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l'entretien pédagogique

mis à jour le 25/11/2010


echanger dossier 92

L'entretien est une technique essentielle à la pratique enseignante, peut-être trop peu mise en application ou, inversement, couramment pratiquée, mais peu réfléchie ou pensée. Quelques réflexions sur l'utilité de l'entretien pédagogique.

mots clés : échanger, entretien, correction individuelle, formation, remédiation, aide individualisée, erreur, verbalisation, correction, aide


Lorsqu'on évoque la technique de l'entretien, c'est plutôt vers les conseillers d'orientation, les conseillers principaux d'éducation, des assistantes sociales ou des infirmières, que l'on se tourne. On entrevoit bien les objectifs poursuivis par ces membres de l'équipe éducative, dans ces rencontres. Dans un climat de confiance, cet échange vise d'abord une compréhension, par les interlocuteurs, des comportements qui posent problème. Il a pour but aussi de conduire à une prise de décision accompagnée éventuellement d'un contrat pour changer.

L'entretien pédagogique

Cependant, cette technique, même si elle ne peut être aussi développée, est également indispensable à l'enseignant qui cherche une certaine efficacité dans son travail pour faire acquérir des savoirs, des méthodes, des modes de raisonnement, et surtout, lorsqu'il veut remédier aux erreurs de ses élèves. Dans toutes les situations d'entretien, le but est le même : s'informer pour l'un et s'auto-informer pour l'autre. Il s'agit, pour l'adulte, de prendre des informations concernant le comportement de l'élève pour pouvoir agir plus efficacement, lui faire des propositions plus adaptées et, pour l'élève, de s'informer sur ses propres démarches, de prendre conscience de ses façons d'agir en vue de les corriger, mais parfois aussi, de pouvoir les reproduire. Seule cette prise de conscience permet à l'élève de maîtriser sa démarche et donc d'en changer et d'apprendre. Dans tous les entretiens, la posture de l'adulte, enseignant, CPE, COP... ou de l'élève, est la même, c'est simplement l'objet qui diffère. Dans la situation pédagogique, et non plus éducative, l'objet visé concerne l'apprentissage de notions disciplinaires, de modes de raisonnement intellectuels ou de méthodes d'apprentissage, communs parfois à diverses disciplines. Mais alors que cherche-t-on précisément à savoir ?

Corriger ne suffit pas...

La pratique de l'entretien ne peut se concevoir que dans le cadre d'un modèle pédagogique constructiviste. Dans le modèle traditionnel où l'enseignant appporte essentiellement le savoir dans des cours magistraux ou "dialogués", si l'élève n'a pas compris ou commet des erreurs, c'est qu'il n'a pas bien écouté. L'erreur est la marque de son inattention ou de son refus de travailler, elle ne peut être corrigée que grâce à la volonté de l'un ou à la répétition de l'autre, et l'élève doit de nouveau écouter l'explication clairement formulée par son professeur. Or, l'erreur est généralement la manifestation d'un état de l'apprentissage qu'il importe de prendre en compte et d'interroger... Ainsi, prenons cette faute d'accord, grossière, mais hélas courante : "Le plafond s'effondrent". La réaction première de l'enseignant est de souligner le verbe, d'indiquer sous forme abrégée, dans la marge, acc. S/V (accord sujet-verbe), indiquant par là la marche à suivre pour que l'élève corrige. Ou mieux, si la situation de classe le permet, en correction individuelle, il prend le temps d'expliquer - ou plutôt de réexpliquer - à l'élève que "s'effondre" est un verbe et que, dans la langue française, le verbe s'accorde avec son sujet. Qu'est-ce qui s'effondre ? Le plafond, n'est-ce pas ? plafond est un nom singulier, donc le verbe s'orthographiera "s'effondre" au singulier.

L'entretien pédagogique
 

Expliquer ne suffit pas non plus...

