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l'essence de l'orientation en Europe

mis à jour le 01/12/2008


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Comment l'orientation fonctionne-t-elle dans les différents pays de l'Union européenne ? Peut-on, à partir d'une connaissance réfléchie des différents processus et outils utilisés, améliorer les dispositifs de chaque pays ? Peut-on converger ensemble vers une démarche commune ? Avec ses partenaires du projet Comenius, le collège des Sources s'est efforcé de construire une première réponse à ces questions.

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Le collège des Sources est un des pionniers de la construction européenne dans l'école et s'est engagé dans de multiples projets depuis 1993. Il héberge en outre le centre Eurodoc 72, centre départemental de ressources européennes, avec de nombreuses actions en milieu scolaire. Il abrite aussi une classe section européenne anglais. C'est ainsi qu'en 2004, après avoir porté plusieurs projets, scolaires et linguistiques, Geneviève Laizé - qui a créé et longtemps animé Eurodoc - a, pour un nouveau projet, proposé un thème sensiblement différent : l'orientation scolaire. Cette fois-ci, les élèves ne seraient pas directement impliqués dans l'action. Ce sont les adultes qui, à partir de recueils d'informations auprès des jeunes, s'attelleraient à une réflexion comparée des systèmes existants. Puis, ils concevraient des outils et des évolutions de dispositifs mis plus tard à la disposition des jeunes et de leurs familles. Les professeurs principaux du collège ont très majoritairement soutenu l'idée, la conseillère d'orientation-psychologue (COP) était partante, l'équipe de direction intéressée... Le collège opte donc en 2004 pour la préparation d'un "projet de développement scolaire", dont le but est "d'améliorer la gestion des établissements et des approches pédagogiques à travers un échange d'expériences et d'information". Les équipes européennes engagées dans ce type de projet mettent au point des outils et des méthodes nouvelles. L'objectif pour le collège, qui avait déjà mis en place un accompagnement à l'orientation de la sixième à la troisième, était d'envisager la construction d'un outil performant pour la dernière année du collège. Le thème choisi s'est donc précisé : l'étude comparative des procédures d'orientation en Europe durant et à l'issue de l'enseignement obligatoire.

Direction : l'Est

Il fallait trouver des partenaires, le collège se proposant d'être le coordonnateur du projet Comenius : Michel Launay, principal adjoint d'alors, qui pilotait l'orientation dans le collège, s'était porté volontaire pour assumer cette tâche. L'établissement avait déjà mené de multiples actions avec les pays de l'Europe de l'Ouest - l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Grèce, l'Angleterre, la Suède - et l'équipe souhaitait cette fois-ci travailler avec des partenaires de l'Est, plus nouvellement intégrés dans l'Europe. Ce choix offrait l'avantage d'aller vers des pays nouveaux, dont la culture nous est moins familière, et d'enrichir ainsi la connaissance de l'Europe dans sa globalité. Mais l'équipe avait aussi une autre idée - qui a été très vite abandonnée car elle ne correspondait pas du tout à la réalité telle qu'elle s'est révélée : contribuer, par une réflexion et un travail commun, à une amélioration, une modernisation de l'orientation dans ces pays supposés disposer d'une moindre expérience que les pays de l'Ouest européen... Une recherche de partenaires a donc été lancée sur les sites spécialisés, et des candidats turcs, roumains et polonais se sont présentés. Des contacts déjà avancés avec un établissement turc se sont arrêtés quand la candidature de ce lycée n'a pas été retenue. Finalement, le projet s'est monté avec un collège de Kielce en Pologne et deux établissements roumains : un lycée à Bucarest et un collège à Dorohoï, dans le nord-est de la Roumanie. Le projet démarre à la rentrée 2005.

Une tour de Babel ?

