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¡Correo! Voilà le courrier  !

mis à jour le 08/07/2010


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Depuis une quinzaine d'années, deux enseignantes, Christine Auray et Pilar Gonzalez Manjon à Caceres, proposent des échanges épistolaires aux élèves de leurs classes respectives. Et cela, alors même qu'elles ne se sont jamais vues. Elles ne se connaissent que par l'intermédiaire de ces échanges qu'elles proposent à leurs élèves, et d'amis communs.
On pourrait croire cette pratique obsolète à l'heure de l'internet. Au contraire, cette bonne vieille correspondance a repris une nouvelle jeunesse.

mots clés : correspondance scolaire, échanges en langues étrangères, apprentissage des langues, langues vivantes


Longtemps, la lettre et les échanges épistolaires ont été intégrés aux pratiques d'enseignement comme autant de possibilités de motivation et d'apprentissage pour les élèves. Mais aujourd'hui, la lettre est devenue classique et tend à se retrouver reléguée au rang des oubliées au profit des courriers électroniques ou autres lettres vidéos. Pourtant, il se trouve que ces moments où le courrier arrive et repart, est préparé, attendu et espéré, confère à ce média une connotation un peu magique qui vient redonner sens et à l'échange et à l'écrit. D'autant plus que, à chaque fois, ces lettres sont autant d'occasions pour jouer avec des techniques créatives d'écriture de diffusion. Elles se font cartes postales, compositions plastiques et supports à des envois de cadeaux, autant de formes et formats à ces gestes gratuits qui attestent de l'image qu'on se fait de l'autre.

Courrier échanger

Le cours de cette correspondance rythme donc non seulement l'année, mais aussi les apprentissages linguistiques et culturels. Suivons donc deux classes de troisième du collège David-d'Angers en espagnol, et imprégnons-nous du climat de ces classes où des lettres viennent donner le tempo et impriment leur rythme aux apprentissages linguistiques.

Un parcours en tandem

Si, dès le début de l'année, les élèves savent qu'ils vont avoir un correspondant, ce n'est qu'en novembre que démarre l'échange véritable. En fait, ce travail de préparation épistolaire trouve un sens supplémentaire avec la présence de Jessica, une assistante de nationalité espagnole qui, elle aussi, arrive à ce moment. Ce tandem, professeure et assistante, permet donc d'élaborer une progression où les élèves pourront aussi bénéficier de travaux de groupes. De plus, les élèves se déclarent très sensibles au fait de pouvoir parler en espagnol avec quelqu'un d'autre que leur professeur. Selon ces élèves, cette situation de communication authentique, doublée de la perspective de l'échange avec leur correspondant, renforce leur motivation. En effet, parce que Jessica n'est pas française, elle peut avoir plus de mal à deviner ce qu'ils veulent dire. Cela les contraint donc à une précision plus grande. Mais surtout, ils sont très sensibles à apprendre de ce locuteur natif des formulations plus familières et des exemples liés au mode de vie de leur correspondant. C'est donc non seulement avec le professeur, mais aussi avec l'assistante, qu'ils entament leurs échanges selon un calendrier et un échéancier qui tiennent compte à la fois des impératifs des collégiens français et des collégiens espagnols.

Jeu de présentation ou ¿Que tal?

En novembre, vient le temps de la préparation de la première lettre. Chaque élève ou binôme - il y a quelquefois la nécessité de partager un correspondant pour s'ajuster au nombre d'élèves d'une classe - en prépare le contenu en se demandant ce qui va pouvoir intéresser l'autre. Pour les aider, chacun reçoit une fiche-guide en espagnol avec les expressions idiomatiques adaptées (voir annexe). L'apprentissage de la langue se fait ainsi plus en prise avec des préoccupations usuelles et concrètes. Se présenter, dire son âge ou ses goûts, prend un sens particulier dans ce contexte. Mais, avec le projet d'écrire à l'autre, on se regarde aussi d'un autre œil. Et ce n'est pas sans intérêt à ce stade de construction identitaire où se trouvent ces collégiens. Toujours est-il que ce premier échange se prépare avec soin et que les premières réponses marquent un moment décisif dans leur lien avec cette langue étrangère. Au passage, les formules de début ou de fin d'échanges sont apprises, dites et écrites. Sur les cahiers, un espace est clairement dédié à la correspondance. Y figurent fiches-guides, listes de verbes et vocabulaire, formules de politesse et autres expressions idiomatiques. La photocopie de la lettre envoyée atteste de son importance et elle attend la première lettre reçue. Lorsqu'arrive le premier envoi, il peut y avoir des surprises: certaines fois, et c'est le cas cette année, les élèves sont un peu plus jeunes. D'autres fois, c'est l'inverse! De l'avis des collégiennes interrogées, leur motivation est accrue quand elles correspondent avec des jeunes un peu plus âgés. Mais quelle que soit la situation, tous jouent le jeu.

