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"c'est pas catastrophique !"

mis à jour le 20/12/2010


echanger dossier 92

L'entretien est une activité régulière des CPE (conseillers principaux d'éducation). Cette relation privilégiée nécessite des conditions particulières pour que la parole puisse être favorisée, entendue et efficace. Résultat d'un entretien avec deux CPE du lycée Rousseau de Laval.

mots clés : échanger, entretien, CPE, vie scolaire, conseil, écoute, verbalisation


Les occasions de rencontrer individuellement les élèves sont quotidiennes dans le métier de CPE, et les causes multiples : absences fréquentes, mots nombreux sur les carnets, comportements à problèmes, convocations pour rappels au règlement ou pour signifier une sanction... Cependant, il existe des situations plus délicates ou difficiles vécues par les élèves, qui nécessitent un temps d'échange plus important. L'adulte a besoin d'écouter l'élève pour mieux comprendre son comportement, mais aussi lui permettre de se comprendre lui-même et de prendre conscience de la gravité d'une situation. Ces informations que l'un et l'autre vont mettre à jour permettent de rechercher ensemble des points d'appui pour un nouveau départ : investissement dans les études, changement de comportement face au travail, à la vie collective ou personnelle... Mais comment s'effectuent ces échanges ? Trois cas nous serviront d'appui pour concrétiser cette démarche.

L'image du CPE

On ne parle pas de soi à n'importe qui, il faut avoir une grande confiance dans l'interlocuteur pour oser s'ouvrir et exprimer ses doutes, ses inquiétudes ou ses refus. Or, bien des élèves, en particulier les secondes, ont une vision du conseiller d'éducation comme étant un membre du personnel assurant une fonction d'autorité. Il importe donc de modifier cette conception et de leur faire comprendre le sens premier du titre de "conseiller" ! Le bureau doit être d'abord un lieu d'accueil, ouvert, au sens propre comme au figuré. La porte du bureau n'est jamais fermée, le CPE est, le plus souvent possible, disponible. Il est proche des élèves et manifeste de l'intérêt pour leurs activités, s'enquiert de leur bien-être sur la cour, sans pression ni suspicion. Et lors de l'entretien, il essaie d'être isolé le plus possible, porte alors fermée. Seule la sonnerie intempestive du téléphone et la brusque entrée d'un professeur risquent parfois de casser une relation toujours fragile. Une petite salle discrète près du bureau serait certes plus adaptée.

À l'origine de la rencontre

La convocation, même si elle est parfois nécessaire, ne crée pas une situation favorable à l'échange, car la situation est très déséquilibrée ; l'un obtempère aux injonctions de l'autre, il y a risque de blocage, de silence obstiné... Alors il ne sert à rien d'insister. Une simple proposition ou invitation à se revoir suffit. Souvent, comme dans les cas de William ou de Hélif, le détour par les parents peut faciliter le contact. Souvent, la rencontre a lieu à l'initiative des parents, inquiets des remarques inscrites sur le carnet de liaison. L'échange permet au CPE de découvrir des facettes inconnues de l'élève, et ces informations pourront lui être utiles pour débloquer la situation. Dans ces deux cas, les parents ont fait part à leur fils ou fille de leur entrevue avec le CPE et, sur leur conseil, c'est le jeune qui fait la démarche de solliciter une rencontre. C'est donc dans des dispositions plutôt favorables que s'engage l'entretien.

Un état des lieux

L'entretien commence alors par un simple récit, celui de l'échange passé avec le parent, sans tension. C'est l'occasion de faire un état des lieux sans questionnement excessif. Les interventions de l'adulte se manifestent sous la forme de quelques rappels s'appuyant sur des éléments objectifs : des absences répétées pour William, des notes trop moyennes pour une redoublante comme Hélif. Car, même si cette dernière semble inquiète, elle affirme avec beaucoup d'assurance que "Ce n'est pas catastrophique !". Dénégation ? refus de voir la réalité ? ou simple inconscience ? Il faut prendre garde à ne pas trancher trop vite, et essayer de cerner les difficultés en amenant l'élève à parler de sa vie scolaire. Comment organise-t-elle son temps ? Elle travaille deux heures tous les soirs. Alors, une mauvaise technique de travail ? Une amie avec qui elle travaille régulièrement lui renvoie des retours positifs... Visiblement, Hélif ne perçoit pas où sont ses difficultés. Le CPE lance d'autres pistes et l'élève lâche : "Les profs disent que ça veut rien dire, ce que j'écris !". Enfin une remarque qui permet de comprendre l'origine du problème et de mettre Hélif face à ses contradictions, car elle reconnaît qu'elle a refusé toutes les structures d'aide proposées par le lycée, notamment l'aide individualisée... William, lui, reconnaît ses nombreuses absences et en arrive à exprimer son découragement et son malaise face à ses camarades qui sont motivés par leur entrée à l'université.

