Au cours d'une verbalisation avec une classe de niveau 4e, je m'étais rendu compte que les élèves confondaient fréquemment les termes figuratif /non -figuratif et qu'ils qualifiaient volontiers d'«abstraites » des œuvres où étaient représentés des éléments reconnaissables mais déformés, simplifiés ou imaginaires... J'ai pensé qu'il était important d'éclaircir ce point.
Mais comment faire travailler les élèves autour de l'abstraction quand pour eux, une image se doit d'être figurative (sinon elle a un intérêt limité) ? Et pourquoi leur demander de réaliser une peinture abstraite si c'est pour obtenir péniblement des productions « géométrisantes » ou décoratives ? Comment leur faire comprendre les enjeux d'une œuvre abstraite en suscitant leur curiosité ?
Dans un premier temps, je leur ai demandé de prendre des photos abstraites : l'attractivité de l'APN et son utilisation régulière permettant des recherches et des échanges généralement fructueux.
Les photos vidéoprojetées leur ont permis de débattre sur des notions liées aux domaines de l'abstraction et de la figuration, à savoir l'absence ou la présence de référent dans le champ de l'image. Et ils ont remarqué que pour les images « les plus abstraites » des cadrages en très gros plan avaient été souvent utilisés.
Ils ont soulevé aussi le fait que « si ça ne représente rien, ça montre quand même quelque chose » : des couleurs , des nuances, des contrastes (grâce à la lumière), des formes, des lignes, des points, des « reliefs »... Ils ont admis également que grâce à ce travail, « abstrait », c' était devenu plus « clair » pour eux.
Les élèves par la pratique ont donc appris que le cadrage permet de dé-contextualiser et de rendre abstrait ce qui ne l'est pas. L'analyse de leurs photographies leur a aussi permis de constater que même si l'image ne représente rien, elle existe quand même.
Je n'étais pas certaine que les élèves avaient vraiment pris conscience que l'abstraction résulte d'un choix aussi complexe sinon plus que pour la réalisation d'une image figurative. Avaient-ils vraiment choisi pour donner du sens ? L'appareil photo n'avait-il pas permis tout simplement de faire un prélèvement ?
Afin de leur faire prendre conscience de l'importance de la matérialité, je leur ai donc proposé de faire une peinture à partir de leur photo que j'ai imprimée.
Mon idée était qu'ils s'adressent à tous les sens, " que l'on puisse sentir, toucher, goûter" (Fautrier) et découvrent que "l'art ne s'adresse pas qu'aux yeux" ( Dubuffet).
incitation
réaliser une peinture qui ne s'adresse pas qu'à la vue
à partir de votre travail photographique
à leur disposition dans la salle différents matériaux et outils : papiers, cartons, tissus, sable, sciure, ficelle, colles, peintures, différentes sortes de pinceaux, brosses (à dents, à ongles, à vaisselle), grattoirs, rouleaux, éponges...