Les Sarthois ne parlent ni le roumain, ni le polonais; les Roumains, s'ils parlent français, ne connaissent pas le polonais et les Polonais, eux, ne parlent aucune des deux autres langues. La seule langue d'échange possible entre les partenaires est donc l'anglais. Il faut accepter cette contrainte. Si ce projet est avant tout un travail coopératif d'adultes, il permet cependant d'associer des élèves, en particulier lors des mobilités. Les élèves, choisis en quatrième et en troisième, souvent en classe européenne, pour avoir un niveau suffisant, se sont donc trouvés en situation de devoir parler et comprendre l'anglais. Et cela est vrai pour beaucoup de jeunes, même ceux qui ne sont pas au cœur de l'échange, mais qui côtoient les Polonais et les Roumains, dans les couloirs, la cantine, les cours - et qui trouvent là une forte motivation à progresser en anglais. Cela a été encore plus vrai pour les enseignants. D'abord parce qu'ils ont eu à travailler ensemble, à créer des outils communs, à s'approprier précisément les nombreuses informations, parfois assez techniques, données par leurs collègues étrangers et à se faire comprendre d'eux. Mais surtout parce qu'aucun professeur d'anglais ne pouvait participer aux mobilités. Ce qui a été ressenti comme un frein, un handicap au départ, s'est avéré un formidable moteur pour faire progresser tous les professeurs dans leur maniement de l'anglais, langue seconde pour tous. En l'absence de traducteur et de porte-parole expert, il a fallu s'exprimer en anglais. Nécessité aidant, décomplexés, tous se sont lancés et le travail a avancé, les liens se sont tissés. Le projet Comenius a d'ailleurs été l'occasion de se pencher particulièrement sur la place de l'enseignement des langues, lors des présentations des systèmes éducatifs des différents pays. Accepter de parler une autre langue européenne que la sienne pour pouvoir communiquer de manière de plus en plus efficace et fluide, c'est aussi une manière de vivre l'Europe. Les quatre établissements ont relevé ce défi, puisque le projet est arrivé à son terme et a atteint ses objectifs.

Les systèmes éducatifs vus de l'intérieur

Les équipes des quatre établissements se sont rencontrées six fois : trois fois en France et une fois dans chacun des autres établissements. Ces rencontres ont été pour partie consacrées à la présentation des systèmes éducatifs de chaque pays, exposés complétés par la vie sur place dans l'établissement d'accueil et par de nombreuses visites dans chaque lieu, de la maternelle à l'université, en passant par des écoles professionnelles et des centres d'apprentissage... Cette découverte, dans la durée et par la variété des approches, a permis aux enseignants d'entrer dans la complexité du fonctionnement de chacun des systèmes scolaires et d'en pointer les différences. Les regards croisés ont amené à des questionnements de fond, des mises en questions parfois inattendues de la part des acteurs : peut-on se passer de conseiller-psychologue ? Suffit-il de distribuer une documentation complète à chacun ? Quel rôle les professeurs doivent-ils jouer ? Pourquoi commencer à sélectionner dès dix ans ? Le problème de l'orientation a toujours été l'axe d'observation privilégié des visites. Ainsi, en Pologne, les enseignants ont pu visiter un centre d'orientation et rencontrer une psychologue. En France, où il y a eu trois rencontres, la conférence d'un inspecteur de l'orientation a été complétée par une participation au salon d'orientation Formasarthe, la visite de deux centres d'information et d'orientation (CIO), un travail au pôle orientation du CDI et de nombreuses visites d'entreprises, de lycées professionnels...
 

Vivre l'Europe dans l'école

Des élèves de chaque pays ont été associés à la découverte des établissements étrangers. Jusqu'à quatre jeunes différents par établissement à chaque déplacement. Ces jeunes ont été les ambassadeurs de leur propre système éducatif et de leur mode de vie : ils ont au minimum parlé de leur propre établissement là où ils étaient accueillis et, à leur retour, ils ont eu à raconter, à commenter les images vidéo, à faire partager leur ressenti. Ils ont assisté à des cours, partagé le quotidien des élèves et de leur famille... Et à chacune des rencontres, les enseignants ont organisé des "tables rondes" d'élèves, en anglais, sur leurs loisirs, l'orientation dans chacun de leur pays... Des échanges, certes limités par les performances langagières, mais ancrés dans le vécu. L'impact de ces échanges dépasse d'ailleurs largement les quelques adultes et élèves directement concernés : six professeurs et douze élèves du collège Les Sources ont effectué un déplacement et cinquante personnes en tout ont participé à ces "mobilités". Peu ou prou, tout le monde dans l'établissement reçoit quelque chose: des images vidéo en boucle dans le hall, avec leurs commentaires, les informations mises en ligne sur le site du collège, des bribes de conversation ou des exposés préparés... Les familles aussi sont touchées, celles qui accueillent, mais aussi les copains, les voisins... On estime qu'au total, huit cents personnes en tout dans les quatre pays (en comptant les élèves qui ont répondu aux enquêtes) ont été directement concernées par ce projet dans des rencontres qui sont toujours des expériences fortes.

