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élèves et enseignants à l'ère numérique

mis à jour le 10/06/2010


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Une recherche de l'Institut national de recherche pédagogique, conduite sous la direction de Christine Dioni, a tenté de repérer les évolutions de ce que l'on nomme aujourd'hui, le métier d'élève et le métier d'enseignant face au développement de la culture numérique. La méthodologie de cette recherche-action repose à la fois sur des actions conduites sur le terrain 1, des questionnaires et des entretiens en direction d'enseignants et d'élèves.

mots clés : culture numérique, numérique, recherche, formation, TICE, communication, recherche


L'appropriation des technologies de l'information et de la communication est aujourd'hui un phénomène de masse en France, fortement influencé par les orientations marketing des acteurs industriels qui en ont favorisé la diffusion. Chez les adolescents, les itinéraires d'usage de ces technologies évoluent rapidement au gré des innovations techniques, de l'offre de contenus et de services divers proposés sur internet. Dans ce contexte, les modalités de leur travail scolaire, réalisé en dehors de la classe, changent sous l'influence de pratiques familières qui se mettent en place spontanément dans la communauté des adolescents, souvent en dehors de toute intervention des adultes et parfois en rupture des usages scolaires.

De la fracture à la pomme de discorde

Une confirmation se fait jour. En matière d'utilisation des technologies, l'écart entre les élèves et les enseignants reste important. On peut même dire qu'il existe aujourd'hui une rupture générationnelle dans les usages d'internet. Les pratiques privées des jeunes, souvent ludiques et parfois addictives, ne sont guère associées au travail scolaire. Dès lors, il est difficile pour une majorité d'enseignants, tout particulièrement ceux qui n'ont pas ou plus d'adolescents à la maison, d'appréhender l'importance et la nature de ces nouveaux usages, d'autant qu'ils se développent en autonomie et en dehors de l'école. Ce manque de visibilité place les professeurs dans une situation inconfortable. Ils sont démunis dans ce contexte changeant, ont du mal à en parler et parfois, à en gérer les effets au quotidien. Face à la dextérité technique de leurs élèves, certains enseignants considèrent le recours aux nouvelles technologies comme allant de soi et leur étonnement est grand devant les difficultés rencontrées en classe, lorsqu'ils proposent aux élèves le recours à cet outil pour des travaux de recherche. Certes, les élèves sont à l'aise devant l'outil, mais des lacunes existent. Outre le fait que l'aisance devant ces outils n'est pas homogène, le transfert en milieu scolaire des compétences informelles acquises dans leurs pratiques privées ne va pas de soi ! Ainsi, le temps quotidien passé derrière l'ordinateur au détriment du travail scolaire, les usages réducteurs et les habiletés limitées qui en découlent font problème pour les enseignants et deviennent parfois source de conflits. Des jugements réciproques se transforment parfois en idées reçues et génèrent alors des tensions qui ne sont pas toujours régulées. Autant de signes tangibles d'une "fracture numérique scolaire" qui porte autant sur les usages avérés des technologies de l'information et de la communication (TIC) que sur les perceptions que s'en font les uns et les autres.

Usages scolaires d'internet

Internet est progressivement devenu, pour tous, une "prothèse informationnelle". Dans l'exercice du métier d'élève, internet intervient notamment à travers des ressources qui servent à acquérir des connaissances, en complément ou en substitution de l'apport des enseignants. Dans un certain nombre de cas, cette prothèse facilite le travail scolaire dans un rôle d'assistance qui, auparavant, se faisait autrement (sources documentaires diverses ou aides aux devoirs trouvées dans la sphère familiale ou scolaire). Mais dans d'autres cas, les pratiques d'internet interrogent car, tel le copier-coller de devoir tout fait, elles vont jusqu'à dispenser l'élève de tout travail sans qu'aucun mode de régulation ne pose de limites à cette facilité. Ce fait est d'autant plus prégnant que parents et enseignants sont nombreux à ignorer cette possibilité, ou du moins, à agir comme s'ils l'ignoraient. Ces usages posent alors des questions de fond : du côté élève, c'est le sens du travail scolaire qui est en jeu, et en amont, la question de leur implication et leur motivation. Par un effet miroir, du côté enseignant, ce sont les finalités de leur métier qui sont interpellées.


