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de fil en anguille

mis à jour le 16/06/2010


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À l'école primaire, l'espace c'est avant tout l'environnement local. Et quand on habite en plein cœur du Marais poitevin, cet espace-là est particulièrement riche à explorer. De trois à deux dimensions, de ce qu'on voit à sa représentation symbolique, de toutes les traces qu'il porte, l'espace ne contient-il pas au final bien plus que lui-même ? Encore faut-il être capable d'interroger ce qu'on ne voit souvent plus à force de trop l'avoir sous les yeux.

mots clés : espace, marais, interdisciplinarité, représentation


C'est le cordonnier le plus mal chaussé, on le sait bien. Les enseignants de l'école de Benet, commune sud-vendéenne située dans le Marais poitevin, ont pu constater la véracité de cet adage auprès de leurs petits écoliers. Les enfants ne connaissaient pas cet espace qu'ils voyaient pourtant tous les jours, sans le regarder vraiment. L'équipe a donc décidé de construire un projet de cycle pour les accompagner dans cet apprentissage du regard qui déclenche le questionnement, la curiosité et entraîne bien au-delà de la simple sphère géographique. Ce projet a été mis en œuvre par trois enseignants : Marie-Emmanuelle Bichon en CE2, Pascale Deroubaix en CM1 et Jean-Jack Bouillon en CM2. Citoyenneté et environnement constituent les axes directeurs de leur projet, construit autour du Parc régional du Marais poitevin. Mais, de fil en aiguille, ou en anguille ici, de nombreux domaines vont être nécessaires pour comprendre et expliquer cet espace si proche et si mal connu.

Au fil de l'eau domestique

L'an dernier, l'appui du personnel du Parc régional a été précieux, essentiellement pour les classes de CM. L'action pédagogique du parc est en effet à destination des classes de cours moyen, mais les enseignants de tout le cycle ont œuvré ensemble dans ce projet. Le parc a financé en particulier les déplacements en car, fourni des documents de travail, et David Clément, animateur, a accompagné ce projet. Cette année, le succès aidant et les demandes augmentant, le parc intervient moins auprès de l'école de Benet pour se consacrer à d'autres établissements demandeurs. Ce qui n'a pas empêché les enseignants de poursuivre ce projet en l'adaptant aux moyens du bord. Il s'agit donc de faire découvrir aux élèves cet espace qui est le leur, et tout ce qu'il porte en lui d'histoire, de vie humaine, de flore et de faune... Échanger a rencontré Pascale Deroubaix, qui enseigne en CM1. Après s'être centrés en CE2 sur la commune de Benet, les élèves de CM1 élargissent leur champ d'investigation au marais, d'une part, et ils s'intéressent à l'eau en milieu urbain, d'autre part. Une enquête de terrain, car il s'agit d'abord d'aller voir sur place comment fonctionnent une station d'épuration et un château d'eau. À partir de ces jalons, les élèves reconstituent le chemin de l'eau domestique. Une occasion aussi de réfléchir en écocitoyens, son utilisation raisonnée ne coule pas forcément de source ! Il n'est jamais inutile de s'interroger sur ses propres pratiques. Ce que les mathématiques vont contribuer à susciter. Le bon vieux problème de robinet, réactualisé, refait surface, et les élèves sont amenés à faire des calculs sur les consommations d'eau... Mais cette eau domestique n'est que l'une des manifestations de son existence, tellement omniprésente dans le paysage quotidien de nos petits Maraîchins.

