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mis à jour le 21/06/2010


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Dans cette classe de cycle trois, située en ZEP (zone d'éducation prioritaire), le temps, après la récréation de l'après-midi, est un moment où chaque élève se retrouve face aux priorités établies pour son PTI. Parce que le maître a au préalable posé des jalons, fixé le cadre de travail, il peut, dès lors, observer chacun et prendre du recul. Eux, ils travaillent, apprennent, seuls ou à deux.

mots clés : sois autonome, autonomie, travail individualisé


Depuis le début de l'année, le professeur et directeur d'école, Olivier Blond-Rjewuski, a inauguré un nouveau mode de fonctionnement. Au départ de cette expérimentation, figurent un certain nombre de constats, liés au fait que les élèves de cette classe de ZEP ne vivent pas dans un milieu très propice au travail du soir. De fait, un grand nombre d'entre eux viennent de logements réservés à des familles nouvellement arrivées ou en transit. Pour donner toute sa chance à chacun, il appartient donc à l'école de prendre en charge, même de manière partielle, les apprentissages personnels et, si possible, en présence et sous les directives du maître. Cette heure remplit donc, en partie, des objectifs traditionnellement dévolus aux heures d'études dirigées. Construire l'autonomie liée à cette part personnelle de l'apprentissage requiert, en effet, une pratique régulière, voire quotidienne. Pour autant, cette mise en place individuelle est étroitement articulée avec les objectifs de la classe. Dans cette classe de cycle 3, donc, tous les élèves doivent acquérir les fondamentaux pour entrer au collège, même si les échéances de chacun ne s'harmonisent pas forcément. De ce fait, une pédagogie différenciée revêt des allures d'évidence. Et ce, d'autant plus que l'hétérogénéité des niveaux liée à l'âge est souvent amplifiée par des disparités individuelles. Niveau, rythme et degré d'autonomie sont autant de variables individuelles que le maître s'efforce de prendre en compte, concrètement, dans la conduite générale de la classe. Ce souci d'ajustement est encore plus visible au sein du dispositif de remédiation et d'approfondissement, dévolu au dernier temps de la journée. Ce mode de travail est né de la relecture et de l'adaptation de l'ouvrage L'école, mode d'emploi 1 et, particulièrement, du PTI qui figure en bonne place dans cet ouvrage.

Un plan construit sur un socle

Si chaque élève se retrouve, chaque fin d'après-midi, dans une logique de travail autonome, c'est que le professeur a eu l'occasion, tout au long de la journée et des séquences, d'évaluer finement, d'apprécier les compétences de ses élèves. Depuis, la mise en œuvre du socle commun des connaissances 2 et le repérage de ces compétences sont particulièrement mis en évidence. Les constats effectués appellent donc un dispositif de soutien et d'approfondissement auquel le PTI participe. Chaque élève sait donc, en rentrant de récréation, qu'il va travailler des points qui lui sont personnels et cela, de manière autonome. Les objectifs et les niveaux ont été préalablement déterminés et établis comme des priorités. Quatre domaines déterminants sont concernés : mathématiques, littérature, étude de la langue ou renforcement méthodologique. Au préalable, l'enseignant, aidé aussi par les conseillers pédagogiques, a, pour ces points fondamentaux, défini des compétences et des savoirs à effectuer et renforcer. L'ensemble se trouve consigné sur une fiche dite "fiche enseignant" qui sert de tableau de référence tout au long des apprentissages. Chacune des compétences est ventilée en trois niveaux (voir annexe). Pour permettre un meilleur suivi des travaux de chacun, le maître dispose d'un récapitulatif par matières, intitulé "groupes de besoins" (voir annexe). C'est ainsi que la compétence "produire un texte" pourra être déclinée en tâches selon des paliers de complexité croissante. On peut en donner la gradation suivante en guise d'exemple. Un élève devra d'abord écrire un haïku ou une charade, puis un compte rendu et une histoire. À chaque fois, les objectifs sont concrets et finalisés. Cela se trouve facilité par le fait que, dans cette classe, écrire s'envisage par rapport à des destinataires et avec les contraintes d'un support concret, le site ou le journal de l'école.

