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Etude de Jacques Le Fataliste de Diderot

mis à jour le 09/07/2007


jacques fataliste.jpg

Une proposition de démarche pour aborder cette oeuvre en classe de terminale.

mots clés : Diderot, Jacques, fataliste


Proposition d'une démarche pour l'étude de Jacques le Fataliste en Terminale

 
Ce qu'on admire au départ dans cette œuvre foisonnante, c'est justement cette profusion, dont on sent que c'est d'elle que naît le sens ; œuvre en quelque sorte testamentaire de DIDEROT, qu'il lègue à la postérité par crainte des mesures de rétorsion ... On sent que l'œuvre rend compte des apories auxquelles se heurte le philosophe des Lumières qui rejette tout esprit de système et qui a conscience de porter en lui des aspirations, des pensées contradictoires : « Mes pensées, ce sont mes catins ». Et donc on comprend que Jacques constitue une mise à l'épreuve de ces contradictions. Le dialogue entre Moi et Lui du Neveu est étrangement réversible ; dans Jacques, l'instance du Moi se démultiplie à l'occasion de chaque prise de parole, de narrateur à personnage ou à lecteur ; et le sens naît de la confrontation, probablement pour l'auteur aussi bien que pour le lecteur.

Et c'est cette richesse qui génère la difficulté quand ce chef-d'œuvre devient objet d'enseignement. Comment faire pour que nos élèves s'approprient l'œuvre, des élèves de Terminale, certes littéraire, mais pour qui la Littérature ne constitue qu'une discipline parmi d'autres, et Jacques une œuvre parmi quatre qui, par hasard, ont toutes pour spécificité d'être à thème éclaté, donc difficiles à mémoriser ?

 

Pour me l'approprier moi-même, dans le cadre de ma préparation, comme tout le monde, j'ai pris des notes de lecture. Très vite, j'ai ressenti la nécessité de les classer pour m'y retrouver, dans une disposition mettant en évidence la structure en emboîtement. Et cela m'a demandé un temps considérable, hors de proportion avec celui dont dispose un élève qui prépare le baccalauréat. Entre parenthèse, il est aussi considérable pour un préparateur de cours, mais c'est un autre problème. J'ai donc décidé de fournir cette mise en espace du texte pour qu'il serve de support à la réflexion des élèves. Finalement, les élèves disposeront de deux documents, l'un concernant la structure narrative, l'autre les points forts des discours, à l'aune de ma lecture. Le cours s'articulera ensuite en fonction de ce matériau :

 

1)      Jacques : un roman qui raconte des histoires. Quel sens intrinsèque peut prendre une histoire ? Quel infléchissement du sens impose sa mise en perspective avec telle ou telle autre qui présente avec elle des similitudes ou des oppositions ? Quel sens donner au fait qu'elle est portée par tel ou tel narrateur ?

-         Ainsi le « roman » de madame de la Pommeraye et du marquis des Arcis ouvre une réflexion sur le rapport amoureux, sur le problème de la constance. Mais cette histoire est précédée de la fable, de sens fermé de la Gaine et du Coutelet. Celle-ci donne-t-elle le fin mot de celle-là, ou, au contraire, celle-là met-elle en question la simplicité de la morale de celle-ci ? Et puis cette histoire, longuement circonstanciée, s'oppose au refus, par sa narratrice, du récit de ses propres aventures, malgré la demande réitérée du Maître. Or est suggéré le fait que celle qui raconte un « mariage saugrenu » est elle-même un mal-mariée. On ne peut rien conclure de ce croisement. On peut juste en discuter, à l'image de ce que font Jacques et son maître, à l'image des devisants de l'Heptaméron, comme le clin d'œil à l'œuvre de Marguerite de NAVARRE ou de BOCCACE au début de cette journée nous y invite.

-         Nous examinerons ensuite le fait que de nombreuses histoires se présentent en chiasme (dépucelage de Jacques avec l'amie de son ami, au grand mécontentement de celui-ci / machination au détriment du Maître qui se trouve surpris dans le lit de l'amie de son ami / « l'homme qui râclait de la basse ») ou en parallèle (l'amitié orageuse du Capitaine de Jacques et son ami / de Desglands et son rival auprès de la belle veuve / Le Peletier), voire identité des anecdotes (l'ami du Capitaine et monsieur de Guerchy) ; le fait que d'un mal peut naître un bien ou réciproquement (le geste d'humanité de Jacques envers Jeanne / le poète de Pondichérry / le mariage du marquis des Arcis). Bref, la promenade dans les méandres des anecdotes transformera les élèves en devisants, la question à eux posée étant : quels échos pouvez-vous repérer entre certaines des anecdotes ? Quel sens donner à leur confrontation ?

