innovation pédagogique

Le décrochage s'origine souvent dans une spirale de démotivation qui conduit progressivement un jeune à se satelliser de son établissement scolaire. D'incapacités en sentiment d'inutilité, de désarroi en échecs, et inversement, la dérive peut mener à l'abandon. Le raccrochage consiste alors à briser cette spirale de dévalorisation en retrouvant l'envie d'agir, d'être reconnu, de retrouver un statut, d'éprouver du plaisir à apprendre. La MGI et sa PAE (plateforme d'accompagnement à l'emploi) ont pour mission de mettre en place des actions destinées à aider à la remotivation scolaire et professionnelle de ces sortants du système éducatif 1. Trois blocs constituent les fondements de ce processus: la coordination du parcours, l'alternance et le maintien des acquis. Selon les situations, leur dosage respectif varie. Il s'agit de s'appuyer sur les acquis et les besoins des jeunes et de s'y adapter afin de finaliser un parcours individuel en s'appuyant sur les ressources locales.

La coordination du parcours consiste à mener des entretiens avec les décrocheurs dans le but d'en faire des raccrocheurs. Ceux-ci sont menés par des coordonnateurs de la MGI, en présence des parents. Chaque jeune a un coordonnateur comme adulte référent. Ces entretiens constituent une première approche et une première accroche. Ils portent sur les motifs de démotivation du jeune et ont pour but de cerner progressivement son profil afin de faire émerger chez lui un projet. Ils visent tout autant à faire en sorte qu'il se place en position d'analyser sa situation. À l'issue de chaque entretien, le jeune a une tâche à accomplir pour l'entretien suivant, telle qu'une information sur l'orientation à fournir. Il s'agit donc d'un suivi individualisé, voire d'un accompagnement rapproché. L'alternance constitue le second bloc. Elle consiste à organiser un parcours entre école, entreprise, diverses écoles, des pôles MGI. En brisant l'unité de lieu, on cherche à "suroccuper" l'élève décrocheur et à le remotiver. Comme en témoigne un coordonnateur, la réflexion doit accompagner ces activités. Enfin, le maintien des acquis constitue le troisième volet purement scolaire. Après avoir diagnostiqué le niveau de l'intéressé avec un logiciel de tests comme support, par exemple, il s'agit de déterminer un volume horaire de cours, de mettre en place des modalités pédagogiques particulières telles que des modules de remise à niveau aux effectifs réduits, puis de lui trouver une formation professionnelle. Par exemple, une jeune fille qui ambitionnait de devenir décoratrice d'intérieur est partie fabriquer des meubles artisanaux en Bretagne. Mais paradoxalement, certains élèves décrocheurs sont maintenus dans leur classe.

Pour qu'une action s'engage, il faut, bien sûr, avoir repéré les élèves décrocheurs et les avoir signalés. Afin de prévenir les décrochages, il serait d'ailleurs souhaitable d'infuser la philosophie de l'insertion dans la formation initiale. Le logiciel JASMIN, mis en place depuis peu dans les établissements et dont l'utilisation monte en puissance, a pour but de faciliter le recensement des élèves décrocheurs pour que puisse agir, en premier lieu, la cellule de veille rassemblant professeurs principaux (PP), conseiller d'orientation-psychologue (COP), conseillers principaux d'éducation (CPE). En cas de nécessité, les coordonnateurs MGI sont sollicités. Plus la remotivation intervient de manière précoce, plus elle sera efficace. La nécessité est donc bien réelle de repérer des indices tels que comportement à risques, absentéisme et/ou baisse d'investissement. Mais parfois, avant de songer à son avenir professionnel, une pause personnelle est nécessaire. Cette parenthèse affective permet au jeune de régler des problèmes personnels qui génèrent souvent beaucoup d'émotions. Changer de cadre, briser l'unité de lieu en découvrant d'autres contextes de formation, rompre avec l'unité de temps en s'abstrayant de la temporalité de l'année scolaire, bifurquer vers un autre projet, sont autant de leviers de remotivation. Il s'agit en quelque sorte d'accentuer la rupture initiale, soit le décrochage, en diversifiant les manières de rompre avec l'institution, en multipliant les rencontres, en pulvérisant les itinéraires, en créant des parcours personnalisés. Les raccrocheurs s'avèrent au final plus mobiles, géographiquement parlant, notamment, que la plupart de leurs camarades. Rétrospectivement, ils expliquent 2 que leur remobilisation a été guidée par une envie d'agir, mais aussi d'être, d'être reconnu, notamment. En petits effectifs, ils considèrent qu'ils ont retrouvé le goût d'apprendre en s'entraidant et en collaborant. Certains, regrettant rétrospectivement un manque d'écoute et de suivi à leur égard, auraient souhaité que leurs enseignants aient manifesté une plus claire préoccupation de leur réussite individuelle.

Les actions d'accompagnement, les ruptures avec l'institution, les diverses reconfigurations visent ainsi à donner une seconde chance à ces jeunes en marge du système éducatif traditionnel. Celui-ci génère du décrochage, notamment lors des passages d'un cycle ou d'un établissement à un autre, transitions qui mériteraient un accompagnement plus assuré afin de faciliter ces seuils parfois critiques. Tel est le cas lors de l'entrée en seconde, qui constitue un cap non négligeable à franchir et qui gagnerait à être mieux pensé. Enseignants, CPE ou COP, les coordonnateurs qui interviennent dans ces programmes sont de véritables militants qui se sont engagés dans ce combat au nom de l'égalité des chances en faisant confiance à des jeunes dont il importe de détecter le potentiel propre. Ils sont parfois formés par le Cafoc (centre académique de formation continue). Il existe d'ailleurs un Capes (certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré) ingénierie de la formation. Hormis une bonne connaissance du système éducatif français, de la formation initiale et continue et de ses ressources, ils font preuve de capacités relationnelles - d'écoute notamment - autant que créatives dans la mesure où ils doivent inventer un itinéraire pour chaque situation, imaginer une solution pour chaque problème.
Avec un taux de réinsertion d'environ 70 %, la MGI de l'académie de Nantes peut se prévaloir d'un taux de réussite de remobilisation plus que satisfaisant.

1. Programme NouvelleS ChanceS du 17mai 1999.
2. Publié par le CRDP des Pays de la Loire, le DVD Élèves dé/rac-crocheurs présente de nombreux témoignages d'élèves, de coordonnateurs, de professionnels et d'acteurs des processus d'insertion.