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le Programme d'Encouragement Scolaire au collège Ernest Renan (Saint-Herblain, 44)

quelques signes de décrochages identifiables

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Complément de l'article de base présentant quelques points de décrochages repérables. Un lien vers l'article initial est présent en fin de document

Voici quelques points qui apparaissent régulièrement lors des entretiens et qui expliquent les signes de décrochage observés. Les faits ne sont pas cloisonnés et la situation de l’élève revêt souvent un aspect multi-dimensionnel.

a) Le rapport négatif à l'erreur dans les apprentissages     

Ce rapport négatif à l’erreur, vécu comme un échec et non comme une étape de l’apprentissage, entraîne un manque d’estime, de confiance en lui de l’élève, qui se sent « bête ».   
 
La dévalorisation induite par les échecs vécus précédents implique souvent parmi les élèves rencontrés :
▪ une forme de fatalisme dans ce que peut se renvoyer lui-même l’élève :
« de toute façon, je ne vais pas y arriver »,
« parce que je suis nul dans toutes les matières »,
« c'est comme une montagne ».

On a aussi cet exemple fort d’un élève qui vit mal ses erreurs en classe et à qui on demande ce qu’il projette pour la suite :
« je ne me vois pas dans un truc où il faut être intelligent ».
▪ une comparaison aux autres élèves qui renforce la perte d'estime de soi :
« honte quand je comprends pas » ,
« ça a l'air facile mais je ne le sais pas »,
« les potes de ma classe qui savent faire et pas moi ».
▪ une résignation effective en classe ou dans le travail personnel à la maison :
« quand je comprends pas, je fais rien, je me dis que ça sert à rien d’essayer, je vais jamais réussir »,
« je mets la feuille de côté et je ne la fais pas, j'abandonne »,
« des fois je rends les feuilles vides parce que je comprends rien »,
« je rends les feuilles blanches ».

Combinée parfois à une certaine idée que l’image de la réussite est plus importante que la réussite en tant que telle, cette résignation n’est pas toujours apparente, et l’élève peut essayer de faire illusion :
« pour montrer que t’es pas nul »,
« après, tout le monde va penser que je suis un incapable »,
« je fais semblant d’avoir compris parfois ».

Cela peut aussi se traduire par une forme de fuite en avant en décrétant :
« je trouve que c’est pas pour moi, là où j’arrive pas à apprendre ».

On retrouve l’importance que revêt le rapport à l’erreur dans la théorie IBM, qui « met l’accent sur trois éléments fondamentaux pour prédire l’impact motivationnel et comportemental d’un soi possible » dont l’un d’eux « concerne la signification que l’individu donne aux difficultés qu’il rencontre lorsqu’il met en œuvre des comportements reliés au soi possible. Selon la théorie IBM, ces difficultés peuvent être interprétées comme le signe d’un but important pour soi ou comme celui d’un objectif impossible à atteindre. Dans le premier cas, l’individu sera persévérant et accentuera ses efforts en direction du soi possible alors que dans le second il abandonnera, se désengagera et n’accordera plus d’importance ou d’intérêt au soi possible préalablement envisagé » (1)

Ainsi, le rapport à l’erreur, selon qu’elle soit perçue comme une étape du chemin ou comme signe d’une difficulté insurmontable, détermine l’action ou l’inaction de l’élève.

b) Le rapport à la note

On note une grande importance de la note chez les élèves rencontrés. Le rapport à la note des élèves rencontrés est souvent une bonne synthèse de leur rapport aux apprentissages : souvent, les élèves considèrent leur réussite ou leurs difficultés uniquement en termes de résultats chiffrés peu nuancés: « nul » ou « fort ».
La note vient également alimenter une forme de résignation : qu'ils se disent « déçue » ou « habitués », les élèves ont le sentiment qu'ils ne peuvent pas influer sur la note qu'ils reçoivent, surtout lorsqu'ils ont eu une mauvaise note après avoir fourni des efforts.

c) La relation parfois mal vécue avec l'enseignant

Cela a un impact important : les émotions ressenties par l’élève au travers de cette relation, et surtout leur gestion ensuite, sont déterminantes.
On relève en particulier :
▪ chez certains élèves, un fort sentiment d'injustice :
« prendre pour tout le monde, pour les autres ».

Celui-ci peut entraîner une bascule dans l’esprit de l’élève :
« ils font exprès de ne pas m'aider »,
« ils font tout pour que je sois pas aidé »,
« méchante, toujours énervée contre [lui] »,
« parfois les profs me respectent vraiment pas »,
« c'est les profs qui m'énervent »,
« quelquefois c'est pas juste ».