 

2)      Un débat d'idées.

-         On examinera les différents niveaux de dialogue (Narrateur / Lecteur ; Jacques / son maître, couple parfois augmenté de personnages de rencontre ; personnages des histoires racontées.) Strates compliquées par le fait que le narrateur prétend avoir discuté avec Jacques, que le héros de l'aventure racontée par l'hôtesse voyage ensuite avec Jacques et son maître et raconte à son tour une histoire ...

-         Les élèves ayant, lors de la séance d'introduction à l'œuvre eux-même repéré les grands thèmes du débat (roman et langage, philosophie fataliste, critique sociale, sexualité), je leur demanderai de surligner en quatre couleurs les extraits de discours que j'ai consignés, et je poserai sur chaque thème la même question : DIDEROT apporte-t-il une réponse tranchée à chacune de ces questions ? Nous étudierons en lecture analytique, pour la question du langage, l'épisode du baillon comme constitutif du personnage de Jacques (voir l'article de J.P MONTIER : « Jacques le Fataliste et le lecteur impertinent », Poétique n°119) et pour la question philosophique l'épisode de la boule, en comparaison avec un extrait de la lettre à Landois, en s'interrogeant sur le sens que prend la dilution de la parole, du narrateur à Spinoza, en passant par Jacques et son Capitaine.

 

3)      Les effets de l'entrelacement des genres, ou, plus précisément, l'entrelacement des dialogues, qui font émerger une multitude de couples à la fois antagonistes et fraternels, à l'image de fonctionnement de celui que forment  Jacques et son maître : Le symbole de ce lien paradoxal est constitué par l'attitude du Capitaine de Jacques et son camarade. « Grain de folie », commente le narrateur. Et que dire de Gousse, qui s'est fait mettre lui-même en prison ? Nous pourrons  en fin de parcours suggérer que la forme éclatée, privilégiée par DIDEROT, lui permet d'expérimenter l'éclatement de l'identité humaine. Et c'est ainsi que « Le Philosophe » est un écrivain.

 
STRUCTURE DE L'OEUVRE (Ed. GF)


Première soirée p. 41 à 42

C'était l'après-dîner. La nuit les surprit au milieu des champs

Ivresse > bâton > Fontenoy > coup de feu > blessure au genou > amoureux et boiteux
 

Première journée p. 42 à 48

Un chirurgien passe avec une femme en croupe. Chute

Nuit dans la plus misérable des auberges

Enseveli ; hôpital ; blessure ; chaumière ; femme qui le secourt


Deuxième  journée p. 48 à 62

Conversation entre la femme qui l'a secouru et son mari

Le maître se blesse le genou

Jacques entend la nuit du couple de paysans

Orage ; nuit dans un « château allégorique » ou tout autre « gîte possible », finalement la ville de Conches

 

Troisième  journée p. 62 à 105

Oubli de la montre et de la bourse. Jacques retrouve la montre ; il est poursuivi, pendant que le maître s'impatiente ; la bourse est retrouvée dans les mains d'une servante et Jacques doit payer. Le maître s'est endormi, et le cheval a disparu.

              Un chirurgien boit et examine la jambe

                                           Histoire du poète de Pondichéry

Le maître voit un cheval et envoie Jacques l'acheter

Jacques avait en réserve cinq louis, don de son frère Jean

Les circonstances de la fuite de Frère Jean à Lisbonne en compagnie du Père Ange

Le nouveau cheval de Jacques prend le mors aux dents et l'entraîne vers les fourches patibulaires.

Suite de l'histoire de frère Jean et du Père Ange

Ils voient un char funèbre ; Jacques reconnaît les armes de son Capitaine.

Esope va au bain et se retrouve en prison

Le maître console Jacques de la mort de son Capitaine

Jacques fait affaire avec le chirurgien

Le même char lugubre revient sur ses pas . Il semble qu'il ne s'agisse pas de l'enterrement du Capitaine

Début de l'histoire du Capitaine.

A Orléans, aventure de Monsieur Le Pelletier

Le cheval de Jacques s'emballe à nouveau

Histoire du Capitaine et de son camarade

Nouvelle incartade du cheval

Histoire de Gousse ; actions généreuse avec son ami Prémonval, perfides avec le narrateur

Le maître apprend que le cheval a appartenu au bourreau, retrouve Jacques et passe la nuit à son chevet

 

Quatrième journée p. 105 à 127

Le maître de Jacques achète un cheval. Jacques reconnaît l'homme qui l'a secouru, lui témoigne sa reconnaissance ; le maître lui apprend qu'il s'agit du bourreau