Si l'on pense que l'élève a fait une faute d'inattention, comme on l'en crédite trop facilement, il devrait se corriger. C'est sans doute même ce qu'il va faire dans l'instant. Mais est-on sûr qu'il aura appris à accorder les verbes ? Si l'enseignant prend le temps de parler avec l'élève et lui demande de lui expliquer pourquoi il a choisi d'écrire le verbe ainsi, il peut s'entendre répondre : "Quand le plafond s'effondre, cela fait plein de petits morceaux, il y en a plusieurs, donc c'est pluriel !". La notion de singulier et de pluriel est repérée, la relation entre sujet et verbe également, mais le problème est ailleurs. On comprend alors combien la première explication de l'enseignant n'est d'aucune efficacité dans l'apprentissage. Si l'on veut que l'élève progresse, l'intervention ou l'explication doit s'effectuer à un autre niveau. En effet, cet élève n'a pas encore intégré que les règles d'orthographe (ou de grammaire) ne s'appliquaient qu'à l'intérieur du système linguistique, alors que lui va chercher ses justifications en dehors du système, dans le monde réel ou le référent du langage. "Le chien aboies" est aussi du même type. En effet, il ne s'agit pas d'une erreur de conjugaison, une confusion entre la seconde et la troisième personne, comme on pourrait le signaler à l'élève, car "tout le monde sait bien que quand un chien aboie, il ne fait jamais ouah tout seul mais ouah ! ouah ! ouah !, donc c'est pluriel !". Ce genre d'erreurs ou de justifications, parfois drôles, amusent beaucoup, mais elles devraient faire l'objet d'un traitement plus sérieux qu'un simple affichage dans la salle des profs ! Le savoir est en cours de construction, mais bien incomplètement maîtrisé. L'entretien, quoique bref, a bien pour fonction d'expliciter la démarche implicite de l'élève. L'enseignant, grâce à cette information, peut mettre en place une remédiation plus efficace.

Du danger, parfois, de la bonne réponse

Cependant, ce temps de verbalisation est tout autant utile en cas de bonne réponse car la prise de conscience favorise aussi la consolidation et le transfert, dans une autre situation, d'une démarche juste. Enfin n'hésitons pas à questionner l'élève aussi sur ses "bonnes réponses". Si l'enseignant entrevoit bien le type d'explication que donnera par exemple l'élève à cette orthographe : "aucun des chiens ne demeurent", il peut néanmoins penser que l'élève qui a choisi la "bonne orthographe" "aucun chien ne demeure" a enfin réalisé le bon accord et non l'accord réflexe avec le terme le plus rapproché. Cependant, s'il prend le temps de lui demander d'expliquer, il peut entendre la précision suivante : "demeure, c'est singulier, parce que demeure, c'est chez elle, il n'y a qu'une demeure, il n'y en pas plusieurs !". Seul ce temps d'explicitation permet de repérer le raisonnement faux qui aboutit néanmoins à une réponse apparemment juste, erreur plus fréquente qu'on ne le pense. On comprend le découragement de l'enseignant confronté à de nouvelles erreurs d'un élève qui, pourtant, avait donné l'impression d'avoir compris.

Une nécessaire prise de conscience

"J'apprends grâce à mes erreurs", tel était l'objectif d'une séance d'études dirigées d'un professeur de collège. Confronté au comportement des élèves, de sixième en particulier, qui effectuaient leurs exercices au crayon et s'empressaient de gommer toute trace d'erreur pour recopier proprement la "bonne réponse", l'enseignant voulait leur faire comprendre et accepter le rôle de l'erreur dans l'apprentissage, erreur utile pour l'élève comme pour lui. Elle est, en effet, une étape profitable à condition que l'élève ait pris le temps, non seulement de constater qu'il "avait faux", mais surtout pris conscience du raisonnement et de la stratégie utilisés pour effectuer son choix. Avant d'apporter la correction ou l'explication, l'enseignant doit permettre à l'élève d'effectuer ce détour. Si cette explication est effectuée trop vite, l'élève, bien sûr, acquiescera car il ne peut mettre en cause l'autorité et le savoir du maître, mais la représentation première qui est solidement ancrée réapparaîtra lors du prochain exercice. Seule cette prise de conscience de ses propres mécanismes de raisonnement défectueux, de son mode de fonctionnement implicite, peut conduire à une remédiation efficace et durable.

