Lettres

J'ai cette année beaucoup axé le soutien aux élèves en difficulté sur l'expression orale et écrite.

Depuis quelques années, je me suis aperçu que les élèves les plus  bloqués  pour s'exprimer étaient souvent rebutés par la perspective d'avoir à inventer, à imaginer ce qui pour eux apparaît souvent comme inimaginable. Même en multipliant les étayages, certains éprouvent de réels problèmes pour produire, et finalement ce sont souvent ceux qui en auraient le plus besoin qui s'exercent le moins.

J'ai donc décidé d'essayer de proposer en alternance avec les situations d'écriture où l'élève aurait à faire preuve d'imagination, voire de fantaisie, d'autres situations où l'histoire est en fait donnée.

On me dira alors qu'il s'agit plus de reproduction que de production, mais les expériences vécues cette année me confortent dans l'idée qu'il n'en est rien si la situation proposée est suffisamment riche, et que re-raconter c'est s'approprier et c'est s'imprégner de structures de phrases, de mots de vocabulaire, c'est faire sienne la construction de l'histoire racontée, c'est emmagasiner des matériaux pour ses propres productions. Bien sûr il ne peut être question de limiter l'écrit à ce type de situations, mais les utilise-t-on suffisamment ?

Je rapporterai ici trois exemples de situations proposées au fil de l'année.

La première s'est déroulée à l'occasion de la séquence sur le conte. J'avais trouvé au C.D.D.P. une version vidéo d'une quinzaine de minutes du Chat botté. J'ai d'ailleurs été positivement étonné de l'accueil réservé à cette histoire qu'ils ont pour certains découverte et pour d'autres retrouvée avec plaisir. Après avoir visionné une fois la cassette, je leur ai demandé tout simplement d'écrire l'histoire ; ils se sont montrés très enthousiastes.

Certains élèves qui ont d'habitude du mal à produire ont écrit cette fois un véritable texte. L'histoire étant commune, nous avons pu nous livrer collectivement à davantage de critiques sur les écrits qui ont été lus, certains ayant omis un épisode, d'autres n'ayant pas respecté la chronologie, d'autres encore ayant rédigé des phrases peu compréhensibles.

 Devant le succès de cet essai tant sur le plan de la motivation des enfants que sur la qualité du travail effectué, j'ai décidé de renouveler l'expérience en utilisant la cassette audio fournie avec le livre d'Agnès Chavanon  Former des enfants conteurs  (Hachette 2000). Je leur ai passé deux fois  La chemise de l'homme content  et leur ai demandé à nouveau d'écrire l'histoire.

 Voici deux exemples de productions d'élèves ( l'orthographe est la leur) :

  Il était une fois un roi qui devait être heureux, mais cet homme n'était pas content.

Le roi organisait des fêtes mais son fils restait 2 minutes, puis il allait dans un coin pour pleurer.

Le roi apela tous les sages du pays et leur dit : -Je veux que vous restiez dans une pièce pendant 3 jours et 3 nuits. Le 4^ème jour les sages trouvèrent une réponse. Ils dirent : Il faut que vous trouviez un homme qui est vraiment content de son sort et lui enlever sa chemise et la mettre sur le dos de votre fils.

Donc le roi envoya son embassade, pour trouver quelqu'un vraiment content de son sort. Il trouvèrent un prêtre qui était content de son sort mais le roi vit bien qu'il était pas content. Alors le roi le chassa. Puis après un prince vint, il dit qu'il était content de son sort, mais le roi vit bien qu'il était pas si content de son sort, alors le roi le chassa.

Le roi alla à la chasse. Et il vit un vigneron. Le roi lui posa des questions et le roi vit qu'il était content de son sort et le roi voulut enlevée sa chemise, mais il en avait pas.  EMMANUELLE

 Il était une fois un roi qui était bon, grand, beau et riche. Il avait un fils qui était triste depuis sa naissance. Un jour, il dit : es-tu amoureux d'une jeune fille est-ce que je prépare le mariage. Le fils du roi bougea sa tête et dit :  non, non je ne suis pas amoureux.  Et le fils du roi allait mourir, alors le roi dit  il faut que je fasse quelque chose . Le roi prépara des fêtes et des fêtes avec des musiciens et les gens du village et son fils en avait marre.

Un jour, il enferma trois sages pendant trois jours et trois nuits. Le quatrième jour, il dit :  Avait vous trouvez une solution. 

- Oui, on a lu dans les étoiles qu'il faut trouvé un homme heureux et content de son sort.

            L'ambasadeur du roi alla cherché un prêtre et l'emena au roi. Le roi dit  est-tu content de ton sort oui dit le prêtre.  Ensuite, le roi dit  veux tu passé pape oui je le veux bien dit le prêtre . Alors le roi dit faîtes partir le prêtre et le prêtre partit.

            Ensuite un prince vint et dit  moi je suis content de mon sort mais le seule problème c'est que je fais mourir. Alors, le roi dit  Faîtes partir le prince et le prince partit.

            Le roi était triste de ne pas avoir trouvé de solutions. Alors le roi alla à la chasse pour se changer les idées. Il tira sur un lapin, mais le lapin était pas mort, alors il le suivit. Il entendit un homme qui chantait  je suis contents de mon sort . Alors le roi alla voir le jeune homme et dit  tu es vraiement content de ton sort oui dit le jeune homme.   Veut-tu un peu d'argent dit le roi non merci repondit le jeune homme. Alors le roi enleva le gîlet du jeune homme pour prendre sa chemise mais le jeune avait pas de chemise.  MEDHI   

            Ces deux productions sont très différentes et montrent bien que nous ne sommes pas dans une simple reproduction d'une histoire entendue. Cette variété serait encore plus explicite si on s'arrêtait sur l'ensemble des textes produits par les enfants.

Ces deux élèves ont habituellement des difficultés à écrire, or dans ce cas, malgré de réelles imperfections, les textes présentent des qualités certaines.

 
En plus, les élèves connaissent tous l'histoire, ce qui peut permettre un travail sur les écrits où chacun se sente concerné.

Réécrire tout un texte est souvent fastidieux et peu porteur d'apprentissages, mais comme ici les élèves sont partis de la même histoire, on peut envisager de travailler sur certains points de manière un peu différente.

 
J'ai pour ma part proposé aux élèves une série de problèmes issus de différentes productions. En offrant un panel assez important, il est possible de répondre aux rythmes différents, tous n'ayant pas tout fait. 

 
Voici la situation proposée lors de la séance suivant l'écriture et sans avoir rendu les travaux initiaux :