innovation pédagogique

Après avoir mis en œuvre cette démarche avec les élèves qu’elle a suivis dans le cadre du Rased, et après avoir échangé avec des enseignants de classes ordinaires, Fanny Parisot a pu accompagner parmi les enseignants ceux qui formulaient la demande de s’emparer des petites patrouilles pour les mettre en œuvre dans leur classe. Une telle expérimentation, qui reste un outil pour aider l’enseignant à construire une démarche de relecture avec tous les élèves, est effectivement réexploitable en classe si l’on suit quelques principes.

Tout d’abord, prendre conscience de la nécessité d’un enseignement explicite pour que les élèves identifient clairement les apprentissages et leurs compétences. À ce sujet, on pourra se référer à la conférence de Jacques Bernardin sur l’enseignement explicite. Utiliser des petites voitures qui partent à la recherche d’erreurs dans un écrit, c’est donner un sens à la révision d’un texte et dédramatiser cet acte de relecture objectivé par une finalité connue et motivante. L’élève est dans une posture de chercheur, d’évaluateur, facilitée par la distanciation que permet le recours à une situation fictive : s’imaginer au volant d’une voiture qui enquête. La clarification du contrat favorise l’entrée dans l’activité et aide l’élève à porter quatre regards différents sur son écrit.
Adopter une posture d’évaluateur offre à l’élève la perspective d’un écrit meilleur, et donc prépare un sentiment de compétences. Le texte relu et corrigé contiendra certainement encore des erreurs mais l’objectif premier est l’appropriation et l’automatisation d’une démarche de lecture active dans laquelle l’élève sait ce qu’il cherche.
Favoriser le plaisir de travailler en classe : l’élève ne doit pas subir une activité dont il ne perçoit pas les enjeux mais s’impliquer pleinement dans une activité qui va lui procurer le plaisir de chercher. Plus encore, il faut développer le « sentiment de fierté que peut ressentir un élève à trouver et corriger ne serait-ce que deux ou trois erreurs et se dire que c’est possible ! L’évaluation doit être positive et encourageante : "aujourd’hui, tu as réussi à corriger x erreurs" plutôt que "il te reste à corriger x erreurs". On peut même imaginer un système de défis individuels ("la prochaine fois, je pense réussir à corriger x erreurs") ou collectifs ("à nous tous, on doit arriver à corriger x erreurs") », explique Fanny Parisot.
Les pré-requis : il est indispensable que les élèves maîtrisent les concepts (identification des verbes, sujets, déterminants, etc.) et la chaîne des accords (dans le groupe nominal comme dans le groupe verbal). Si ces éléments ne sont pas maîtrisés, la recherche sera infructueuse et inefficace. D’où l’intérêt de construire les chemins en même temps que la progression en étude de la langue, par exemple l’identification du verbe, la chaîne des accords. En effet, ce dispositif en l’état fonctionne si certaines notions sont déjà installées. "La question de l’étayage de l’adulte est importante : pour commencer l’élève est accompagné, ensuite il doit pouvoir compter sur l’enseignant dès qu’il rencontre une difficulté. On vise l’autonomie de l’élève lors de la relecture : c’est un objectif à long terme", ajoute Fanny Parisot.

Il peut aussi être envisagé de donner une dimension collective à cette activité, en plaçant les élèves en petits groupes autour d’un dispositif tel que celui de la dictée négociée : en petits groupes, chaque élève révise sa dictée, puis les membres du groupe échangent avec pour objectif de restituer une dictée : celle du groupe, consensuelle.
Dans les préalables, il faut choisir des voitures suffisamment petites pour ne pas masquer le texte lorsqu’elles passeront sur le texte. Certes, on pourrait utiliser des jetons ou tout autre objet de couleur pour remplacer les voitures mais il est préférable de prendre de vraies voitures pour faciliter l’entrée dans une situation fictive. Il est nécessaire de faire un choix unique de couleurs : adopter un code couleur pour la classe évitera toute confusion. Dans la mesure du possible, à l’échelle de l’école élémentaire, il convient de s’accorder sur les couleurs à choisir pour chacun des quatre chemins : par exemple, rouge pour le verbe, et donc la voiture qui suivra le chemin de questionnement sur les accords dans les groupes verbaux sera rouge.
Enfin, il convient de préciser que cette démarche constitue une mise en œuvre concrète des attendus : observer les régularités orthographiques, puis apprendre les règles correspondantes, effectuer des exercices pour mettre en place des réflexes et des automatismes sont des éléments proposés par la note de service du 26 avril 2018. De même, le domaine 2 du socle commun de connaissances, de compétences et de culture Méthodologie met en avant la nécessité de proposer aux élèves des outils pour apprendre.
D’autres dispositifs et modalités de travail (par exemple le tutorat) peuvent favorablement accompagner une telle démarche s’ils offrent aux élèves une meilleure structuration des connaissances.