Les mésusages comme leviers

Au-delà des erreurs d'utilisation, la recherche a fait apparaître la notion de mésusage. Ce terme est utilisé pour désigner les détournements de règles, les conduites déviantes. L'actualité les met souvent en valeur : tel blog porte atteinte à l'image des enseignants. Des films colportent des images scandaleuses d'adultes ou de jeunes. Des recherches, affichées comme personnelles, ne sont que de vulgaires plagiats... Les techniques ouvrent des possibles et les règles édictées ne prennent pas explicitement en considération ces nouvelles pratiques... Rares, en effet, sont les prises en compte collectives de ces questions. Quelques travaux universitaires étudient "l'instrumentalisme des pratiques lycéennes", autrement dit l'esprit de consommation et de résultat, appliqué au domaine de l'apprentissage. Dans les faits, certains de ces mésusages interrogent le cœur même de la pédagogie. Il devient donc urgent que la recherche et les enseignants s'en servent comme leviers pour trouver des solutions qui renouvellent la pédagogie et l'adaptent au monde d'aujourd'hui. Dans cette perspective, certains proposent aux élèves des activités via leurs adresses courriels. Encore faut-il interroger le jeu d'intimité et de distance qui est ainsi instauré. Comment mettre des limites ? D'autres mettent en place blogs et wikis, ces types de sites web qui permettent aux utilisateurs d'ajouter et de modifier facilement du contenu. Pour l'enseignant, c'est l'occasion de suivre les évolutions du travail d'un élève ou d'un groupe d'élèves. Cela peut se révéler être un levier pour des élèves en rupture avec les normes scolaires ou pour des élèves soucieux de discrétion... On pourrait multiplier les pistes de recherches et d'interrogations.

Une légitimité de compétence, difficile à assumer

Si de nouvelles pratiques émergent, déclenchant des prises de conscience chez les enseignants, ces derniers ont cependant une attitude ambivalente envers une mission d'accompagnement de leurs élèves dans ce domaine. Globalement, les initiatives menées de façon autonome, en dehors de la classe, par les élèves avec internet (comme la recherche d'information ou la publication sur des blogs), sont insuffisamment prises en compte par les enseignants alors même qu'elles pourraient être exploitées utilement pour favoriser l'appropriation des connaissances. D'un côté, ils pressentent que cet accompagnement va devenir essentiel, tant en raison d'activités quotidiennes de leurs élèves qui leur échappent, qu'en raison de prescriptions institutionnelles qui se font de plus en plus pressantes. De l'autre, leurs réticences multiples perdurent avec des freins liés au fonctionnement de l'institution scolaire ou à la juste place qu'ils souhaitent donner aux technologies dans leur pédagogie face à d'autres priorités. Sont également évoquées leurs propres difficultés à maîtriser techniquement l'outil informatique ou bien à développer de nouvelles compétences informationnelles avec internet. Même si des clivages forts existent au sein de la population enseignante, un trait commun est à souligner : leurs compétences avec les technologies n'ont pas été validées car elles sont issues davantage de leurs expériences menées individuellement dans la sphère privée à des fins personnelles et/ou professionnelles que d'usages pédagogiques construits dans un cadre institutionnel. De ce fait, ils ont des difficultés à considérer que ces pratiques personnelles empiriques sont aussi des savoir-faire à transmettre à leurs élèves et, dès lors, ils sont nombreux à douter de leur légitimité à assumer un rôle qu'ils ont par ailleurs bien du mal à se représenter et à définir.

