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Renvoyé spécial 2021 - Lycée Raphaël Elizé à Sablé-sur-Sarthe

Rencontre avec des élèves de seconde du lycée Raphaël Élizé à Sablé-sur-Sarthe.

Thelma nous avait prévenus : elle est bavarde. Cela se confirme rapidement, dès les premiers contacts. Mais il y a tellement à raconter qu’on ne peut lui en vouloir.

Transmettre sa passion pour le journalisme malgré les épreuves, les arrestations, les menaces… jusqu’à l’exil, loin de la chaleur et du soleil de son Zimbabwe natal.

Thelma CHIKWANHA a voulu devenir journaliste dès l’âge de 12 ans. Pour cela, elle a étudié la géographie, l’histoire et l’économie à l’université ; avant d’obtenir un poste dans un célèbre journal de son pays, The Daily News.

Thelma se fait rapidement un nom et grimpe les échelons au sein du média, réalise même des collaborations avec des médias européens (France, Suède, Angleterre), tout va pour le mieux… si ce n’est que son pays est en train de basculer. Basculer de la démocratie à la dictature, parce que celui qui est à la tête du pouvoir ne veut plus le lâcher, quitte à employer les pires méthodes pour cela.

Thelma enquête et veut rendre compte de ce qui se passe, y compris lors des manifestations de l’opposition. Elle rédige également des papiers sur le chef d’État et sa femme. Or, pour Robert Mugabe et ses proches, la liberté d’expression et de la presse doit désormais se réduire aux quelques organes officiels qui véhiculent leur parole… une chaîne de TV contrôlée par l’État ou encore une radio propriété d’un ministre…

Thelma Chikwanha et tous les autres journalistes du Daily News sont arrêtés et jetés en prison, la plupart d’entre eux sont torturés. Leur journal restera fermé pendant sept ans, et ses machines de presse seront brûlées dans une explosion à la bombe.

À sa sortie de prison, Thelma reprend son métier de journaliste et décide de poursuivre son travail à visage découvert, malgré le danger et la peur. Elle s’appuie sur un réseau de personnes et de lecteurs qui suivaient ses articles et qui la préviennent lorsqu’elle sur le point de se faire arrêter. Comme Thelma le précisera par la suite aux lycéens, sa voiture est toujours garée dans le sens de la marche et elle n’emprunte jamais les entrées ou sorties principales… cela lui sauvera la vie plusieurs fois.

En 2018, l’armée finit par passer du côté des manifestants et la famille Mugabe doit quitter le pouvoir. Des élections ont eu lieu. Mais la situation ne s’est guère améliorée…

Thelma, elle, est déjà partie. Elle a fini par s’exiler, craignant trop pour sa vie et celle de ses proches. Dans son pays, elle avait pris la précaution d’aller se faire établir un visa à l’ambassade française. Elle migrera en Suède puis sera redirigée vers la France pour cette raison.

Les débuts en France sont très difficiles. Seule, sans argent ni abri, aucune aide ne lui est proposée à son arrivée. Elle ne parle pas français. Ses diplômes ne sont pas reconnus, ni son métier.
Aujourd’hui, trois ans après, elle renaît. La Maison des Journalistes l’a accueillie. Elle aime la nourriture, le bon vin et le fromage français… Elle a repris des études informatiques, pour trouver du travail comme webdevelopper ou data analyst. Et Thelma rédige en parallèle un livre sur le clan Mugabe.

Les lycéens de Raphaël Élizé, qui l’ont rencontré, ont été nombreux à livrer les mêmes impressions sur leurs fiches de restitution : bluffés par sa détermination à informer malgré les menaces et la peur, solidaires et l’encourageant à poursuivre dans cette voie malgré les épreuves, et souhaitant que le combat pour la liberté de la presse se poursuive dans la monde face à de telles situations.

Le pari est réussi, la rencontre aussi. Ces lycéens sarthois ont pris conscience de ce qui se passait ailleurs dans le monde et de l’importance d’informer en toute liberté ; ce qui est l’un des principaux objectifs de l’opération Renvoyé spécial. Cette intervention complète bien le travail qu'ils effectuent durant l'année en PEM (classe à Projet d’éducation aux médias) avec leurs enseignants de français, histoire-géographie et anglais, ainsi qu'avec les professeures documentalistes.

Caroline MALVILLE

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