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Textes philosophiques : L'interprétation

mis à jour le 28/08/2008


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Cette ressource propose quelques textes philosophiques sur le thème de l'interprétation.

mots clés : philosophie, raison, réel, interprétation


 

Texte n° 6 :

374. Notre nouvel « Infini ».
Savoir jusqu'où s'étend le caractère perspectiviste de l'existence ou même, si elle a en outre quelque autre caractère, si une existence sans interprétation, sans nul « sens » ne devient pas « non-sens », si d'autre part toute existence n'est pas essentiellement une existence interprétative-voilà ce que ne saurait décider l'intellect ni par l'analyse la plus laborieuse ni par son propre examen le plus consciencieux : puisque lors de cette analyse l'intellect humain ne peut faire autrement que de se voir sous ses formes perspectivistes, et rien qu'en elles. Nous ne pouvons regarder au-delà de notre angle : c'est une curiosité désespérée que de chercher à savoir quels autres genres d'intellects et de perspectives pourraient exister encore : par exemple si quelques êtres sont capables de ressentir le temps régressivement ou dans un sens alternativement régressif et progressif (ce qui donnerait lieu à une autre orientation de la vie et à une autre notion de cause et d'effet). Mais je pense que nous sommes aujourd'hui éloignés tout au moins de cette ridicule immodestie de décréter à partir de notre angle que seules seraient valables les perspectives à partir de cet angle. Le monde au contraire nous est redevenu « infini » une fois de plus : pour autant que nous ne saurions ignorer la possibilité qu'il renferme une infinité d'interprétations. Une fois encore le grand frisson nous saisit :-mais qui donc aurait envie de diviniser à l'ancienne manière ce monstre de monde inconnu ? Qui s'aviserait d'adorer cet inconnu désormais en tant que le « dieu inconnu » ? Hélas, il est tant de possibilités non divines d'interprétation inscrites dans cet inconnu, trop de diableries, de sottises, de folies d'interprétation, notre propre humaine, trop humaine interprétation, que nous connaissons...

Nietzsche, Le gai Savoir, V, § 374, Notre nouvel « Infini », Gallimard, p. 270 - 271.

Texte n° 7 :

Cause et effet. - Nous appelons « explication » ce qui nous distingue des degrés de connaissance et de science plus anciens, mais ceci n'est que « description ». Nous décrivons mieux, - nous expliquons tout aussi peu que tous nos prédécesseurs. Nous avons découvert de multiples successions, là où l'homme naïf et le savant de civilisations plus anciennes ne voyaient que deux choses : ainsi que l'on dit généralement, la « cause » et l' « effet » ; nous avons perfectionné l'image du devenir, mais nous ne sommes pas allés au delà de cette image, ni derrière. La suite des « causes » se présente en tous les cas plus complète devant nous ; nous déduisons : il faut que telle ou telle chose ait précédé pour que telle autre suive,-mais par cela nous n'avons rien compris. La qualité par exemple, dans chaque processus chimique, apparaît, avant comme après, comme un « miracle », de même tout mouvement continu ; personne n'a « expliqué » le choc. D'ailleurs, comment saurions-nous expliquer ! Nous ne faisons qu'opérer avec des choses qui n'existent pas, avec des lignes, des surfaces, des corps, des atomes, des temps divisibles, des espaces divisibles, - comment une explication saurait-elle être possible, si, de toute chose, nous faisons d'abord une image, notre image ? Il suffit de considérer la science comme une humanisation des choses, aussi fidèle que possible ; nous apprenons à nous décrire nous-mêmes toujours plus exactement, en décrivant les choses et leur succession. Cause et effet : voilà une dualité comme il n'en existe probablement jamais, - en réalité nous avons devant nous une continuité' dont nous isolons quelques parties ; de même que nous ne percevons jamais un mouvement que comme une série de points isolés, en réalité nous ne le voyons donc pas, nous l'inférons. La soudaineté que mettent certains effets à se détacher nous induit en erreur ; cependant cette soudaineté n'existe que pour nous. Dans cette seconde de soudaineté il y a une infinité de phénomènes qui nous échappent. Un intellect qui verrait cause et effet comme une continuité et non, à notre façon, comme un morcellement arbitraire, qui verrait le flot des événements, - nierait l'idée de cause et d'effet et de toute conditionnalité.

Nietzsche, Le Gai Savoir, III, § 112, Cause et effet, Bouquins, p. 125 - 126.
   