En ouvrant ses horizons...

Se connaître et connaître l'autre, tel est l'enjeu de départ... Mais, très vite, cette correspondance devient un moyen d'ouvrir ses horizons sur des façons de vivre différentes. C'est ainsi que, au moment de Pâques, les élèves vont avoir l'occasion de confronter la manière dont cette fête se vit de part et d'autre des Pyrénées. Tout se prépare en classe et en espagnol, avec le professeur ou l'assistante. Les élèves ont une première surprise en s'apercevant que notre coutume française de la course aux chocolats n'est pas au programme des festivités en Espagne. Par contre, ils apprennent ce que sont les processions de la semaine sainte. Un texte leur est proposé, suivi d'un échange oral, toujours en espagnol. Grâce à un questionnaire de type vrai-faux, ils ont l'occasion de vérifier leur compréhension en ce domaine. Sur les cahiers, des mentions sur l'apprentissage du prétérit et des exercices tels que des textes à trous attestent que cet échange est aussi l'occasion de travailler l'expression écrite à partir de l'échange. Autant d'éléments qui trouveront tout leur sens dans les lettres. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire une des lettres, celle d'une collégienne française que nous nommerons Soraya (voir annexe). L'établissement même du calendrier doit, lui aussi, tenir compte des habitudes scolaires des deux pays: l'échange doit s'arrêter un peu avant la fin de l'année scolaire française. Ce n'est pas que les amis espagnols seraient plus tôt en vacances, mais bien parce que, chaque année, leurs correspondants passent un examen qui ponctue la fin de scolarité. Surprise donc !

... regarder son environnement

Mais dans ce jeu de miroir, les élèves ont, grâce à la situation de communication liée à la mise en place de la correspondance, l'occasion de regarder autrement leur propre culture. Dans chaque lettre, il s'agit de présenter un moment spécifique de la vie angevine. Prenons un exemple. En janvier, les élèves du collège participent avec leurs professeurs de français au festival de cinéma Premiers Plans. Pour en rendre compte à leurs correspondants, ils vont devoir, non seulement approfondir leurs connaissances sur l'événement, mais aussi le regarder d'un point de vue qui pourra intéresser leurs correspondants. Il faut dire que, dans le cadre du programme 2009, une rétrospective était consacrée au cinéaste Buñuel. Une belle occasion de s'informer, de parfaire sa culture pour établir des liens et susciter de l'intérêt dans l'échange. Mais pour parvenir à une écriture compréhensible, il leur faut aussi accomplir tout un travail lexical pour pouvoir parler cinéma en espagnol. Là encore, c'est tout le cours d'espagnol et le travail avec l'assistante qui se trouvent vivifiés par les lettres à envoyer. Savoir pour faire savoir ! Mais si certains éléments peuvent entrer dans une planification prévisible, d'autres sont plus fortuits. Lors de cette même période, l'actualité de la cité a été marquée par un fait majeur avec l'incendie du Château. Beaucoup d'élèves en seraient sans doute restés à une connaissance réduite à un grand titre de journal, mais ils ont jugé que cela méritait d'en informer les correspondants. C'est ainsi qu'ils ont fait des recherches et parfait leurs connaissances avant de pouvoir aussi en rendre compte par écrit et, bien sûr, toujours en espagnol.

