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Renvoyé spécial 2024 - Lycée Jacques Prévert à Savenay - Lycée André Boulloche à Saint-Nazaire

Rodly Saintiné, une (sur)vie de journaliste à Haïti
21 mars 2024


Dans le cadre de l’opération “Renvoyé Spécial” co-organisée par le Clémi et la Maison des journalistes, Rodly Saintiné, réfugié depuis quelques mois en France, est venu raconter sa vie de journaliste aux jeunes ligériens.
En effet, deux lycées ont eu la chance de pouvoir l’accueillir successivement ce jeudi 21 mars pour écouter son témoignage poignant : celui d’un journaliste haïtien qui a grandi au contact des gangs et qui a su tracer son chemin malgré la violence et l’omerta… au point de déranger les puissants.
Rodly Saintiné a été accueilli le matin par une soixantaine de lycéens de première SES et HGGSP avec Mme Laslandes, Mme Perrin et Mme Castel.
Il a ensuite passé l’après-midi auprès des élèves de terminale CAP monteur installateur sanitaire du lycée André Boulloche, à Saint-Nazaire avec Mme Bertho.

 
 
 

Rodly Saintiné a dû quitter son île natale suite à de graves menaces de mort et des pressions constantes exercées sur sa personne en raison de son travail journalistique courageux et indépendant. « Ils disent là-bas que je suis une grande gueule », précise Rodly en souriant aux élèves présents.
Mais ce sourire tranquille cache de nombreuses souffrances qu’il a dû endurer pour poursuivre ses études puis exercer en toute intégrité. Car dénoncer les injustices, les assassinats et les abus de pouvoir signifie aussi voir sa tête mise à prix par les chefs de gang.

Journaliste radio, correspondant RFI et fondateur d’une école de journalisme reconnue, Rodly a grandi à Cité Soleil, le plus gros bidonville de Port-au-Prince : 32 quartiers où la loi du plus fort est la règle, où les gangs font la loi jusqu’au sein des maisons. Le silence est d’or, même pour les médias.

Rodly Saintiné explique qu’Haïti connaît actuellement une forte recrudescence de violence. Plus de 200 groupes lourdement armés se partagent l’île et font régner la terreur… Les journalistes indépendants se font rares et travaillent sous les balles, au risque de leur vie. Plusieurs ont été assassinés y compris au sein d’un commissariat.
Communiquer une information fiable est donc précieux mais périlleux, tant leurs alliances politiques et économiques sont puissantes.

Rodly Saintiné en a fait l’amère expérience : sa tête a été mise à prix par Barbecue en personne, ancien policier spécialisé dans la guérilla urbaine, désormais puissant chef incontesté du G9 et de l’alliance « Vivre ensemble ».

Les élèves ont découvert dans quelles conditions il avait dû survivre durant 19 mois en se cachant et en se déplaçant sans cesse, en s’enfuyant par la fenêtre in extremis. Manger était devenu occasionnel, boire était un luxe... car l’eau servait de bain aux grenouilles.

Les élèves ont posé de nombreuses questions sur le rôle de l’ONU et des pays occidentaux dans la situation dramatique que vit actuellement Haïti. Mais aussi sur son travail de journaliste radio, son parcours atypique au milieu d’un quartier où l’éducation est un bien auquel beaucoup n’ont pas accès.

Rodly en a d’ailleurs profité pour remercier sa mère, sans qui il n’aurait jamais pu avoir le parcours qui l’a mené au journalisme, malgré les dangers et la vie d’exilé qu’il connaît aujourd’hui.
Il a conscience que sa famille porte le fardeau de son métier et de son exil. Sa mère l’a cru mort et a déménagé quatre fois depuis son départ. Son frère ne peut plus mettre un pied à Port-au-Prince, sa ressemblance avec Rodly est tellement frappante qu’il a failli être assassiné à sa place il y a quelques mois. Sa fiancée, journaliste comme lui, est également menacée par les gangs.

Il essaie de garder le contact avec ses proches mais c’est difficile, et souffre régulièrement de crises de panique lorsqu’il n’a pas de nouvelles… traumatisme de ses 19 mois de cavale infernale.

Après une fuite épique vers la République Dominicaine puis la France via le Mexique et huit jours passés malgré lui dans la rue à son arrivée en région parisienne, Rodly Saintiné a rejoint la Maison des Journalistes puis l’équipe de « Couleurs tropicales » sur RFI dont il était déjà le correspondant à Haïti.
Il continue également de donner des cours à distance à ses élèves de l’École des Médias, école qu’il a fondée et qui est aujourd’hui codirigée par sa fiancée et l’un de ses anciens élèves. Cette école est désormais reconnue à l’international et a signé un partenariat avec l’ISFJ (Institut Supérieur Français de Journalisme).

En amont de cette belle rencontre, les élèves du lycée Jacques Prévert ont travaillé sur la presse, le journalisme de guerre et la liberté d’expression.
Des affiches, présentées actuellement au CDI, ont été créées en lien avec le site de RSF (Reporters sans Frontières).
Et grâce à leurs enseignantes, ces lycéens ont pu visiter la rédaction et les rotatives du quotidien régional Ouest-France à Rennes.

Quant aux lycéens nazairiens, un travail similaire sur la liberté de la presse dans le monde et sur le mode de communication des gangs haïtiens sur les réseaux sociaux avait été entamé en amont de la rencontre. Ces élèves, dont 50% sont allophones, participent également à une classe à Projet d’Education aux Médias (PEM) et à la radio du lycée (Radio Lab).

 

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