Regardons-y de plus près

Pour mieux s'en rendre compte, une sortie est programmée dans la commune d'Aziré. Mais, note l'enseignante, il ne suffit pas d'être sur place pour que les enfants regardent ce qu'il y a à voir. Les activités sont donc soigneusement guidées. Les élèves sont amenés à dessiner ce qu'ils voient. Ce passage de l'espace de trois à deux dimensions est complété par un questionnaire (voir annexe) qui permet d'affiner l'observation in situ. Relief, habitations, végétation, présence de l'eau sont ainsi méthodiquement repérés. Le même questionnaire sera utilisé à trois reprises, dans trois espaces différents, pour mieux mettre en relief la comparaison. Cette observation va permettre de dégager les caractéristiques du marais mouillé, où se situe la commune d'Aziré. Paysage fermé, où le regard est vite arrêté par des arbres, ces zones souvent inondées ont été aménagées par des canaux, mais les cultures à grande échelle y restent impossibles. Seul l'élevage y est pratiqué. Les indices de la montée des eaux sont repérés. Une deuxième sortie, à Saint-Pierre-le-Vieux, va permettre une comparaison fructueuse. L'intérêt de ce village tient au fait qu'il est situé à la frontière entre marais desséché et marais mouillé. Au paysage bocager de ce dernier s'oppose le paysage ouvert du premier, avec ses larges champs géométriques cultivés et ceinturés de canaux rectilignes. Le contraste est évident (voir annexe), d'autant plus que la frontière est matérialisée par une levée, longue butte de terre. L'espace est ainsi concrètement perçu par les élèves qui l'appréhendent avec une précision croissante. Les différentes images se font écho dans une éloquente comparaison. Capables de repérages d'indices de plus en plus précis, les élèves comprennent que l'espace n'est pas une abstraction, il se définit par ce qui le compose.



Représentations de l'espace

L'observation se poursuit en classe, où l'on passe du réel au virtuel. La classe a été dotée d'un vidéoprojecteur qui va être bien utile. Chaque élève dispose d'un extrait de la carte IGN de Saint-Pierre-le-Vieux. Le lien entre l'espace vu réellement et sa représentation symbolique ne va pas nécessairement de soi pour les enfants. La photographie est une représentation intermédiaire qui va faciliter le passage vers l'interprétation symbolique que constitue la carte. Grâce à Géoportail, la photographie aérienne est projetée sur le mur de la classe. La première activité consiste en un repérage : où sont les routes, les cours d'eau, les habitations ?... Cette reconnaissance est facilitée par le logiciel qui permet de ne faire apparaître qu'un élément (routes, voies d'eau...). Les notions de symboles, de légendes sont concrètement appréhendées. Les points hauts et bas sont perçus et les courbes de niveau observées, ce qui est bien utile pour comprendre le chemin de l'eau. Au-delà des lieux observés, des niveaux des élèves, la démarche est constante dans l'ensemble du projet pour ce qui est de la manière d'appréhender l'espace. On observe d'abord sur le terrain et, pour ce faire, il faut développer une acuité du regard qui ne va pas de soi. Puis on passe de trois à deux dimensions : par le croquis, le schéma, la photographie... Enfin, on aboutit à la représentation symbolique et explicative qu'est la carte. Les codes de schématisation sont décryptés par les enfants eux-mêmes. En effet, leurs observations préalables in situ facilitent ce travail de décodage. Bref, on construit le sens, pas à pas.

Échange de marais, toujours une question d'eau

L'an dernier, cette observation des deux formes de marais avait pris un tour très ludique. Par l'intermédiaire du Parc du Marais poitevin, deux classes étaient jumelées le temps de cette double observation : une classe dont la commune était dans le marais mouillé, l'autre dans le marais desséché. Première étape, il s'agit de préparer la visite des correspondants pour les amener à observer les caractéristiques de "son" marais (et par la même occasion, de le découvrir soi-même). Chacune des classes fait ainsi un premier repérage avant d'accueillir l'autre. La classe de Pascale Deroubaix avait ainsi organisé un rallye-photo pour la venue des correspondants. L'objectif est toujours de les "obliger à regarder". Il fallait retrouver les lieux exacts d'où avaient été prises cinq photographies du site. Cette découverte s'est ainsi faite en trois étapes : la découverte de son propre territoire, sa présentation à la classe correspondante puis la découverte de l'autre marais, guidée par les correspondants. Une autre activité a permis de mieux mesurer ce que représente la carte, et en particulier les courbes de niveau. À vélo la première année, à pied la deuxième, les élèves ont parcouru un bout de chemin soigneusement choisi par leur maîtresse. Certains endroits sont tranquilles, car plats, mais pour d'autres, ça grimpe dur ! La pause est la bienvenue, qui consiste ici à tracer sur des photocopies de la carte IGN le chemin parcouru. On se rend nettement mieux compte de ce que représente une courbe de niveau quand on l'a dans les jambes !

