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formation inter-degrés Faire expérimenter aux enseignants des situations de coopération

REP + Joséphine Baker - Le Mans (72)

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Comment les enseignants peuvent-ils mettre en place des pratiques coopératives si eux-mêmes n’en font pas l’expérience? Partant de ce questionnement Sophie Maissin, Sophie Rousseau-Grousson et Astrid Compain ont conçu une journée de formation inter-degrés à destination des enseignants de cycle 3 du réseau d’éducation prioritaire renforcé Joséphine Baker au Mans qui s’est déroulée le 22 octobre 2022. Contexte, objectifs et bilan.

La coopération ne va pas de soi ! C’est le constat partagé par des professeurs de cycle 3 du réseau d’éducation prioritaire renforcé Joséphine Baker au Mans (1), qui ont échangé lors de temps de pondération sur leurs difficultés à mobiliser tous les élèves lors de pratiques de coopération. Sophie Rousseau-Grousson, formatrice académique pour l'éducation prioritaire, a accompagné cette réflexion en s’appuyant sur les travaux de recherche de Sylvain Connac, enseignant-chercheur en sciences de l’éducation à l’université Paul Valéry de Montpellier.
 

Naissance et objectif de la journée de formation inter-degré

Les pilotes du réseau d’éducation prioritaire renforcé (2) ont alors formalisé la mise en œuvre d’une formation continue innovante : le dispositif « accompagnement chercheur » (3). Après avoir bénéficié de plusieurs interventions de Sylvain Connac, ils ont pu faire émerger la problématique de recherche du réseau en vue d'améliorer la réussite de tous les élèves, "Comment susciter la participation de tous les élèves en situation de coopération ?", et ont naturellement proposé une coanimation avec l'OCCE. 
La formation inter-degrés programmée en octobre 2022 a ensuite été menée par un trio dont les expertises sont complémentaires : Sophie Rousseau-Grousson, Sophie Maissin (également formatrice académique pour l'éducation prioritaire) et Astrid Compain (animatrice pédagogique OCCE).
Pour amorcer l’ingénierie pédagogique de ces six heures de formation, il leur a fallu coopérer en partant de cette question : comment les enseignants peuvent-ils mettre en place des pratiques coopératives si eux-mêmes n’en font pas l’expérience ?
Il s'agissait donc de faire expérimenter aux enseignants ces situations, de leur faire vivre différentes manières de constituer les groupes de travail et de leur faire prendre conscience de l’importance d’une analyse bilan après chaque activité. Les temps d’activités et de mises en situation, ainsi que leur multiplicité au cours de la journée devaient aussi permettre aux collègues d’aller à la rencontre de personnes vers lesquelles ils ne seraient pas allés du fait de l’éloignement disciplinaire ou du niveau de classe. 
 

Faire apprendre par l’expérience

Il était important pour les trois formatrices d’être cohérentes entre ce qui allait être proposé et ce qui pourrait se déployer en classe - et s'agissant de coopération, l'expertise de l'OCCE est un levier fort pour assurer cela. Cette journée inter-degré a ainsi commencé par un "Chamalow-challenge", activité proposée dans le livre (4) de Sylvain Connac permettant aux participants de découvrir leurs pairs par le jeu. Certains ont apprécié, d’autres moins.
 
Cette formation a été conçue avec l'idée de faire apprendre par l’expérience, de faire vivre la coopération afin de la mettre en œuvre ensuite en classe, de retrouver le sens du travail en groupe et de donner l’impulsion à une nouvelle dynamique chez les élèves, comme chez les enseignants.
Comme le soulignent les professeures de l’école Michel-Ange, « ce dispositif nous permet de réfléchir collectivement à des activités qui ne sont pas encore mises en place. Il a fallu, pour cela, être au clair avec la définition du mot « coopération » et changer notre vision préconçue. »
 
Lors de la journée inter-degré du 22 octobre, un moment a été marquant : l’activité qui a porté sur la construction d’une grille d’observation et d’analyse d’une séance. Selon Stanislas Brière (5), "les échanges entre pairs ont été riches à ce moment-là et ceux-ci ont mis en évidence les nombreuses difficultés à réaliser l'exercice."
L’auto-analyse professionnelle est un processus complexe. La consigne donnée par les formatrices pour cette activité avait été la libre constitution des groupes avec pour seule contrainte que le groupe soit inter-degré.
 