Texte n° 8 :

Les concepts physiques sont des créations libres de l'esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur. Dans l'effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l'homme qui essaie de comprendre le mécanisme d'une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n'a aucun moyen d'ouvrir le boîtier. S'il est ingénieux, il pourra se former quelque image du mécanisme, qu'il rendra responsable de tout ce qu'il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d'expliquer ses observations. Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité ou la signification d'une telle comparaison. Mais le chercheur croit certainement qu'à mesure que ses connaissances s'accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera des domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles. Il pourra aussi croire à l'existence d'une limite idéale de la connaissance que l'esprit humain peut atteindre. Il pourra appeler cette limite idéale la réalité objective.

Einstein, L'Évolution des idées en physique

Texte n° 9 :

Nous assimilons donc le système de l'inconscient à une grande antichambre, dans laquelle les tendances psychiques se pressent, tels des êtres vivants. À cette antichambre est attenante une autre pièce, plus étroite, une sorte de salon, dans lequel séjourne également la conscience. Mais à l'entrée de l'antichambre dans le salon veille un gardien qui inspecte chaque tendance psychique lui impose la censure et l'empêche d'entrer au salon si elle lui déplaît [...]. Les tendances qui se trouvent dans l'antichambre réservée à l'inconscient échappent au regard du conscient qui séjourne dans la pièce voisine. Elles sont donc tout d'abord inconscientes. Lorsque, après avoir pénétré jusqu'au seuil, elles sont renvoyées par le gardien, c'est qu'elles sont incapables de devenir conscientes : nous disons alors qu'elles sont refoulées. Mais les tendances auxquelles le gardien a permis de franchir le seuil ne sont pas devenues pour cela nécessairement conscientes ; elles peuvent le devenir si elles réussissent à attirer sur elles le regard de la conscience. Nous appellerons donc cette deuxième pièce système de la préconscience [...]. L'essence, du refoulement, consiste en ce. Qu'une tendance donnée est empêchée par le gardien de pénétrer de l'inconscient dans le préconscient.

Sigmund Freud, L'Interprétation des rêves (1926), trad. Berger, Éd. des PUF, p. 424.

Texte n° 10 :

Procédant par raccourcis historiques, nous pouvons trouver dans l'esthétique baroque une bonne illustration de la notion moderne d' « ouverture ». L'art baroque est la négation même du défini, du statique, du sans équivoque, qui caractérisait la forme classique de la Renaissance, avec son espace déployé autour d'un axe central, délimité par des lignes symétriques et des angles fermés, renvoyant les uns et les autres au centre, de façon à suggérer l'éternité « essentielle » plutôt que le mouvement. La forme baroque, elle, est dynamique ; elle tend vers une indétermination de l'effet - par le jeu des pleins et des vides, de la lumière et de l'ombre, des courbes, des lignes brisées, des angles aux inclinaisons diverses - et suggère une progressive dilatation de l'espace. La recherche du mouvement et du trompe-l'oeil exclut la vision privilégiée, univoque, frontale, et incite le spectateur à se déplacer continuellement pour voir l'oeuvre sous des aspects toujours nouveaux, comme un objet en perpétuelle transformation. Si la spiritualité baroque apparaît comme la première manifestation clairement exprimée de la culture et de la sensibilité modernes, c'est que pour la première fois l'homme échappe à la norme, au canonique (garanti par l'ordre cosmique et par la stabilité des essences) et se trouve, dans le domaine artistique aussi bien que scientifique, en face d'un monde en mouvement, qui exige de lui une activité créatrice. Les poétiques de la « maraviglia », de l'esprit, du wit, de l'ingenium, de la métaphore, tendent, au delà de leurs apparences byzantines, à mettre en valeur cette nouvelle fonction inventive de l'homme. L'oeuvre d'art n'est plus un objet dont on contemple la beauté bien fondée mais un mystère à découvrir, un devoir à accomplir ,un stimulant pour l'imagination. Toutefois, oe sont là conclusions de la critique moderne, et c'est seulement aujourd'hui que l'esthétique peut les ériger en lois. Il serait par conséquent téméraire de voir dans la poétique baroque une formulation consciente de l'oeuvre « ouverte ».

Eco, L'oeuvre ouverte, la poétique de l'oeuvre ouverte, Points Seuil, p. 20 - 21.

