innovation pédagogique

Actuellement, la recherche documentaire et la formulation des mots-clés sont à réinterroger à la lumière de pratiques numériques nouvelles, celles des digital natives, ce public né avec les outils informatiques. L'usage de ces outils irait-il jusqu'à modifier leurs structures mentales ? Nous sommes confrontés à de nouveaux questionnements qui portent sur la technique, sur la didactique et sur les élèves.

L'utilisation du mot-clé comprend deux moments à distinguer. Le temps de l'analyse de l'énoncé d'abord, pendant lequel il faudra aider l'élève à segmenter son travail : comprendre cet énoncé, chercher à quels domaines de savoir il appartient, puis catégoriser, choisir l'hyperonyme ou l'hyponyme, c'est-à-dire la catégorie de niveau hiérarchique, supérieure ou inférieure. Ensuite, vient le temps de la requête. Il faut alors anticiper le traitement informatique et donc avoir une connaissance suffisante de l'outil. Dans un moteur de recherche, un mot-clé n'est plus un mot-clé au sens posé précédemment, il devient une simple chaîne de caractères. La tendance actuelle à la simplification dans la manipulation de l'outil rend encore plus indispensable un travail critique sur le fonctionnement des moteurs de recherche, car une grande partie de l'opération reste cachée. Contrairement aux apparences, les digital natives ou les "cliqueurs fous" ont une grande méconnaissance technique. De plus, pour développer une culture de l'information, il faut réfléchir à la question : "Qu'est-ce que rechercher ?".

On constate que la masse de documents mis à leur disposition par ces nouveaux médias est sous-exploitée par les élèves. Ils ne les lisent pas. Est-ce dû à des problèmes de lecture ? à un manque de culture générale qui rendrait difficile leur compréhension ? Force est de constater que le document numérique est complexe et sa lecture difficile. Un certain nombre d'éléments sont, en effet, des obstacles à la compréhension de ces ressources et donc à leur exploitation. Les pages internet sont surchargées, l'auteur ne semble pas avoir pensé au lecteur ! La complexité est très grande : textes dispersés, images nombreuses, couleurs... Les marqueurs utilisés ne sont plus les mêmes que sur une page papier ou ont des usages différents. Pour identifier ce que l'on a sous les yeux, la tâche est importante. La lecture tabulaire et fragmentaire n'est pas familière, la barre de défilement trop rapide perturbe le parcours visuel, la navigation par hypertexte est distractive et l'incitation à surfer ailleurs est grande... Trouver l'origine du document pose problème, celle-ci est parfois très discrète ou, au contraire, perturbée par une surcharge d'information (web 2). On peut donc se demander si les TICE sont un outil facilitateur dans le cadre d'un apprentissage. En effet, les problèmes de lecture et de compréhension, accentués avec les outils numériques, empêchent et limitent la recherche documentaire.

Comment retravailler ce besoin d'information de l'élève ? Il faut chercher à clarifier le contrat qui a été passé avec l'élève car, souvent, les attentes et les attendus ont été peu mentionnés, sont trop restés dans l'implicite. La recherche d'information s'inscrit dans un schéma circulaire, l'énoncé est appréhendé en compréhension (champ de connaissance, thématique), en segmentation (mots-clés isolés) mais il doit l'être aussi en intention. La recherche est toujours dictée par un projet d'utilisation de l'information recherchée qui se manifeste souvent par un projet d'écriture, pas toujours formulé. Si la recherche est une réservation pour soi d'abord, avant la restitution pour autrui, quand il cherche, le chercheur est déjà un autre que lui-même. Lire, alors, c'est déjà écrire. "On ne lit vraiment que ce qu'on est capable de réécrire ou de réinscrire dans un autre médium" (Bernard Stiegler). L'information n'est pas recherchée en soi, mais parce qu'elle aura un usage. Les conseils méthodologiques ne suffisent pas, il faut amener l'élève à réfléchir sur cet usage.

L'élève a-t-il besoin d'information ou de discours ? Plutôt que des informations qu'il trouvera toujours, il faut faire chercher à l'élève un discours, c'est-à-dire quelqu'un qui a affronté une situation semblable, qui a été confronté à un même sujet et sur lequel il a produit un discours. Alors, l'élève va s'interroger sur la valeur d'une donnée chiffrée, l'intérêt d'un témoignage, la portée d'un texte de loi... Il réfléchit, problématise et développe son esprit critique. Comment alors examiner une question ? Cinq étapes de travail sont attendues : poser le problème, prouver l'existence du problème, comprendre le problème (causes, conséquences), évoquer les diverses possibilités de résolution trouvées et les limites de ces tentatives et enfin, envisager d'autres possibilités de restitution.

Effectuer une recherche consistera à entrer en communication, à croiser des discours faits par d'autres ou pour d'autres, dans lesquels l'élève s'inscrira. L'information brute, c'est le risque de stéréotypie, on cherchera donc un discours tenu sur le sujet parce qu'il est nécessaire à l'élaboration de son propre discours. On développera le sens critique en construisant une culture de la validation des discours et pas seulement de l'information.