Apprendre à expliciter

On est toutefois déçus, au premier abord, lorsqu'on demande aux élèves de dire comment ils s'y sont pris pour choisir une réponse, résoudre un problème... Ils ne sont pas habitués à effectuer des retours sur eux-mêmes, à élucider leur pensée, à comprendre "comment ils ont fait". Les réponses se limitent à un haussement d'épaules ou à reprendre des explications trop fréquemment entendues "Je n'ai pas fait attention !".  C'est que l'explicitation est confrontée à deux difficultés. D'abord, l'élève doit être capable de faire l'effort de reconvoquer la situation passée et de la vivre mentalement au présent pour retrouver la démarche effectuée alors. Il faut mettre en évidence les raisonnements mis en œuvre dans l'action, qui ne sont pas forcément ceux adoptés en dehors. Ce travail d'évocation nécessite une grande concentration de sa part. Ensuite, il faut trouver les mots, les phrases, pour dire un acte qui ne semble pas réfléchi, formuler un raisonnement intuitif. Les propos restent souvent très généraux ou répétitifs. Un temps d'apprentissage semble nécessaire, avec ses échecs apparents, ses tâtonnements. Des entraînements à la verbalisation, en cours même de réalisation du travail, peuvent être un détour profitable, un moment d'apprentissage. La confrontation, la découverte des formulations d'autres élèves peuvent aussi permettre peu à peu de débloquer la situation.

Des situations d'entretien diverses

Si l'on a présent à l'esprit la situation de l'entretien tel qu'il est pratiqué par le conseiller d'orientation ou le CPE où l'adulte a la possibilité de s'isoler dans un bureau pendant un temps assez long avec l'élève, on se dit que cette pratique est impossible à mettre en œuvre dans une classe où l'on se trouve en permanence en présence de vingt ou trente élèves ! Cependant, il peut y avoir de multiples occasions de faire verbaliser un élève. Ainsi, pendant le déroulement même de son cours, l'enseignant peut demander à un élève d'expliquer comment il s'y est pris pour trouver la bonne réponse ou résoudre une difficulté. Sa démarche peut enrichir l'éventail des méthodes de tous les élèves, cela peut donner une idée à ceux qui seraient bloqués dans leur tâche tout en permettant à celui qui s'exprime de prendre conscience de sa méthode pour la réutiliser plus efficacement. Mais c'est plutôt pendant des temps de correction individuelle ou de travail différencié que l'enseignant peut accorder une écoute particulière et questionner plus précisément un élève sur une erreur qu'il a repérée. Cependant, le nombre d'élèves qui peut bénéficier de ce temps d'échange personnel est aussi limité. On peut alors proposer aux élèves de formuler des justifications par écrit. Après avoir repéré une ou deux erreurs récurrentes ou surprenantes, on leur demande de justifier leur choix ou leur réponse. Quelques écrits seront récupérés et analysés ensuite. On sait que cette justification était une compétence listée dans les évaluations de sixième et que c'était une de celles qui étaient les moins réussies ; il convient donc aussi de la travailler. Enfin, l'entretien, si l'on peut encore utiliser le terme, peut aussi être pratiqué indirectement dans le cadre d'un travail de groupe. Les élèves ont alors pour tâche de chercher à comprendre et d'expliquer quelques erreurs faites lors d'un travail commun. L'enseignant, en position d'observateur, écoute et recueille les formulations de chacun et leurs argumentations. Parfois, il apprend beaucoup dans cette situation où l'élève se sent plus libre de s'exprimer et livre plus facilement les raisonnements personnels les plus inattendus.

Un temps de déstabilisation

C'est ainsi que le professeur peut découvrir des représentations qu'il n'avait pas perçues ; ainsi, l'élève qui explique qu'il a écrit "les tourment, parce que après ent, on ne met jamais un S". Cette information le conduit à préparer un travail qui va confronter cet élève à des situations déstabilisant plus fortement cette représentation que la simple explication (liste de noms en ent et de formes verbales en -ent à classer). Ce qui paraissait simple et évident va se complexifier et conduire à un apprentissage nouveau et plus efficace. Autre exemple avec l'apprentissage de la conjugaison de l'indicatif présent. À la fin de l'exercice, on demande aux élèves de formuler par écrit la règle qu'ils sont sensés avoir mise en œuvre. On découvre les formulations les plus diverses. "J'ai bien regardé les verbes et les sujets, je me suis répété les terminaisons dans la tête et j'ai répondu", ou "Il faut savoir les terminaisons du premier groupe, du deuxième groupe et du troisième groupe." Le questionnement plus poussé de l'enseignant fait comprendre que ces formulations n'expliquent rien et n'aident en rien à réussir le travail. D'autres formulent des règles qu'ils ont scrupuleusement appliquées : "Quand c'est la première personne, on met un E, la deuxième, on met un S, la troisième un T", "Les verbes au présent se terminent par E, ES, E, ONS, EZ, ENT", "Quand c'est au présent, les verbes sont toujours S, S, E, ONS, EZ, ENT", toutes règles scrupuleusement appliquées ! avec la surprise de constater qu'il y a de nombreuses erreurs ! Le professeur découvre que certains ne savent pas ce qu'est une règle, comme les deux premières formulations le montrent, et que beaucoup ont des pseudo-règles qui donnent l'impression que certaines réponses sont justes, donc encore plus dangereuses ! L'entraînement à la verbalisation va se faire avec le professeur pour ceux qui ont le plus de difficultés, et par écrit pour les autres. Ils vont progressivement analyser leurs erreurs et formuler une règle provisoire qui doit leur permettre de ne plus les refaire, puis éventuellement, une seconde plus élaborée. Ce temps de mise en évidence de formes fautives et de formulations de règles successives permet de prendre conscience des fausses règles et de stabiliser le nouveau savoir.

