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des entretiens très professionnels

mis à jour le 02/12/2010


echanger dossier 92

Les assistants sociaux de l'Éducation nationale mènent au quotidien des entretiens avec les élèves et éventuellement l'un ou l'autre de leurs parents. Une solide formation d'au moins trois ans et une déontologie professionnelle encadrent leur pratique. Témoignage d'une collègue travaillant dans le nord de la Mayenne.

mots clés : échanger, entretien, assistant social, conduite d'entretien


Fanny Llobel est assistante sociale de l'Éducation nationale depuis huit ans. Elle exerce ses fonctions dans cinq établissements scolaires de la Mayenne (quatre collèges, dont deux petits à direction unique, et un lycée) tout en étant rattachée à l'inspection académique. Au total, elle a un secteur de mille six cent vingt-cinq élèves. C'est parce que l'entretien avec une personne est une situation professionnelle essentielle dans son métier qu'elle a souhaité livrer son témoignage en s'appuyant sur son expérience. Fanny Llobel se souvient en effet avoir été très étonnée, à sa prise de fonctions, de voir des personnels se lancer, avec beaucoup d'assurance, dans des entretiens aux enjeux parfois très privés, et s'autorisant à interroger les élèves et leurs familles, à juger, à transmettre des valeurs, éventuellement très personnelles... Il est vrai que certaines personnes ont naturellement une intelligence relationnelle qui peut les rendre à l'aise dans ce type de situation, mais généralement, celles-ci renvoient très rapidement vers le professionnel concerné par la situation. En effet, le travail d'équipe, par la complémentarité des approches qu'il permet, est à privilégier.

Une solide formation...

Quelle que soit sa future affectation, l'assistant social suit une formation de trois années dans une école (entrée sur concours) qui conduit à un diplôme d'État. Ensuite, il faut passer les concours d'entrée dans l'une ou l'autre des fonctions publiques. Cette formation permet aux assistants sociaux de développer des compétences et de se former dans les domaines suivants : psychologie de l'enfant et de l'adolescent, sociologie, droit, politiques sociales, santé, relation d'aide (voir annexe). Ce dernier volet prépare particulièrement le futur assistant social à la conduite d'entretiens. En effet, la relation d'aide s'exerce dans la rencontre avec une personne où le professionnel est en position d'empathie et s'appuie sur une démarche en plusieurs points : rassurer, ne pas juger, être conscient de ses représentations personnelles, instaurer de la sérénité dans les relations. C'est une position d'écoute, un espace de confidentialité, qui permet de mettre en mots l'état d'esprit de la personne et de prendre en compte le contexte dans lequel elle vit. En effet, l'assistant social ne met pas en œuvre de thérapie, mais, à partir de son évaluation sociale, oriente vers d'autres compétences professionnelles (services de psychologie ou de psychiatrie, services du Conseil général et services administratifs pour l'accès aux divers systèmes d'aide). Cette formation théorique s'accompagne d'un travail sur soi qui permet d'apprendre à se connaître, à repérer ses limites et identifier ce qui, pour chacun, peut être insupportable. Il faut savoir à l'avance ce qui peut personnellement toucher afin de se protéger. Un travail sur les émotions permet de distancier la situation à laquelle on est confronté et qui peut faire écho à des situations personnelles. Ce dernier point est très important car, dans son activité professionnelle, l'assistant social est confronté à des situations émotionnelles qu'il lui faut absolument gérer pour éviter de se mettre en danger.

... qui prépare bien à la conduite d'entretiens

L'entretien avec un élève, rappelle Fanny Llobel, commence par la mise en place d'une position qui consiste à accueillir pleinement la personne en tant qu'être humain social, et pas seulement en tant qu'élève. L'écoute, la disponibilité sont importantes : il faut écarter tout parasitage avec nos jugements de valeur personnels. Parallèlement, il faut veiller à installer une relation d'aide : il s'agit d'accompagner l'élève dans un cheminement consistant à mieux comprendre la situation pour pouvoir évoluer. Tout cela demande du temps, et souvent, il s'agit plus d'une suite régulière d'entretiens que d'un entretien ponctuel. "Je ne sais jamais ce que je vais découvrir quand je reçois un élève pour un premier entretien : il peut s'agir d'une demande d'aide financière, d'un état de crise (élève fugueur, décrocheur) ou d'une situation de danger (maltraitance, crise suicidaire)". Il est important de bien comprendre la situation pour, soit mettre en place un accompagnement et un suivi de l'élève au sein même de l'établissement, soit passer le relais au service compétent, par exemple, à la cellule de recueil des informations préoccupantes du Conseil général. En effet, malgré son devoir de secret professionnel, l'assistant social a aussi un rôle de protection qui peut l'amener à passer outre ce principe. "À chaque fois que je reçois un élève, explique Fanny Llobel, je lui rappelle qu'il a tout d'abord le droit de ne pas s'exprimer, d'être inquiet, d'avoir peur de décisions que je pourrais être amenée à prendre. J'essaie de le déculpabiliser. Par exemple, un élève victime d'un père violent aura peur de le dénoncer. Mon rôle est de l'aider à reconnaître sa place de victime, de lui expliquer comment peut évoluer son père, de lui présenter les différentes solutions à ce problème, puis j'explique quel est mon rôle et ce que je peux apporter. Tout cela peut prendre du temps ; il faut rassurer l'élève, lui donner le temps de vider son sac". Enfin, l'assistant social prend une décision ou établit un programme d'actions.

