La présentation orale d'un projet au groupeSynthèse d'expériences récentesÀ la fin d'un travail pratique réalisé seul ou à deux, une classe de 3° est invitée à présenter le résultat produit à l'ensemble du groupe. Si, pendant l'effectuation individuelle, chacun a perçu des bribes de ce que les voisins ont fait, il a été intéressant de reformer le groupe-classe car cela a permis à chacun :
- de s'évaluer par rapport aux autres, de se situer;
- de s'exprimer sur son travail, sur ce qui était proposé (dire sa démarche, expliquer son point de vue);
- de débattre et d'échanger, de rencontrer des idées différentes des siennes, dans un lieu spécifique où les uns partent à la découverte d'un univers étranger, et où l'autre reçoit tant bien que mal des subjectivités souvent contradictoires.
Cependant, prendre la parole face à un groupe pour montrer son travail est une expérience assez stressante. L'élève a peur car :
il doit encore travailler et faire des choix de présentation, d'installation, d'accrochage : c'est un moment où son travail devient autonome et prend un sens définitif; il ne sait pas toujours quoi dire : en création, des choses souvent nous échappent et puis, on oublie la raison qui nous a poussé à faire ce choix, en pleine action. L'élève qui travaille doucement, sans trop réfléchir, doit alors improviser quelque chose, quitte à totalement inventer une démarche, à construire un sens a posteriori à son travail plastique; il s'expose surtout au regard et à la critique des autres : c'est aussi un moment où il va évaluer sa « cote de popularité », où certains peuvent en profiter pour tenter de le déstabiliser (moqueries, critiques techniques...) en lui posant des questions-pièges (par exemple : « pourquoi tu as dessiné seulement 10 joueurs de foot sur ton terrain, alors qu'une équipe c'est 11 joueurs? ») qui n'amènent pas l'élève sur de bons questionnements. La prise de parole du professeur est alors d'un intérêt double : elle soutient l'élève sur le grill, et d'autre part elle l'aide à se recentrer réfléchir sur son travail (« est-on toujours obligé de représenter fidèlement les choses...? Qu'est-ce que ça apporte, la différence? Et par rapport aux demandes, comment as-tu construit une réponse personnelle? »); sa qualité d'orateur se doit d'être performante : Souvent le public interrompt l'orateur trop lent, qui vit mal le fait qu'on ne l'écoute pas et qui finit par ne parler qu'au professeur. Il faut être captivant et savoir assumer d'être en représentation. D'ailleurs, parmi ceux qui sont « à l'aise à l'oral », beaucoup pratiquent du théâtre en atelier ou un sport, ou ont une certaine habitude de réfléchir, de travailler... Mais ce n'est pas le cas de tous!
Dans le concret de cette expérience-là, la difficulté pour l'élève s'est doublée d'une contrainte assez stupide (rétrospectivement) : il devait enregistrer ses propos avec un enregistreur numérique tout neuf. Cela avait été présenté comme un exercice de prise de parole en public (notamment pour l'épreuve d'Histoire des Arts). Les élèves s'étaient regroupés dans l'espace dédié aux verbalisations : au fond de la salle, sur un banc et sur des tabourets faisant face à l'élève présentant son travail accroché au mur ou posé (sur une table ou sur une sorte de trépied).
Aux constatations sur la difficulté de prendre la parole en public, se sont ajoutées en toute logique les faits que : enregistrer, c'est laisser une trace, fixer... Quelques élèves ont posé la question de l' utilisation ultérieure qui en serait faite.
Un outil se manipule suivant certaines procédures, là ce petit dictaphone n'a pas été si simple à utiliser... les élèves ont fini par me le confier!
L'élève est encore plus enclin à la description de son travail, car il se sent obligé de le faire pour qu'on sache bien de quoi on parle sans le support visuel. Dans le même temps, il lasse immanquablement son auditoire!
Et finalement, nous avons manqué de temps pour exploiter réellement le dispositif.
Souvent les élèves se montrent revêches à cet exercice car, d'une part ils attendent leur tour (frustration ou peur), d'autre part, ils ne sont pas intéressés par ce que les autres ont produit (ils préfèrent narcissiquement leur travail) et enfin, c'est du passé et ils souhaitent se relancer dans autre chose.