Aide individualisée

Il est des dispositifs où l'entretien peut se déployer sans trop de contraintes, ce sont les études dirigées ou l'aide individualisée, l'aide au travail personnel... Dans ces structures, l'enseignant n'est pas en situation de devoir transmettre un savoir, mais d'aider l'élève à se doter de méthodes pour apprendre. Il peut alors prendre le temps de faire parler l'élève, de l'écouter, de le questionner sur ses façons de faire et d'effectuer parfois des découvertes inattendues ou surprenantes qui vont modifier sa façon d'intervenir en classe. Bien des séances de ce type valent un stage de formation ! Il faut du temps à Émilie, élève de sixième qui a obtenu une mauvaise note à son contrôle de SVT, pour expliquer comment elle s'y est prise pour apprendre sa leçon "petit peu par petit peu", "je lis, je me pose des questions... ensuite ça rentrait. Je me récitais et puis quand j'avais un accroc, je regardais... je reprenais...". Et quand on lui demande si elle pense avoir réussi son contrôle, elle répond :  J'ai été surprise par la longueur du contrôle... Il y avait un problème dans le contrôle ; je ne m'y attendais pas. Le reste des questions était normal, sur la leçon, mais le problème c'est pas du tout sur la leçon !". Émilie apprend sa leçon dans la perspective d'une restitution d'un savoir presque sous la forme d'un "par cœur". Or l'enseignant découvre qu'elle est désarçonnée par la longueur du contrôle et de la leçon - une dizaine de pages de classeur - alors qu'elle n'avait qu'un résumé à apprendre l'année précédente. Il découvre surtout qu'elle n'a pas anticipé. Elle n'imaginait pas qu'on lui demanderait d'être capable d'appliquer ou de réinvestir son savoir dans une situation nouvelle qui ne reprend pas exactement celles étudiées en classe ! Émilie réalise que sa méthode n'est pas efficace, il est impossible de mémoriser la totalité du cours. Sa façon d'apprendre n'est pas adaptée aux attentes du collège. L'enseignant, de son côté, découvre que son niveau d'exigence, même s'il est justifié, nécessite une transition pour permettre à l'élève d'intégrer les nouveaux enjeux.

Une véritable communication, enfin

Dans ces situations pédagogiques, les interlocuteurs, enseignant et élève, se retrouvent dans une réelle situation de communication. Trop souvent, l'échange est pour le moins un artifice pédagogique, les questions sont plutôt rhétoriques. On pourrait dire paradoxalement que celui qui sait pose la question et celui qui ne sait pas doit s'échiner à trouver une réponse ! ou bien que l'un apporte une réponse à l'autre qui ne s'est pas posé de question ! Dans ce type d'entretien, au contraire, l'enseignant pose une question pour obtenir une information qu'il n'avait pas. Il peut même aller plus loin et permettre à l'élève aussi d'acquérir des informations sur ses façons de faire, de raisonner, de résoudre... L'entretien si nécessaire nécessite un minimum de techniques et ces techniques sont diverses : l'entretien non directif de Rogers, le "dialogue pédagogique" de A. de Garanderie, ou encore, l'entretien d'explicitation de Vermersch. Ce dernier est expérimenté notamment par des groupes d'enseignants de mathématiques, dans le cadre des IREM, mais tous gagneraient à y être formés.
 
auteur(s) :

M. Le Bihan, Formation

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