Ouvrir ses perspectives

Le projet oblige aussi et, ce n'est pas son moindre intérêt, à regarder l'actualité sous le regard de l'autre. On a déjà évoqué le cinéma avec Buñuel, mais les élèves ont eu d'autres occasions de parfaire cette acculturation cinématographique lors d'un temps fort connu sous le nom de Quinzaine du festival du film espagnol. Dans ce cadre, les élèves sont allés voir, en version originale, le film Diarios de motocicleta qui relate l'itinéraire de deux figures emblématiques de l'histoire récente de l'Amérique du Sud, Ernesto Guevara et Alberto Granada. Le travail en classe s'est, toujours dans les mêmes conditions, appuyé sur une connaissance géographique de l'itinéraire en même temps que sur un travail historique sur les circonstances de cet épisode révolutionnaire. Cet approfondissement s'est trouvé complété par une analyse précise des enjeux publicitaires de l'affiche du film. Pouvoir écrire à son correspondant sur ce film donnait encore plus de sens à cet apprentissage. C'est donc tout naturellement que les élèves ont pu, pour préparer leur dernier envoi, s'intéresser aussi au Festival de Cannes ou au tournoi de tennis de Roland-Garros en pensant à leurs correspondants espagnols. Beaucoup ont, à cette occasion, découvert le cinéaste Almodovar et son actrice fétiche Pénélope Cruz. D'ailleurs, on retrouve aussi la trace de cette lecture de l'actualité du point de vue français, cette fois, dans les lettres des espagnols. Dans leur dernier envoi, par exemple, ils accordent de la place à la visite en Espagne du couple présidentiel français.

Les petits cadeaux entretiennent les liens

Au fur et à mesure que se développe la correspondance, les lettres ont aussi, et c'est bon signe, un contenu qui échappe à la préparation effectuée par l'enseignante et l'assistante. Si l'on retrouve dans les courriers échangés certains passages obligés, la place croissante dévolue aux interactions personnelles apparaît, notamment dans la part laissée aux dessins. Des lettres se font cartes postales, se retrouvent complétées par des photos! Mais pour personnaliser aussi ces liens qui se tissent entre ces élèves, beaucoup ont recours à l'ajout de petits objets. Petits objets-cadeaux, pensés en fonction du destinataire, mais aussi petits objets du quotidien qui font non seulement le bonheur des élèves mais aussi de leur professeure. Il n'est pas question d'acheter mais bien de partager. Dans la classe, quand arrivent de tels envois, règne une certaine effervescence. Les élèves les attendent, mais ils ne sont pas les seuls : l'enseignante aussi se montre impatiente. C'est ainsi que tel emballage, tel petit objet deviendra, naturellement, le support d'un travail d'explicitation orale tant linguistique que culturel. Alors, au fil du temps, et selon les affinités, cette correspondance papier se voit aussi complétée par des échanges de type MSN et courriels. Mais, cette envie est plus forte, nous l'avons déjà mentionné, quand les âges se correspondent davantage.

Une correspondance dans le Cadre européen

Cette pratique se trouve correspondre totalement à la notion de tâche telle qu'elle est définie depuis que le Cadre européen fixe les qualifications en langue. Cette notion est, de fait, articulée à une conception de l'apprentissage des langues que l'on peut qualifier de pragmatique ou actionnelle. Autrement dit, l'enseignement de la langue ne peut être, selon cette approche, dissocié des actions accomplies par celui qui est à la fois locuteur et acteur social. L'accent se trouve ainsi mis sur l'association du dire et du faire. De ce fait, dans l'implication sociale, la dimension linguistique permet d'établir des ponts entre des savoirs relatifs au lexique et à la syntaxe. C'est ici qu'entrent en jeu, par exemple, des traits relatifs à l'usage de formules de politesse ou de formulations adaptées à la culture de l'autre. Les enjeux de la pragmatique se trouvent bien vérifiés : adapter sa stratégie de discours à son interlocuteur et à la situation. Par le fait, il s'agit donc aussi, en apprenant la langue de l'autre, de mieux habiter sa propre langue, sa propre culture et son propre environnement. Mission accomplie cette année en espagnol ! On le voit à la lueur qui éclaire les yeux des élèves rencontrés. Le rythme de ces Correos a contribué à inscrire l'apprentissage de cette langue dans la vie.
 
auteur(s) :

C. Riou

contributeur(s) :

C. Auray, Sabrina, assistante, Soraya, Emmanuelle et Alicia, élèves de troisièmes, Lycée David-d’Angers, Angers [49]

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information(s) technique(s) : pdf

taille : 208 Ko ;

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