Ma mère préfère ma sœur !

Dans les multiples entretiens menés par les assistants sociaux, il n'y a pas que des problématiques lourdes, nécessitant la mise en place d'un protocole d'actions. Très souvent, l'élève a d'abord besoin d'un espace d'écoute pour exprimer ses émotions, ses états d'âme. Il peut s'agir, par exemple, d'élèves qui rencontrent des difficultés relationnelles dans leur famille, de type : "ma mère préfère ma sœur qui est meilleure élève que moi !" ou "Mon père et ma mère ne m'aiment pas !".
Le rôle de l'assistant social, dans ces situations, va être de les aider à gérer le relationnel avec leurs parents, à réapprendre à parler à leur mère, etc. "Je rencontre aussi beaucoup de conflits relationnels entre jeunes : élève confronté à un groupe de camarades de sa classe et en passe de s'installer dans une position de bouc émissaire, ou élève victime de la jalousie de ses camarades, et cela peut dégénérer en des situations très pénibles à vivre, avec impact sur les résultats scolaires", précise Fanny Llobel. Dans ces cas aussi, il s'agit d'écouter et de proposer un accompagnement pour apprendre à gérer ce type de conflits. Ce qui est très important ici, c'est que l'élève comprenne qu'il n'y aura pas de jugement sur sa personne, voire de sanction prononcée à l'issue de l'entretien. "Par exemple, il m'est arrivé de faire en sorte qu'une élève soit admise à l'internat du lycée, afin de l'extraire d'un milieu familial trop compliqué, et lourd à vivre. Ses résultats scolaires s'en ressentaient évidemment et il s'agissait de l'aider à améliorer son cadre de vie et d'études. Malheureusement, cela n'a guère été profitable au niveau des résultats scolaires qui ont continué à être mauvais. En fin d'année, les enseignants ont exprimé l'idée que ce dispositif n'avait servi à rien, que c'était un échec. De mon côté, j'ai protesté, argumentant que ce qui importe c'est que l'élève ait eu la possibilité de poser le problème, d'essayer de le résoudre, d'expérimenter quelque chose...". En effet, le rôle de l'assistant social est avant tout d'être un levier pour permettre à la personne de trouver ses propres solutions au problème.

S'entretenir avec un élève : les bons conseils d'une assistante sociale

Pour Fanny Llobel, il est indispensable de travailler avec tous les membres de l'équipe éducative. La mission de prévention des assistants sociaux les invite à participer à toute instance au sein de l'établissement visant à améliorer la vie et le suivi des élèves. Il peut s'agir, par exemple, dans le cadre du CESC (Comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté), de proposer ou de s'associer à des actions visant la prévention des conduites addictives, l'insertion sociale des élèves, l'accès au droit, l'éducation à la sexualité, la prévention de la violence. Le CESC d'un des établissements où intervient Fanny Llobel (lycée Lavoisier de Mayenne) est d'ailleurs en train de monter un projet concernant la gestion des conflits entre élèves. Il s'agirait de former des jeunes et des adultes volontaires du lycée à être médiateurs de conflit. La collaboration peut aussi être de nature plus technique. Il y a trois ans, au collège d'Ernée, se rappelle cette collègue, l'équipe pédagogique s'est engagée dans une action de tutorat d'élèves décrocheurs. Des professeurs sont venus lui demander des conseils pour être à l'aise dans les situations d'entretiens avec ces élèves. Elle leur a fourni une fiche-guide pour commencer, et ensuite, au besoin, ils pouvaient venir la consulter à propos d'une difficulté particulière. En effet, qu'on soit assistant social, infirmier, enseignant, conseiller d'éducation, conduire un entretien n'est jamais anodin. Les conseils donnés sur ce document, et que Fanny Llobel communique aux lecteurs d'Échanger (voir annexe), sont toujours d'actualité !
 
auteur(s) :

F. Lemarchant

contributeur(s) :

F. Llobel, Service social en faveur des élèves de la Mayenne [53]

fichier joint

information(s) technique(s) : pdf

taille : 136 Ko ;

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