes alors de saluer son propre meneur comme roi. Pour les uns, la priorité entrait seule en ligne de compte. Mais les autres revendiquaient le titre de roi à cause du nombre d'oiseaux.

Au cours de la discussion la colère monta, ils en vinrent aux mains et la bagarre tourna au massacre. Dans la mêlée, Rémus fut mortellement blessé. On s'en tient plus souvent à une autre version : pour narguer son frère, Rémus avait sauté par dessus les remparts en construction. Romulus, en colère, l'injuria et le tua, en ajoutant : "Voilà le sort de quiconque voudra sauter au-dessus de mon rempart !"

Ainsi, Romulus détint seul le pouvoir et donna son nom à la ville qu'il avait fondée.

Tite-Live, Histoire de Rome depuis sa fondation, I 6, 3 -7, 3 (passim),  1er siècle avant JC: Traduction par Danielle De Clercq, Bruxelles, 2001. Source : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/LIVIUS1/Liv2.htm


Justification du choix de l'extrait


J'ai choisi cet extrait sur les conseils éclairés de Danielle De Clercq dont on peut trouver une traducation intégrale sur le site de l'UCL. Je reprends ici une grande partie de son analyse.

Cet extrait présente plusieurs avantages : 
  • le premier paragraphe montre l'aversion des Romains envers le pouvoir royal, remplacé en 509 avant JC par une république dont la forme sera conservée jusque sous l'Empire, bien que vidée de sa substance.
     
  •  Ce premier paragraphe permet aussi de montrer que Tite-Live s'attache avant tout à l'aspect moral des événements (comme il l'annonce dans l'introduction de son livre)
     
  • la fin de l'extrait permet de renforcer ces deux analyses : Tite-Live expose une deuxième version de cette légende - ce qui montre aussi les limites des capacités d'investigations des historiens de l'époque, puisqu'il ne peut pas réellement trancher entre les deux, et d'ailleurs ce n'est pas son but. D'autre part, il insiste sur le fait que Romulus détient seul le pouvoir : c'est bien cet attrait pour le pouvoir royal qui encadre tout l'épisode fratricide. 
 

Un questionnaire

1. Présentation des objectifs aux élèves (aborder la complexité du travail)

Au-delà du travail classique qui consiste à répondre à des questions, il va s'agir aussi de mener une réflexion sur les méthodes à employer pour y répondre.
  •  savoir adapter sa lecture et les relectures aux différents types de questions
  • savoir qu'il est plus facile de répondre si on a un bon film mental dans sa tête.
  • apprendre à retenir l'essentiel et non les détails, le sens et non les mots du texte 

2. Lecture de l'extrait

Le texte va d'abord être lu une première fois par le professeur, après une explication des termes présages et auspice. Cela permet de travailler les stratégies de compréhension en passant par - dessus les obstacles liés aux difficultés de déchiffrage. Ce premier travail porte sur la première partie de l'extrait écrite en bleue dans cet article. On distribue le questionnaire suivant :


1. Pourquoi Romulus et Remus vont-ils se placer sur le Palatin et l'Aventin ? 
2. Combien de vautours observent-ils chacun ?
3. Pourquoi Romulus et Remus se disputent-ils ? 
4. Qu'arrive-t-il à Remus ?

3. Production des réponses

Les élèves ont ensuite accès au texte projeté et ils doivent le relire une fois. Ensuite, le texte est caché et les élèves doivent répondre au questionnaire proposé. Pour cela, ils utilisent : 
- le stylo noir s'ils sont sûrs à 100% de leur réponse
- un crayon à papier s'ils ne sont pas sûrs
Ils n'écrivent rien s'ils ne connaissent pas la réponse. Ils peuvent ensuite relire le texte pour, à l'aide d'un stylo d'une couleur différente, compléter les blancs, barrer et corriger ce qui était écrit.
Pour chaque réponse, le professeur interroge d'abord un élève, puis demande à un deuxième sa réponse, avant de s'adresser au groupe s'ils ont d'autres réponses à apporter. 