Texte n° 11 :

Ces quatre exemples, choisis parmi beaucoup d'autres, révèlent la distance considérable qui sépare de pareils modes de communication musicale de ceux auxquels nous avait habitués la tradition. Une oeuvre musicale classique - une fugue de Bach, Aida, ou le Sacre du Printemps - est un ensemble de réalités sonores que l'auteur organise de façon immuable ; il les traduit en signes conventionnels pour permettre à l'« exécutant de retrouver (plus ou moins fidèlement) la forme qu'il a conçue. Au contraire, les oeuvres musicales dont nous venons de parler ne constituent pas des messages achevés et définis, des formes déterminées une fois pour toutes. Nous ne sommes plus devant des oeuvres qui demandent à être repensées et revécues dans une direction structurale donnée, mais bien devant des oeuvres « ouvertes », que l'interprète accomplit au moment même où il en assume la médiation .
Il convient d'observer, sous peine d'équivoque terminologique, que si nous allons parler d'oeuvres « ouvertes », c'est en vertu d'une convention : nous faisons abstraction des autres acceptions du mot pour en faire l'expression d'une dialectique nouvelle entre l'oeuvre et son interprète.
Les esthéticiens parlent parfois de « l'achèvement » et de l' « ouverture » de l'oeuvre d'art, pour éclairer ce qui se passe au moment de la « consommation » de l'objet esthétique. Une oeuvre d'art est d'un côté un objet dont on peut retrouver la forme originelle, telle qu'elle a été conçue par l'auteur, à travers la configuration des effets qu'elle produit sur l'intelligence et la sensibilité du consommateur : ainsi l'auteur crée-t-il une forme achevée afin qu'elle soit goûtée et comprise telle qu'il l'a voulue. Mais d'un autre côté, en réagissant à la constellation des stimuli, en essayant d'apercevoir et de comprendre leurs relations, chaque consommateur exerce une sensibilité personnelle, une culture déterminée, des goûts, des tendances, des préjugés qui orientent sa jouissance dans une perspective qui lui est propre. Au fond, une forme est esthétiquement valable justement dans la mesure où elle peut être envisagée et comprise selon des perspectives multiples, où elle manifeste une grande variété d'aspects et de résonances sans jamais cesser d'être elle-même. (Un panneau de signalisation routière ne peut, au contraire, être envisagé que sous un seul aspect ; le soumettre à une interprétation fantaisiste, ce serait lui retirer jusqu'à sa définition.) En ce premier sens, toute oeuvre d'art, alors même qu'elle est forme achevée et « close » dans sa perfection d'organisme exactement calibré, est « ouverte » au moins en ce qu'elle peut être interprétée de différentes façons sans que son irréductible singularité en soit altérée.

Eco, L'oeuvre ouverte, la poétique de l'oeuvre ouverte, Points Seuil, p. 16 - 17.
Introduction à la psychanalyse, Ch19.

Texte n° 12 :

La représentation la plus simple de ce système est pour nous la plus commode est la représentation spatiale. Nous assimilons donc le système de l'inconscient à une grande antichambre, dans laquelle les tendances psychiques se pressent, telles des êtres vivants. A cette antichambre est attenante une autre pièce, plus étroite, une sorte de salon, dans lequel séjourne la conscience. Mais à l'entrée de l'antichambre, dans le salon veille un gardien qui inspecte chaque tendance psychique, lui impose la censure et l'empêche d'entrer au salon si elle lui déplaît. Que le gardien renvoie une tendance donnée dès le seuil ou qu'il lui fasse repasser le seuil après qu'elle a pénétré dans le salon, la différence n'est pas bien grande et le résultat est à peu près le même. Tout dépend du degré de sa vigilance et de sa perspicacité. Cette image a pour nous cet avantage qu'elle nous permet de développer notre nomenclature. Les tendances qui se trouvent dans l'antichambre réservé à l'inconscient échappent au regard du conscient qui séjourne dans la pièce voisine. Elles sont donc tout d'abord inconscientes. Lorsque, après avoir pénétré jusqu'au seuil, elles sont renvoyées par le gardien, c'est qu'elles sont incapables de devenir conscientes : nous disons alors qu'elles sont refoulées. Mais les tendances auxquelles le gardien a permis de franchir le seuil ne sont pas devenues pour cela nécessairement conscientes ; elles peuvent le devenir si elles réussissent à attirer sur elles le regard de la conscience. Nous appellerons donc cette deuxième pièce : système de la pré-conscience. Le fait pour un processus de devenir conscient garde ainsi son sens purement descriptif. L'essence du refoulement consiste en ce qu'une tendance donnée est empêchée par le gardien de pénétrer de l'inconscient dans le pré-conscient. Et c'est ce gardien qui nous apparaît sous la forme d'une résistance, lorsque nous essayons, par le traitement analytique, de mettre fin au refoulement.

Freud, Introduction à la psychanalyse, Ch19.
 

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information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux, Terminale

type pédagogique : sujet d'examen

public visé : non précisé, élève

contexte d'usage : non précisé

référence aux programmes : philosophie, raison, réel, interprétation

ressource(s) principale(s)

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