Un accès de l'élève vers plus d'autonomie

Pour autant, des pratiques intelligentes existent. Un point du cours non compris, des élargissements, une aide spécifique... sont souvent, pour les élèves, des occasions de recherches facilitées grâce à l'internet. Des sites commencent d'ailleurs à se structurer comme autant de tutoriels. Les prolongements informatiques des établissements, l'informatique nomade comme certains la nomment, se font chaque jour plus nombreux et la question est de savoir ce que l'on met en ligne : un cahier de texte restreint ? des cours ? des exercices complémentaires de soutien ou d'approfondissement ? Toutes ces possibilités introduisent des ruptures dans les postures traditionnelles de l'élève et de l'enseignant et il devient difficile de délimiter la zone-frontière entre cet espace intime et l'espace de l'école et ce, d'autant que la question de l'évaluation ne peut longtemps être tue. Prenons un exemple : un blog d'élève peut faire état de recherches personnelles pertinentes. Mais, comment évaluer ce travail personnel et créatif dans le cadre de l'enseignement ? Les pratiques d'itinéraires de découverte ou de travaux personnels encadrés ont bien mis en évidence que l'usage des TIC est un outil et un révélateur d'autonomie. Mais une question n'est pas encore vraiment prise en compte : comment intégrer le développement de l'autonomie comme compétence dans une logique scolaire marquée par la tradition de la transmission de la culture ? Un cadre s'est néanmoins ouvert aujourd'hui pour intégrer des compétences sociales et civiques, celles du socle commun de connaissances et de compétences.

Vers une culture numérique scolaire partagée

Cependant, usages et mésusages d'internet servent aussi de catalyseurs à un renouveau des démarches pédagogiques. Dans une logique de substitution, certains enseignants ont déjà commencé à intégrer les initiatives prises par leurs élèves avec internet, pour compenser la désaffection pour des pratiques culturelles aujourd'hui délaissées, comme la lecture. Ils tentent ainsi de rapprocher les modes d'usage des TIC pour développer une culture numérique commune. Apprendre ensemble à utiliser conjointement internet devient alors un moyen de recréer un lien intergénérationnel autour des technologies. Ils explorent les usages pédagogiques de nouveaux outils comme les wikis qui favorisent les apprentissages collaboratifs et stimulent la motivation par la diffusion en ligne du travail scolaire validé. Certains enfin, les plus engagés, introduisent peu à peu, et en cohérence avec les objectifs de leur enseignement disciplinaire, une éducation aux usages des TIC qui aide les élèves à identifier les pratiques néfastes ou inefficaces, à jeter un regard critique sur les comportements derrière l'ordinateur, à distinguer usages et mésusages des technologies. Le but, quant au fond, est de faire évoluer, chez les collégiens et les lycéens, une "culture de loisirs numériques" vers une "culture numérique scolaire", et de les amener ainsi à donner pleinement à l'ordinateur un statut d'outil de travail pour apprendre.

Un métier en devenir

Pour cela, ces enseignants développent une compétence nouvelle : savoir accompagner les élèves dans le changement. Leur attente envers l'institution est forte et porte sur des dispositifs innovants qui les aident dans cette mission et stimulent leur créativité pour trouver les options pédagogiques adaptées. Dès lors, il n'est pas exclu qu'en devenant pour leurs élèves des vecteurs de changement, les enseignants soient eux-mêmes amenés à accélérer cette mutation "rampante" de leur métier par un double effet de levier. Et l'enjeu pour toute la communauté éducative est de faire bouger la pédagogie, et aussi les normes et valeurs de la culture scolaire pour pouvoir adapter le système éducatif au contexte sociotechnique actuel.


1. Une quatrième du collège Chantenay en lettres, une première de bac professionnel, section secrétariat au LP Les Bourdonnières et une première scientifique du lycée A.-d'Orbigny à Bouaye, en histoire et géographie.
 
contributeur(s) :

C. Riou, INRP, Lyon [69]

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