 




4. Mise en commun : analyse des procédures de réponse au questionnaire


Attention : on s'intéresse surtout à la façon dont les élèves ont répondu à la question : au stylo noir ? Au crayon à papier ? Après une deuxième relecture ? Et pourquoi ? Cela permet de faire émerger les méthodes permettant (ou pas) de répondre à une question.



5. Bilan du travail réalisé

Un bilan de ces méthodes efficaces est nécessaire. Il est élaboré avec les élèves. Il doit donner lieu à une trace écrite dans le cahier pour que les élèves puissent à nouveau s'y référer et réinvestir les savoirs acquis. Il peut prendre la forme suivante : 
- Je n'ai pas besoin de relire : j'avais bien construit mon film, bien mémorisé...
- J'ai besoin de relire : je dois vérifier ma réponse, localiser une information, raisonner à l'aide de la question... 
- La réponse n'est pas toujours explicitement écrite dans le texte : dans ce cas je dois raisonner. 

Il est intéressant de lire ensuite la deuxième version proposée par Tite-Live afin que les élèves s'exercent à nouveau à construire un film mental du récit et puissent exposer les différences entre les deux versions.

6. Fin de la séquence


Enfin, on distribue le texte tel qu'il est proposé ci-dessus afin de travailler en classe entière le rôle particulier de l'historien antique - ce qui permet ensuite une transition sur les traces archéologiques et leur exploitation par les archéologues actuels.
 

Bilan réflexif

Les élèves ont bien compris les diverses procédures à suivre pour répondre aux questions. La discussion avec les élèves a permis de faire émerger plusieurs stratégies de lectures qui aboutissent à des réponses incomplètes ou erronées

* Se contenter de prélever les réponses dans le texte ne suffit pas : certains élèves se sont arrêtés au premier mot indiquant une quantité sans identifier l’expression « le double » qui indique le nombre de vautours observés par Romulus. Cette expression a d’ailleurs posé un autre problème à une élève qui s’est imaginée que Romulus voyait double et donc qu’il louchait. Il est possible que ce soit l'interprétation de " se montra à " qui pose problème. Dans le texte cela signifie que le phénomène est réel mais est-ce si clair pour un élève ? Danielle De Clercq, la traductrice, propose de souligner avec les élèves la façon atténuée de présenter le présage de Rémus : l'expression " dit-on " annonce sa défaite. 

* De même, la stratégie de prélèvement ne permet pas de répondre à la question 3 car le verbe « se disputer » n’apparaît pas dans le texte : un élève en grand difficulté a ainsi expliqué qu’il cherchait le mot de la question dans le texte et qu’il recopiait la phrase pour répondre. Il s’agit, de plus, de la question la plus difficile car elle nécessite des inférences : l’élève doit répondre à partir de plusieurs indices présents dans le texte. 

La dernière question est en revanche très bien réussie : deux élèves ont proposé des explications intéressantes : pour l’une, il était plus facile de retenir cette phrase car c’était la dernière lue par le professeur ; pour l’autre, comme il s’agissait de la dernière question du questionnaire, la réponse devait forcément se trouver à la fin du texte : il fait le pari, ici justifié, que l’ordre des questions suit l’ordre du texte. 

Quelques points à questionner :


* Quelques élèves se sont basés uniquement sur leur mémoire auditive pour répondre au questionnaire. La lecture par le professeur leur a donc permis d’éviter la confrontation au texte et la lecture personnelle proprement dite. Faudrait-il réitérer ce type d’exercice, sans lecture préalable par l’enseignant ? 

* Ce texte reste très complexe : certains  les élèves en très grande difficulté, n’ont pu répondre à aucune des questions. Cela est très déstabilisant même si la discussion qui suit leur a permis d’éclaircir les raisons de leur échec. Peut-être serait-il utile de faire ce travail sur un texte préalablement étudié en Français (L’Iliade, L’Odyssée, l’Enéide sont au programme de Français et d’Histoire).

 

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux, Cycle 3, 6ème

type pédagogique : analyse de pratique, démarche pédagogique, compétences

public visé : non précisé, enseignant

contexte d'usage : classe

référence aux programmes : Histoire 6e
Thème 2. Récits fondateurs, croyances et citoyenneté dans la Méditerrannée antique au 1er millénaire avant JC 
Rome du mythe à l'histoire

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