Veni, vidi, vici

Plutôt que "j'ai vaincu", "j'ai compris" serait plus approprié. Pour comprendre, encore faut-il mesurer l'incompris. Ces différentes observations n'ont pas manqué de soulever des interrogations ; la comparaison a mis en lumière l'aménagement différent des territoires, certains devenus cultivables et d'autres non. La main de l'homme y est présente. Quel homme au fait ? Le fil de ce projet est aussi celui qui va permettre de remonter le temps. Deux lieux visités fournissent des indices précieux : l'abbaye de Nieul-sur-l'Autise et la petite commune de Triaize, sise sur un îlot rocheux. Les travaux de défrichement et d'assèchement ont été commencés par les moines, puis poursuivis sous Henri IV. Les hommes ont peu à peu gagné une terre fertile. Mais qu'en était-il avant ? On remonte ainsi le fil du temps jusqu'à la préhistoire. À part quelques îlots rocheux, comme Triaize, leur pays n'était qu'une vaste étendue d'eaux, de mer ou de crues. L'histoire explique l'espace, qui détermine aussi une certaine histoire. L'espace explique la faune et la flore qui le constituent. L'homme et les traces de sa présence s'expliquent dans l'espace... Tout se tient et tout est là, sous nos yeux, quand on sait regarder. Les CM2 élargissent le champ d'exploration. Si les CE2 se sont limités à la commune de Benet, si les CM1 ont découvert les marais, les plus grands poursuivent, comme l'eau, le chemin jusqu'à la mer (voir annexe). Océan, digues, portes à flots (sortes d'écluses de mer)... autant de nouveaux éléments à découvrir et comprendre. Pour rendre plus concret ce chemin, ils suivent la route de l'anguille. Ainsi, de fil en anguille...

De l'eau en mots: le fil du sens

Ce projet, centré autour de l'espace local, dépasse bien largement la seule géographie, on l'aura compris. Les aspects du programme abordés sont multiples (voir annexe). Ce sont aussi les mathématiques, l'histoire, les sciences de la vie et de la Terre, le français, qui sont à l'œuvre. Pascale Deroubaix note d'ailleurs la difficulté qu'avaient parfois les élèves à "ranger" certains documents dans leur classeur. L'expression et la lecture sous toutes leurs formes sont les chevilles ouvrières d'un tel projet. Cette aventure au fil de l'eau est aussi un voyage au fil des mots. À l'oral comme à l'écrit, il faut dire pour nommer ce qu'on observe, pour effectuer des comptes rendus, pour réaliser l'exposition, pour légender les photographies prises lors des sorties, pour expliquer aux correspondants ce qu'on attend d'eux, pour proposer des hypothèses d'explication, pour interpréter les paysages et les cartes... Quant à la lecture, elle n'est pas en reste. Les médias sont variés - lecture de paysages, de croquis, de cartes, de documents scientifiques, de textes - mais il s'agit toujours de relever les indices qui permettent de construire le sens, pour mieux comprendre. Du concret à l'abstrait, c'est aussi le cheminement vers la conceptualisation qui est ici à l'œuvre. Les petits ruisseaux ne font-ils pas les grandes rivières ?
 
contributeur(s) :

P. Deroubaix

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