Seul, peut-être, mais dans un cadre

Pour sept semaines donc, après un premier temps d'année consacré à l'évaluation et à l'observation, chaque élève reçoit son plan de travail individuel. Ce sont cinq PTI qui se succéderont après chaque période d'évaluation, contribuant ainsi à imprimer un rythme pour l'année de chacun. Le PTI figure dans chaque carnet de liaison. L'ensemble est repris dans un tableau commun qui sert de cadre à l'enseignant. On y retrouve le tableau des compétences initiales, mais cette fois, il est décliné en tâches précises et les outils à utiliser sont dûment mentionnés et cela, de manière claire et pour chaque enfant. Cela implique que, pour chaque compétence et niveau, l'enseignant ait constitué un ensemble d'activités et de fiches autocorrectives qui constituent autant de cadres de travail. C'est ainsi que tel élève timide qui ne sait pas communiquer à l'oral va devoir préparer, à ce moment, une lecture expressive à la classe. Pour cela, il va trouver des fiches avec des textes poétiques à lire, mais aussi des exercices de diction sous la rubrique "Virelangue" ou des exercices qui incluent le travail sur les liaisons. Mais le cadre fixé ne se contente pas d'assigner une tâche, il inclut et précise les modalités de travail. Le règlement est construit avec la classe et, une fois établi, appliqué à la lettre. Il stipule que l'élève s'engage à ne pas faire appel au maître, à ne pas rester sur la même activité plus de cinq séances, à ne pas regarder la correction en cours d'exercice, à remplir le tableau de planification. Bref, l'engagement est double, au sens où il exige que chacun tienne le sien. L'élève doit prouver qu'il va progresser. L'enseignant se doit de mettre à disposition de chacun des outils adaptés, et se fait le gardien d'un cadre sécurisant. Pour bien marquer le respect mutuel qui préside à ce temps, il existe même une sorte de cahier de doléances du PTI sous la forme d'un panneau de réclamations PTI, en bonne place dans la classe (voir annexe). C'est ainsi qu'il appartient à l'enseignant de construire les conditions de l'autonomie.

Une feuille de route et un univers

Pour que chacun se fasse une représentation de ce qui, concrètement, peut se passer en classe, on peut examiner de plus près l'une ou l'autre séance. Partons d'un constat. R... éprouve des difficultés pour apprendre et utiliser ses tables de multiplication. Par ailleurs, il ne sait toujours pas réaliser des accords dans une phrase simple, oubliant les "s" aux noms pluriels et les "nt" aux verbes conjugués à la troisième personne du pluriel. Son niveau de compréhension de textes est tout à fait correct, mais il est très timide et ne prend que rarement la parole. Enfin, il n'arrive pas à organiser ses classeurs. Voilà donc ses différentes priorités pour l'une des périodes de son plan de travail individuel. Pour améliorer ses méthodes, il lui est assigné le niveau 2 qui consiste à faire le rangement de classeurs avec l'aide d'un élève nommé "contrôleur". En littérature-culture, son plan stipule qu'il devra lire des documentaires afin de réaliser un exposé oral pour la classe sur le thème de son choix. En étude de la langue, il se situe en niveau 1 et il aura à effectuer des exercices qui consisteront à justifier des terminaisons dans un texte. Enfin, en mathématiques, cette période est consacrée à l'apprentissage de tables de multiplication. Pour ce niveau, la révision se fait à l'aide d'un jeu de cartes et il sait qu'à terme, il devra pouvoir répondre en dix secondes. Pour l'aider, l'élève est dans un environnement bien précis, puisqu'il dispose, lui comme les autres, d'un ensemble de fiches autocorrectives et de jeux répartis en classeurs de couleurs, et numérotés (voir annexe). Rouge, méthode, vert, maths, noir, étude de la langue, jaune, littérature / culture. Tous ces classeurs sont librement accessibles. Par ailleurs, les élèves disposent d'un certain nombre d'outils tels dictionnaires et autres manuels. Ils peuvent utiliser des étiquettes diverses pour la manipulation, des fiches de références ou des lexiques... Les déplacements sont autorisés pour se rendre à la bibliothèque de fond de classe. Ils ont aussi accès à du matériel pour réaliser des exposés et éventuellement à un ordinateur de fond de classe. Un tel dispositif repose aussi sur de l'autoévaluation et, pour aider les élèves, des fiches autocorrectrices ponctuent les murs de la classe (voir annexe).