Trouver un point d'appui

Permettre à l'élève d'exprimer ses difficultés, son angoisse face à l'avenir, sa perte de confiance ou son image de soi dévalorisée, est déjà un moyen de briser son enfermement, mais comment trouver le point d'appui qui va lui permettre de se ressaisir ? Quelques "bonnes paroles", quelques exhortations sont loin d'être suffisantes ! Dans ces deux cas, la rencontre préalable avec les parents a mis en évidence des facettes inconnues, un double visage de l'élève. Il n'est pas possible d'en faire expressément mention dans l'entretien, mais il suffit d'être très attentif et de mettre au jour l'élément positif connu dès qu'il se manifeste, même timidement. Ainsi, William ose avouer qu'il a un projet en tête, mais bien craintivement parce qu'il n'est pas conforme à la norme attendue au lycée : il rêve d'effectuer un séjour de six mois en Australie. Il est un peu surpris de voir qu'il n'est pas repoussé, il est même incité à poursuivre. Il prend alors de l'assurance, trouve des justifications. Il pourrait facilement améliorer son anglais, certainement utile pour un futur métier dans le commerce... De son côté, Hélif, malgré ses difficultés d'écriture, affirme bien aimer le français. Elle est alors invitée aussitôt à préciser ce goût pour la littérature, ou plus précisément, la lecture. Ce centre d'intérêt avait été mentionné par sa mère qui avait remarqué que sa fille lisait beaucoup et passait une partie de son temps dans les librairies. Ainsi, elle se verrait bien libraire. Elle est donc poussée à élargir cette piste des métiers du livre et à poursuivre l'entretien avec la conseillère d'orientation.

Retour au réel

L'évolution est certes positive. Passer d'une prise de conscience des difficultés ou d'une vision négative des études à un possible projet d'avenir peut redonner confiance. Mais la situation est bien fragile. Il ne faut pas s'enfermer dans le rêve, il faut rendre ce rêve moteur. Alors il faut reprendre pied dans le réel, l'ici et maintenant du lycée. Il faut faire le lien entre le métier de libraire envisagé et les difficultés actuelles d'écriture. Lorsque le CPE propose à Hélif, qui est en option lourde théâtre, de profiter de son carnet de bord pour s'entraîner à l'écriture, elle répond : "Je le tiens... il est entièrement dans ma tête !". Il est manifestement nécessaire de poursuivre l'échange autour de la notion d'écriture et du travail indispensable pour rendre compréhensible ce qui est dans la tête, c'est précisément le problème soulevé par "ses profs" ! Un projet précis d'écriture pendant les vacances est alors élaboré. De même, avec William, il faut un peu de temps pour établir une relation entre l'Australie future et le bac en fin d'année. Une bonne maîtrise de la langue anglaise ne suffira pas pour des études de commerce.

Réassurance

Le changement au cours de l'entretien se manifeste physiquement. William, qui avait le visage fermé, retrouve le sourire. Il a pris conscience qu'il peut ne pas être comme ses camarades, qu'il peut avoir un projet différent et s'autoriser à l'affirmer, puisqu'il a été entendu. Ses nombreuses absences avaient été sanctionnées par une retenue, cet après-midi-là. Les surveillants doutaient fortement de sa présence. Il sera là. Hélif élabore ses projets de vacances, planifie ses activités scolaires, en particulier d'écriture, et aussi quelques jours de travail, de quoi se faire un peu d'argent de poche pour s'acheter quelques livres. Au début de l'entretien, ses cheveux lui mangeaient la moitié du visage et elle ne regardait l'interlocuteur que d'un œil ; maintenant, la mèche est relevée, elle le fixe d'un regard franc. L'écoute a permis une prise de conscience des difficultés qui ont été formalisées, sur lesquelles on a pu mettre des mots, et après un cheminement plus ou moins long, des balises ont été repérées dans ce brouillard inquiétant et ont redonné confiance et assurance.

Risques ou limites

L'entretien n'est pas un interrogatoire. Si l'adulte peut poser quelques questions, l'élève n'a aucune obligation de répondre, il ne dit que ce qu'il veut bien dire. Le CPE peut pressentir des pressions familiales chez Hélif. En effet, Hélif est turque, elle va avoir dix-huit ans, et si elle échoue dans ses études, son avenir risque de lui être imposé rapidement. Cette angoisse est sensible, mais elle n'est pas forcément exprimable. Il faut savoir respecter cette liberté. Le CPE peut toujours réorienter l'élève vers d'autres personnels, le conseiller d'orientation-psychologue (COP), l'assistante sociale... L'élève peut se refermer et refuser l'entretien, c'est une situation courante, il est inutile d'insister. Mais la situation inverse n'est pas plus facile à gérer. Il peut arriver de se retrouver en face d'un élève qui ne peut plus se passer de l'échange avec l'adulte, comme cette élève, fortement perturbée par des relations conflictuelles avec son père et son petit ami, et qui s'invitait tous les deux jours chez le CPE ! Il s'agit alors de l'amener à prendre de l'autonomie tout en lui accordant l'écoute dont elle a besoin.
L'entretien est un des dispositifs de rencontre et d'échange. Son seul objectif est de rechercher une meilleure compréhension de ce que vit l'élève. Le CPE écoute, relance, reformule, recherche des points d'appui pour redonner confiance à l'élève et l'engager dans une dynamique positive. Mais toutes les situations sont des cas individuels auxquels il faut savoir s'adapter.
 
auteur(s) :

M. Le Bihan

contributeur(s) :

C. Buée, L. Vauthier, Lycée Rousseau, Laval [53]

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information(s) technique(s) : pdf

taille : 260 Ko ;

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