Histoire de la mort de Socrate

Histoire de la femme à l'anneau brisé

Jacques négocie avec le chirurgien, et quitte pour sa maison celle des paysans

Un jour, il secourt une femme à la cruche cassée, et est détroussé sur le chemin du retour

Comment Gousse s'est retrouvé en prison, trompé par sa maîtresse alors qu'il pensait escroquer sa femme

Jacques et son maître avaient atteint le gîte où ils avaient une nuit à passer. L'hôtesse de l'auberge invective deux hommes qui ont maltraité « la pauvre Nicole »

Un valet entre et demande à emmener Jacques

L'hôtesse apprend à Jacques et son maître l'identité de Nicole. Ils s'endorment

Histoire du camarade de prison de Gousse, celui « qui râclait de la basse »

 

Cinquième journée p. 127 à 188

Il pleut, Jacques se remet au lit

Le valet insiste

L'hôtesse les questionne en vain sur le but de leur voyage

Altercation de l'hôte avec son compère

Reformulation de la pièce du « Bourru bienfaisant »

L'hôtesse remonte, se querelle avec Jacques ; chute de Nicole

L'amoureux de Nicole

Début de l'histoire de madame de La Pommeraye et du marquis des Arcis : de la liaison à la rupture

L'hôtesse descend

L'histoire de la Gaine et du Coutelet

Le bâillon de Jacques

L'histoire du camarade du Capitaine, ou celle de monsieur de Guerchy :

L'hôtesse  reparaît avec deux bouteilles de champagne

La machination de madame de la Pommeraye et le « mariage saugrenu » du marquis

Le maître réclame en vain les aventures de l'hôtesse. Jacques est ivre.

 

Sixième journée p.188 à 218

Le cours du ruisseau est gonflé, Jacques est malade

Jacques est sorti de la maison du chirurgien, arrive au château de monsieur Desglands ; Jeanne, la femme qu'il a secourue, ordonne à sa fille, Denise, une jolie brune, d'obéir à Jacques comme à elle-même.

Généalogie des maîtres de Jacques, depuis Desglands jusqu'au présent maître en passant par le Capitaine

Histoire de Desglands, à qui sa maîtresse donne à choisir entre le jeu et elle

Altercation entre Jacques et son maître à partir de la réflexion : « Préférer un Jacques ». Arbitrage de l'hôtesse

L'après-dîner, le soleil s'éclaircit. Ils partent, accompagnés du marquis des Arcis et son secrétaire.

Histoire de Richard, le secrétaire du marquis des Arcis, et celle du Père Hudson ; rencontre finale : le Père Hudson, accompagné d'une « jolie femme au cabriolet »

Nos quatre personnages se rejoignent au château

Tableau décrivant une aventure du Père Hudson : « la fontaine des Innocents »

 

Septième journée p.218 à 291

Jacques et son maître reprennent leur route

La mort du mari de « la jolie femme au cabriolet »

Denise avait-elle son pucelage ? Et Jacques ?

Le dépucelage de Jacques : Justine et Bigre

Jacques, Suzanne et Marguerite

La fourche, le vicaire et le mari de Suzanne

Jacques est tourmenté par le mal de gorge

Les amours du maître : Agathe et le Chevalier de Saint-Ouin

L'emplâtre de Desglands : liaison avec « la belle veuve »

La fantaisie du fils de Desglands et la belle veuve

Les duels de Desglands et son rival ; mort de  la belle veuve

Il fait chaud ; ils dorment ; Jacques reconnaît le cheval du maître

Comment le maître est condamné à reconnaître pour sien le fils de Saint-Ouin

 

Huitième journée et fin des aventures p.291 à304

Ils arrivent au but de leur voyage ; les affaires du maître n'exigent pas au-delà d'une quinzaine de jours.

Un matin, ils partent régler la situation du « bâtard » du maître.

Jacques fait cadeau de jarretières à Denise, qu'il entreprend de lui poser

Ils sont à l'entrée du village ; chute du maître ; invectives contre Jacques

« Un jour de fête que le seigneur du château était à la chasse (...) Monsieur, permettez que je me taise »

Rencontre avec le chevalier de Saint-Ouin, ; le maître le tue et s'enfuit. Jacques est emprisonné. Et moi, je m'arrête.

 

Trois § séparés lus par l'éditeur :

1er § : Jacques succombe aux larmes de Denise et sursoit à la tentation « d'être heureux »

2e § : Denise masse le genou et au dessus de la blessure ...

3e§ : Jacques est au fond d'un cachot, il est enrôlé par la troupe de Mandrin, et retrouve son maître au château de Desglands, où il devient concierge. Mais sera-t-il cocu ?

 

 
 
contributeur(s) :

DANIELOU Marina

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique :

public visé : non précisé

contexte d'usage :

référence aux programmes :

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