"Bataille navale" au rythmede chacun

Suivons donc R... tout au long de ces sept semaines de PTI et mettons-nous à la place de l'enseignant qui a adopté, pour lui comme pour les autres, une posture d'observation et de recul. Lors de la première séance, R... décide de commencer par ranger ses classeurs. Mais aucun contrôleur n'est disponible pour l'aider. Après dix minutes pendant lesquelles il se "perd" dans ses feuilles mal classées, il abandonne et se dirige vers l'apprentissage des tables. Il se rend à la table de matériel, où se trouvent des cartons vierges, pour réaliser un jeu de cartes à multiplier : là, il retrouve X... qui est de même niveau que lui. Ils décident de travailler ensemble. Ils écrivent les tables et s'interrogent mutuellement. Lors de la deuxième séance, R... reprend son travail avec X... Ils continuent la fabrication de leur jeu et s'interrogent. Ils mettent de côté toutes les cartes qui leur posent problème. À la troisième séance, R... révise, puis se sent prêt à être interrogé sur ses tables. Après trois ou quatre questions, l'enseignant intervient car il a constaté qu'il les sait jusqu'à 6. Il lui propose de se concentrer sur 7, 8 et 9 et le renvoie à des techniques différentes d'apprentissage. Veille, donc, du côté de l'enseignant, mais une veille active ! Enfin à la séance4, un contrôleur est disponible, et R... décide de ranger ses classeurs. Lors de la cinquième séance, l'enseignant constate que presque tous les élèves sont en retard sur leur tableau de marche en ce qui concerne l'étude de la langue. Un coup de barre est donné ; R... va chercher une fiche C3, niveau 1. Il s'agit d'un QCM (questionnaire à choix multiples) sur la justification des terminaisons des mots. Il réussit la fiche. Il va en chercher une seconde. Idem. Il vient voir l'enseignant pour lui dire que c'est "trop facile". Sa compétence niveau 1 se trouve validée et il va pouvoir faire des exercices à trous. À la sixième séance, R... fait une fiche C3, niveau 2. Il y arrive facilement. Pas question de perdre du temps, l'enseignant le suit et l'engage à faire du C3 niveau 3. Lors de corrections avec transpositions, l'élève se trouve cette fois confronté à des exercices qui lui posent problème. Lors de la séance suivante, R... décide d'entamer un exposé sur la Turquie dont sont originaires ses parents. Il va faire une recherche sur internet et commence à réfléchir à son plan. Entre temps, il rapporte des documents de la maison et poursuit son travail. À la séance 9, R... annonce qu'il sera prêt à présenter son exposé la semaine suivante. Pour l'aider, l'enseignant lui délivre les critères d'évaluation d'une bonne présentation orale d'exposé. Le jour suivant, R... présente son exposé et ensuite, il reprend son travail en C3, niveau 3. Si R... achevait et validait son PTI avant la fin des séances imparties, il passerait automatiquement en B3, niveau 3 : cela consisterait, pour lui qui est bon lecteur, à lire des classiques. Mission accomplie pour lui et pour chacun.
Alors, si le PTI nécessite du travail, serait-il néanmoins une panacée ? Certes non ! Au terme de cette expérimentation, des questions se posent : faut-il prévoir des brevets pour évaluer la priorité travaillée de manière plus précise ? Comment gagner en précision dans les progressions ? Tous ces travaux courent le risque de s'émietter dans le temps. Faut-il prévoir un cahier de PTI, au risque de perdre la spécificité du système ?... Autant de questions qui, pour trouver réponse, demandent du temps et des collaborations. Pour l'adulte, comme pour le jeune, le plan de travail est individuel, certes, mais le I du sigle ne gagnerait-il pas à être également synonyme d'interactif ?


1. Meirieu (Philippe), L'école, mode d'emploi, ESF collection pédagogie, 1992, p. 136-137.
2. Décret 2006-830 du 11 juillet 2006.
 
auteur(s) :

C. Riou

contributeur(s) :

O. Blond-Rjewuski, École élémentaire Claude-Monet, REP sud, Angers [49]

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