Thi-Ly Huong, enseignante de mathématiques, a noté que, pendant la formation, les stagiaires ont changé de groupe tout au long de la journée et que tous les participants ont dû collaborer. Elle n’a pas toujours été à l’aise dans ces situations de groupes imposées. Cela lui a fait réaliser combien il est complexe de se mettre dans une pensée collective, d'entrer dans l’activité et le raisonnement, de faire des propositions...
Les techniques d’animation utilisées avaient justement pour objectif de favoriser ces échanges. Astrid Compain a proposé le graffiti circulaire pour construire une carte mentale sur le tutorat en mobilisant tous les collègues. Encore une fois, l’ensemble du groupe avait un but commun (définir le cadre et les modalités du tutorat) dont ils pouvaient tirer un bénéfice individuel (mettre le tutorat en place dans sa propre classe).
 

À la suite de cette formation 

Coopérer lors d’une journée de formation entre pairs semble encourager le réinvestissement de ces activités coopératives avec les élèves.
Depuis la formation, Thi-Ly adopte une posture plus réflexive "en se regardant faire ". Elle se dit notamment "beaucoup plus vigilante face à la compréhension des consignes par ses élèves". Elle s’est aperçue que peu d’élèves sont en réelle posture de refus - tous attendent de comprendre pour s’engager dans une activité. Les enseignantes de l’école Michel-Ange se sont déjà emparées de différents artefacts :  cartes pour la constitution aléatoire des groupes, mise en place d’un tétra’aide ou de cartes bicolores ("je peux aider" d'un côté, "j’ai besoin d’aide" de l'autre), etc.
 
Les pilotes du réseau, au plus près des besoins du terrain, vont désormais faire vivre les allers-retours entre la recherche et le quotidien de la classe, qui sont complémentaires. La recherche apporte des réponses aux questions vives des enseignants, pose un cadrage théorique, contribue à soutenir les enseignants dans l'expérimentation de pratiques et alimente le collectif au sein du réseau, tandis que cette réflexion sur un objet commun ouvre le champ des possibles, autorise les enseignants à tester, à réajuster.

Si cette journée de formation a déjà eu des effets, ce type de démarche nécessite du temps et s’inscrit bien au-delà de l’objet étudié. Il produit un changement de regard pour rayonner vers une communauté professionnelle apprenante. 

Sophie Rousseau-Grousson, Sophie Maissin, et Astrid Compain
 

Ressources :

    1. Autour du collège Joséphine Baker, le réseau regroupe les écoles maternelles Léonard de Vinci, Pergaud, Jean Vilar, Vivaldi, Cotton et Bastié et les écoles élémentaires Pergaud-Lapierre et Michel-Ange.
    2. Nathalie Wallet, Principale du collège Joséphine Baker, Florent Carré, principal adjoint, Christine Pezavant, Inspectrice de l’Éducation nationale et Christophe Carpentier, IA-IPR référent.
    3. Soutenu par l’École Académique de la Formation Continue et la C.A.R.D.I.E., ce dispositif articule l’action dans la classe et la recherche. Il s’agit d’expérimenter des pratiques ou démarches, à partir des préoccupations des enseignants et d’un objet partagé entre enseignants et chercheur.
    4. Sylvain Connac, La coopération, ça s'apprend - Mon compagnon quotidien pour former les élèves en classe coopérative, ESF, 2020.
    5. Stanislas Brière, enseignant de lettres modernes a lui aussi décidé d’être acteur dans cette recherche collaborative avec Sylvain Connac, et ce pour plusieurs raisons : découvrir les pratiques de ses nouveaux collègues, développer les échanges formels et informels en équipe, réfléchir à ses postures mais également dans le but d’alimenter un ciplôme universitaire sur le débat à visée démocratique et philosophique qu’il vient de commencer.
 
 

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