L'orientation en Europe : ne pas s'y perdre

Comment mener cette étude comparative des procédures d'orientation ? La première rencontre au Mans, en janvier2006, a été consacrée à la définition des objectifs opérationnels et d'une méthodologie. Le projet a été décliné en quatre objectifs : comparer les procédures d'orientation, rechercher les déterminants de l'orientation dans chaque pays, connaître les différents intervenants en matière d'orientation et, enfin, faire évoluer les pratiques de chacun. Les équipes ont décidé d'interroger les systèmes éducatifs européens sur leur processus d'orientation en fin de scolarité obligatoire par l'intermédiaire d'un questionnaire. La rédaction de ce questionnaire a demandé un gros effort de clarification des éléments recherchés pour espérer obtenir des réponses exploitables. Pour que cette étude ait une dimension plus largement européenne, il a été décidé de ne pas se limiter aux trois pays menant la recherche: chacun des pays se chargerait d'enquêter auprès de ses voisins. Les équipes locales ont lancé les enquêtes dans neuf pays et récupéré les données avant de les traduire pour les exploiter. Ce travail s'est avéré délicat, car les sources d'information sont soit incomplètes, soit peu fiables ou avec des données difficilement comparables. Lors de la seconde rencontre, ce travail de comparaison s'est resserré sur les éléments peu nombreux, mais jugés significatifs par le groupe (voir ci-contre).

Enquête de satisfaction

L'idée d'une évaluation comparée des systèmes a alors émergé : laquelle de ces procédures remplit le mieux sa fonction ? Le groupe a décidé de lancer une enquête de satisfaction auprès de quatre cents jeunes - cent par établissement - ayant dépassé récemment le cap de la scolarité obligatoire. Outre la parité filles / garçons en vigueur à tous les niveaux dans les projets Comenius, ces élèves doivent être répartis de façon égale dans les trois voies: générale, technologique et professionnelle. La rédaction de ce questionnaire a été l'objet d'un travail fécond en échanges sur la difficulté à évaluer la part d'un dispositif, des outils ou des interventions dans un processus aussi diffus et complexe que le choix d'une filière de formation ou d'un métier. Les dépouillements des deux enquêtes et l'analyse de résultats vont alors être menés parallèlement par chaque équipe locale grâce à un outil comparatif à créer par le groupe. Le site (http://www.lbi.ro/orientare/) présente, aujourd'hui en français et en anglais, les réponses aux mêmes questions sur le système éducatif dans dix-sept pays de la grande Europe. Le travail de transfert des données sur ce site est très lourd et va demander encore du temps... Le temps est un problème crucial dans les projets Comenius en général et dans celui-ci en particulier, notamment pour le coordinateur, comme le souligne le bilan.

L'orientation gagne tout le collège

Lors des rencontres, les équipes ont pu prendre connaissance des documents, des outils utilisés par les élèves et les adultes pour l'orientation des élèves. Ces documents ont été analysés, les conditions de leur utilisation aussi. Dans les pays où ils sont présents, en France et en Pologne, les équipes ont rencontré les psychologues et visité les centres d'orientation. Le rôle des conseillers - quand ils existent, ce qui n'est pas le cas en Roumanie -, leur mode d'intervention, leur place dans le cursus scolaire, ont été étudiés. L'appropriation de ces démarches différentes dans les autres pays a amené les professeurs du collège des Sources à reconsidérer, à interroger les outils et l'accompagnement mis en place au collège. Cette réflexion est devenue collective, puisqu'un stage sur ce thème a rassemblé un grand nombre de professeurs de l'établissement. L'objectif du travail a été de créer des outils d'aide à l'élaboration du projet personnel du collégien, outils conçus comme un accompagnement continu de la sixième à la troisième. Chaque niveau bénéficie de documents spécifiques adaptés aux problématiques abordées à chaque étape. Les réflexions du groupe ont été irriguées par l'expérience des professeurs impliqués dans le projet Comenius, d'autant plus que ceux-ci avaient décidé avec leurs partenaires, lors du regroupement précédent, de s'atteler à l'élaboration d'un livret d'autoévaluation commun aux trois pays, dans la perspective d'aller vers un document européen à plus long terme.

