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mis à jour le 21/10/2020
Que serait l’histoire sans personnages historiques, ces hommes, ces femmes, ces images toujours, qui s’imposent comme des familiers aux enfants, aux amateurs d’histoire mais aussi aux historiens ? Certaines écoles ont tenté de s’en affranchir, elles en ont peut-être inventé d’autres, collectifs ou idéal- types. Mais comment devient-on un personnage historique ?
mots clés : personnage historique, histoire, mémoire
Deux questions étaient posées aux intervenants :
Comment nait un personnage historique : fils de l’histoire ou de l’historien ou les deux ?
Comment meurt un personnage historique ? Faut-il une belle mort pour entrer dans l’Histoire ? Est-ce que le personnage historique disparaît ?
Dans l'antiquité... (Antonio Gonzales)
Le personnage n’est pas un concept antiquisant car il renvoie au romanesque, à la fiction qui n'appartiennent pas l'outillage mental de cette période. Renvoi au récit de la mythologie, poèmes homériques. Pour les anciens, dans la conception de l’histoire, les évènements du passé sont aussi bien historiques et fictifs mais sans contradiction. Préséance du temps mythique et continuité dans l’histoire relayée par les aèdes. Les personnages historiques sont bifaces : historiques et mythologiques. Les contemporains prennent les récits pour argent comptant sans contradiction. Le personnage historique est inséré dans un récit qui prend en compte la temporalité.Le temps du mythe et de la légende explique en grande partie le présent des sociétés de l’Antiquité. Cela est si vrai que l’on consacrait à ceux-ci des hérôons, sanctuaires permettant d’assoir l’autorité d’une cité et de familles se rattachant à ses héros. Ainsi, de plus ou moins fictifs, les personnages prenaient de la consistance, de la valeur et appuyaient des réalités de l’époque.
Louis IX jugeant l'affaire du sire de Coucy (enluminure vers 1330-50)
Pour la période antique, la belle mort est celle d’Achille et de son dilemme : mourir jeune et demeurer dans l’histoire ou vieillir et disparaitre ? A partir de cet exemple fondateur, on peut s’interroger sur ce que voudrait dire « sortir de l’histoire » ou « devenir éternel » pour les Anciens ?
Un détour par Spartacus permet de comprendre l’aspect paradoxal du sujet. C’est par sa mort que Spartacus devient un personnage historique et qu’il obtient une destinée étonnante. C’est une mort instrumentalisée par Rome (dans un processus de « propagande ») pour effrayer les populations serviles. Mais en même temps, Spartacus survit dans la mémoire des romains – comme une persistance rétinienne- qui avaient pour objectif d’effacer cette révolte.
Pour l’aristocratie, l’apothéose met en valeur le personnage. Ces comportements seraient considérés comme archaïque aujourd’hui, mais la mort et la résurrection sont des phénomènes d’éternité qui joueront une place centrale dans le christianisme naissant. L’éternité s’acquiert par la mort et la résurrection.
Au Moyen-âge… (Claude Gauvard)
La meilleure mort au Moyen-âge n’est pas la mort au combat, la mort héroïque. En effet, si la mort est soudaine, impréparée du point de vue chrétien, elle ne garantit pas le salut. Plus on avance dans la période et plus cette idée est ancrée dans les pensées. Par exemple, au XVème siècle, des manuels de préparation à la mort existent. On distingue les morts extraordinaires, accroissant la sainteté des autres morts. L’atrocité ou l’injustice de la mort peut faire entrer le personnage dans l’histoire et la vénération. C’est le cas du procès inique de Jeanne d’Arc et sa mort par le feu qui la fait entrer dans l’Histoire.
Il existe aussi une proximité entre le héros et son temps. Pour la période médiévale, Louis IX offre un bel exemple. Dès sa canonisation on regrette déjà son règne. Encore aujourd’hui, on parle du XIIIème s. comme du siècle de Saint Louis, orientant la vision et produisant des erreurs d’analyse (échec des croisades, de la fin des défrichements, politique envers les juifs…). Et Claude Gauvard, non sans humour, dans le contexte actuel, de proposer de déboulonner les statues de Louis IX, …si elles existent !
A l’époque contemporaine… (Pascal Cauchy)
Le personnage historique meurt beaucoup à l’époque contemporaine mais cette mort ne contribue pas à créer ou déterminer le personnage et sa postérité. On demeure dans le fait et le contexte. Par contre, il est sûr que la morale juste et la mort par assassinat crée une postérité efficace quelques soient les faits. P. Cauchy développe l’exemple de J.F.Kennedy (héroïser par sa mort alors que sa politique est à questionner…) ou celui de Churchill, l’homme de 1940 bien qu’il ait une action politique après la guerre et jusqu’à sa mort.
Dans ce trop-plein de personnages, ce carrousel de personnages historiques, le contexte et la période permet aussi d’élever ou au contraire de faire disparaître des individus (disparition : Aristide Briand vs accession au rang de personnage historique en lien avec les mouvements Black lives matter : Rosa Park)
Et de conclure sur une figure archétypale du personnage historique : le Général de Gaulle…. Mais comme le souligne, non sans humour Claude Gauvard, … pour combien de temps encore ?!
histoire-géographie-citoyenneté - Rectorat de l'Académie de Nantes