On constate alors chez des élèves que la nécessité d'exister autrement que par l'échec vécu conduit alors à des comportements inadaptés en classe, fruits d'une grande colère : « je me sens toujours énervé »
▪ chez d’autres élèves, l’image résistante d’un enseignant qui ne serait pas là pour l’aider ou qu’on ne doit pas « gêner » :
« pas envie de déranger la prof », crainte qu'on lui « crie dessus ».
▪ pour d’autres encore, de manière complémentaire, certaines paroles témoignent d’un apprentissage mieux vécu quand l’élève se sent considéré :
« ça se passe mieux si on s’intéresse à moi ».

d) Le manque de sens des apprentissages

Des élèves rencontrés ne voient pas le lien entre les efforts fournis/à fournir et l’impact positif que ceux-ci pourraient avoir :
« on m’a jamais montré à quoi ça peut servir »,
« on me dit même pas l’utilité, on me dit juste : « ça va te servir plus tard » ».
Cela se traduit concrètement chez l’élève par un déclassement de certaines matières :
« elles ne servent à rien »,
« ça ne sert presque à rien »,
« ça sert à rien dans la vie ».

Cette déconnexion ressentie par l’élève entre les apprentissages et l’apport qu’ils peuvent effectivement constituer pour l’élève est illustrée par la théorie IBM, précisément « à ce qu’Oyserman (2015a) dénomme la pertinence psychologique du soi possible : « seuls les sois possibles perçus comme pertinents dans la situation en jeu sont susceptibles d’orienter la conduite de l’individu […] un soi possible influencera la conduite d’un individu uniquement si ce dernier a le sentiment que ce qu’il est et que ce qu’il fait aujourd’hui est relié à celui qu’il sera demain et le détermine au moins en partie. » (1)

e) L’idée selon laquelle on devrait avancer seul

Au-delà de la relation à l’enseignant, du rapport à l’erreur, etc.…un élément est ressorti parfois, avec des élèves qui expriment clairement ne pas avoir envie d’être aidé, presque comme un principe :
« c’est chacun ses problèmes »,
« pas envie d’être aidé ».

C’est un élément qui ressurgit très fréquemment. Ainsi, il y a des élèves qui considèrent que c’est un échec d’avoir été aidé pour parvenir à la résolution d'un exercice. Cela peut être lié à la crainte de l’image renvoyée à l’enseignant :
« j’aime pas le dire au prof, je me sens faible, j’ai pas envie que le prof remarque que j’ai de la difficulté ».
La conséquence évidente et directe est le non-recours à l’enseignant par l’élève, ce qui peut amener à une accumulation de difficultés et lacunes, et donc, participer à un décrochage éventuel.

f) Les difficultés liées à l’écrit

Plusieurs élèves mentionnent des difficultés importantes à l’écrit, et beaucoup moins à l’oral. Dans une école qui attend beaucoup de l’écrit, c’est une vraie difficulté pour ces élèves.

g) Le contexte personnel

Cela va de soi, les conditions et le contexte personnel de vie sont déterminants. De manière non exhaustive, on pense à :
▪ cet élève qui s’endort tard avec les écrans, et ne se réveille pas facilement, pour qui la fatigue empêche toute possibilité d'apprentissage ensuite :
« je comprends rien en classe, c'est comme si j'entendais pas ».
▪ ces élèves pour lesquels il n’est pas possible de faire son travail personnel à la maison.
▪ ceux dont les parents se séparent, parfois de manière douloureuse.
▪ ou encore ceux ayant besoin de lunettes, ou encore présentant un trouble d’apprentissage non pris en charge (absence de suivi orthophonique par exemple)

L'environnement social et culturel de l’élève détermine également ce qu’il va mettre ou non en œuvre pour effectivement réussir : « un soi possible pertinent dans la situation en jeu jouera un rôle moteur dans la conduite, à condition que les stratégies d’action auxquelles il est associé soient considérées comme compatibles ou congruentes avec d’autres aspects importants de l’identité de l’individu, en particulier ceux en lien avec ses catégories sociales d’appartenance (genre, ethnie, milieu socio-économique,...). » (DE PLACE Anne-Laure, BRUNOT Sophie, « Le pouvoir motivationnel des sois possibles : revue critique », L’Année psychologique, 2018/2 (Vol. 118), p.210)

h) Les relations aux autres élèves

L’intégration de l’élève dans le groupe a aussi une forte incidence, et ses relations avec les autres élèves viennent souvent exacerber les autres facteurs identifiés.
Par exemple, en classe, et également en lien avec un rapport négatif à l’erreur, certains élèves passifs ne participent pas de peur de certaines réactions négatives dans le groupe : « j’ose pas ».


références :
(1) DE PLACE Anne-Laure, BRUNOT Sophie, « Le pouvoir motivationnel des sois possibles : revue critique », L’Année psychologique, 2018/2 (Vol. 118).


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