Le portfolio

Il fallait donner un nom au livret que les professeurs projetaient de créer. C'est le nom du support qui s'est imposé dans sa forme anglaise : un portfolio, porte-vues qui sera la propriété de l'élève. Celui-ci se construira ainsi au fil de ses années de collège une mémoire de ses recherches, de ses réflexions. Ce sera la trace concrète de sa démarche, du processus de maturation, d'élaboration de son projet. Le contenu de ce dossier a été longuement discuté. L'intérêt des documents existant dans chacun des pays a été évalué et la sélection a été sévère. L'outil devait être simple et clair, utilisable par tous les élèves du collège, ainsi que par les instituts universitaires professionnalisés (UPI). Donc peu de documents, mais pertinents et abordables. Les outils créés par l'équipe locale ont été testés dans le collège, par niveau, et dans plusieurs classes. Les enseignants et les élèves ont proposé des améliorations. Les documents ont été réajustés par l'équipe locale pour pouvoir, le cas échéant, être utilisés en autonomie ; ils restent évolutifs. Dans sa forme aboutie, le portfolio a été à nouveau testé à chaque niveau. Faute de temps, les UPI ne l'ont essayé qu'en partie, mais ils ont été intégrés dans la phase d'élaboration. La couverture de ce dossier a été l'objet d'un concours dans les quatre établissements. Au final, c'est un montage des productions de chacun qui constituera la première de couverture du portfolio commun. Lors du dernier regroupement, les élèves des quatre établissements ont échangé sur le portfolio qu'ils venaient de tester. L'accord sur la sélection finale commune a été difficile à trouver. Par exemple, les Polonais ont beaucoup de documents très variés à leur disposition, dont certains touchent des domaines peu considérés généralement en France, comme la santé. Des établissements ont donc décidé de mettre en annexes des outils qu'ils jugent utiles, mais qui n'ont pas été retenus par l'ensemble du groupe.

Un chantier pour une Europe de la mobilité

Dès la rentrée 2008, les élèves du collège Les Sources vont recevoir, chacun, à tous les niveaux, ce portfolio. Malgré le coût, cela devrait être aussi le cas dans les autres établissements du projet. Et ce dossier a vocation à être proposé à d'autres jeunes. Ainsi, dans la Sarthe, il sera mis à disposition dans les deux CIO duMans. La COP, présente dans le collège au début, est restée jusqu'à la fin dans le projet. Même après avoir quitté l'établissement, elle a testé les documents dans ses nouveaux collèges. Le portfolio sera consultable et téléchargeable sur le site, avec l'ensemble des données collectées et des commentaires sur les modalités d'orientation et sur le degré de satisfaction des jeunes dans plus d'une douzaine de pays. Mais il est évident pour tous les acteurs que l'essentiel n'est évidemment pas dans le produit final, ni dans les informations forcément très ponctuelles et partielles qu'on peut trouver sur le site, mais bien dans l'expérience partagée d'un travail, d'une réflexion commune. Ce partage a permis à chaque établissement impliqué de faire évoluer sa pratique à la lumière des documents, des dispositifs utilisés ailleurs, des rôles variables joués par les différents acteurs. Mais ce sont surtout les réflexions nées dans ces groupes d'enseignants de cultures et d'histoires différentes qui ont transformé tous les acteurs et fait évoluer leur pratique. Le chantier est tout juste ouvert... Sans doute, d'autres équipes s'empareront-elles de ce vaste problème. Avec la mobilité grandissante des familles qui se déplacent à travers l'Europe avec leurs enfants scolarisés, celle des étudiants et de tous les jeunes qui, de plus en plus souvent, intègrent une expérience à l'étranger dans leur cursus de formation, une meilleure compréhension réciproque des réalités des systèmes scolaires est sans doute indispensable à tous les acteurs. Et, sans tendre vers une harmonisation artificielle, un travail en commun pourra, à plus long terme, déboucher sur des procédures nouvelles, communes ou connues de tous, européennes peut-être...
 
auteur(s) :

M. Coupry

contributeur(s) :

G. Laizé, Collège Les Sources, Le Mans [72]

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