
Le yo-yo a tendance à faire varier la distance qui le sépare des autres par des déplacements incessants dans l'espace classe. Il explore tous les espaces d'évolution possible d'un gymnase, y compris ceux réservés à l'enseignant. Cet élève va ainsi explorer, au sens étymologique (battre le terrain, reconnaître en parcourant), l'espace du cours dans tous les sens, comme pour en tester les limites. Le yo-yo est souvent acteur ou à l'origine des conflits. Ses déplacements incessants et aléatoires sont générateurs de stress, et par ricochet, d'une renégociation permanente, parfois musclée, des distances avec les autres élèves. Le cas typique est celui du travail par petits groupes dans des espaces circonscrits : cette configuration de travail est très fréquente en EPS, dans de nombreuses activités. Dans le cas du badminton, par exemple, chaque terrain est délimité et correspond à un thème de travail ou à un niveau de jeu. Le yo-yo, après quelques minutes sur le terrain qui lui est dévolu, va explorer les autres espaces de jeu. Il s'éloigne de son groupe initial, s'installe en bordure d'un autre terrain. Il commence alors à faire des commentaires, à chambrer son camarade en train de jouer, ou lui demande s'il peut essayer sa raquette, ou tout autre commentaire qui pourrait le déconcentrer. Si le jeu se poursuit, notre Zébulon (le yo-yo) va jusqu'à entrer sur le terrain des joueurs, prendre un volant au vol alors qu'il ne lui est pas destiné ou s'empare du volant et quitte précipitamment et bruyamment le terrain indûment occupé en brandissant son trophée...
Cette situation parmi d'autres va être à l'origine de conflits entre les élèves que rejoint souvent rapidement l'enseignant. Ces conflits peuvent, le cas échéant, dégénérer dans une spirale de violence. Par leur exploration, ces élèves sont à la recherche d'un espace-contenant qu'ils éprouvent, pour mieux se sentir en sécurité. Comme nous l'avons précédemment fait remarquer, ces élèves explorent l'espace de la classe, de la cour, comme pour en tester les limites. Le psychologue Winnicott rappelle l'importance de l'espace-contenant que constituent les règles et les interdits, incarné par les parents et les éducateurs. Ces comportements, à certains égards, s'apparentent à ceux des élèves hyperactifs. Or l'hyperactivité, caractéristique des enfants de onze, douze ans, est sans doute le signe d'un changement de rapport au monde. Cet âge correspond en effet à la fin de la période de latence et au début de l'adolescence et il est marqué par un élargissement des espaces (psychiques, sociaux, spatiaux...). La figure de l'hyperactif ou de l'hyperkinésique constitue un état limite de l'idéal type du yo-yo tel que nous pouvons le décrire. À ce sujet, certains auteurs (Bergès, 1996) ajoutent que ces comportements attestent d'une volonté de construire et d'éprouver les limites de leur corps. Enfin, en dernière analyse, de nombreux travaux de la sociologie, de la psycho-sociologie, voire de géographie sociale, soulignent, venant nourrir nos observations, que ces comportements d'hypermobilité sont l'apanage des garçons. Le yo-yo constitue, selon notre modèle, une première étape dans le processus d'apprentissage des distances. Les observations attestent que ces comportements sont l'apanage des élèves de sixième et cinquième.