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évaluation et validation

'instauration du socle commun de connaissances et de compétences a pour finalité de définir les contenus d'apprentissage de la scolarité obligatoire et d'améliorer leur maîtrise par les élèves. Cette mission exigeante que la nation a confiée à l'école s'accompagne depuis plusieurs années d'une importante réflexion sur nos pratiques professionnelles (notamment d'enseignement), sur le but et les modalités de l'évaluation, et sur ce que signifie d'"au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun" (selon les termes du décret n°2006-830 du 12 juillet 2006, qui les reprend de la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école ; ces deux textes ne se confondent pas avec le livret personnel de compétences, et doivent servir à lui donner son sens). Il est apparu que notre système devait s'interroger sur la manière dont nous pouvons mesurer les acquis des élèves tout au long et à la fin de leur parcours, et en rendre compte. Deux mots, recouvrant des réalités bien différentes, concernent cette mesure, et sont assez souvent employés l'un pour l'autre : évaluation et validation. Ils méritent, afin de clarifier nos représentations sur cet aspect de nos métiers, et pour pouvoir nous concentrer sur un autre point essentiel, à savoir l'acte d'enseignement (quels contenus d'enseignement, quelles manières d'enseigner ?), qu'on mette en évidence les éléments clefs de leur signification respective. Ce qui est primordial, c'est d'identifier les besoins des élèves pour enseigner, plutôt que d'enseigner pour mesurer des réussites et des lacunes : l'évaluation et la validation doivent devenir pour nous une aide à l'enseignement ; pour les élèves, une aide aux apprentissages, puisque c'est grâce à elles qu'ils peuvent mesurer avec précision ce qu'ils maîtrisent et ce qu'ils ne maîtrisent pas encore. C'est dans cette perspective que se situe la présente contribution.

Évaluation et validation : temps court, temps long ; action collective, action individuelle
L'évaluation est menée par chaque professeur, individuellement, dans le cadre de son enseignement. Elle se fonde sur des critères qu'on s'est appropriés collectivement (le référentiel que constitue le socle commun), d'une planification d'ensemble (priorité qu'on donne, par exemple, à certaines compétences au long d'une période donnée), d'outils ou de situations élaborés par l'équipe. La validation, elle, relève exclusivement de la collégialité, d'un exercice collectif du jugement, d'une décision prise en commun, destinés à objectiver et à harmoniser les appréciations individuelles. Une analogie peut parler : alors que la correction des productions des élèves s'inscrit dans le cadre de l'enseignement dispensé par le professeur, le conseil des maîtres ou le conseil de classe adoptent un point de vue surplombant et global, néanmoins juste et précis. C'est la conjonction nécessaire de la vision de détail et de la vision d'ensemble. C'est aussi la conjonction indispensable de l'action individuelle et de l'action collective : dans le cas de l'évaluation, on procède seul, mais en s'appuyant sur une réflexion d'équipe ; dans le cas de la validation, on procède ensemble, en se fondant sur une série d'appréciations individuelles, de manière à pouvoir prendre en compte la diversité des situations où la compétence de l'élève a pu s'exprimer. Par ailleurs, la validation prend du sens si elle constitue des temps institutionnalisés de bilan (calendrier fixé au sein de l'école ou du collège), focalisés sur l'essentiel ; l'évaluation, qui s'attache aux détails, s'inscrit dans le fil des activités de la classe, de manière pas nécessairement formalisée (afin d'éviter les perturbations liées au stress, par exemple). On peut considérer que l'immense majorité de l'action d'évaluation est menée au sein même de la classe par ses acteurs, et dans la temporalité de la classe, et que la validation n'a pas sa place dans ce cadre.

L'évaluation, partie intégrante de l'acte d'enseignement
L'évaluation vise, dans le cadre de la classe et à court terme, à définir les contenus et les modalités de l'enseignement proposé par le professeur, à partir de l'observation du travail effectif et des productions des élèves. Elle aide à mettre en œuvre la progression qu'il a définie à partir des programmes et du socle commun, à ajuster, moduler et articuler les activités des élèves avec son propre projet didactique, en jouant sur la palette pédagogique dont il dispose. Elle constitue ainsi le premier élément de la différenciation, dans la mesure où elle permet de faire apparaître des groupes de besoins ; différencier consiste à mettre en place des activités destinées à répondre à ces besoins (soit par un étayage différent, soit par le travail de compétences différentes), dans le cadre du projet d'ensemble de la séance. Plusieurs méthodes peuvent être adoptées pour évaluer : l'observation de l'activité des élèves - les procédés qu'ils emploient et les ressources qu'ils maîtrisent ou qui leur manquent - l'analyse de leurs productions. Cette observation et cette analyse sont menées par le professeur, bien évidemment, dont l'expertise garantit la justesse de l'évaluation, mais peuvent l'être aussi par l'élève lui-même ou l'un de ses pairs. Dans ces deux derniers cas, on développe la capacité des élèves à repérer des erreurs et à y remédier, élément important pour la construction de l'autonomie. La description, par l'élève, de la manière dont il procède, des obstacles qu'il lui semble rencontrer, permet souvent de cerner plus finement les causes de la difficulté.

Évaluer et renforcer la maîtrise d'une compétence : réinvestissement et situations complexes
Il n'est pas question d'évaluer en permanence tous les élèves sur toutes les compétences (l'intérêt d'une planification apparaît ici, à partir des priorités définies collectivement, de celles que l'on se fixe dans le cadre de sa progression, et de celles qu'on identifie selon les groupes d'élèves) : on évalue pour enseigner, non pas l'inverse. Le repérage des besoins des élèves s'affine et gagne en sérénité si l'on se donne quelques séances ou quelques semaines pour y procéder, et prend en compte la manifestation de la compétence dans des situations diverses. Deux critères sont essentiels pour considérer qu'une compétence est maîtrisée : sa stabilité dans le temps et le fait qu'elle soit transférée dans différents contextes où elle peut servir ; ces deux critères imposent, dans les activités proposées aux élèves, de créer les conditions du réinvestissement des compétences, d'une part, et d'être conscient des différentes compétences à mettre en œuvre, d'autre part. Une situation est dite complexe si elle requiert, pour la traiter, des compétences d'ordres divers (par exemple, compréhension d'informations, traitement et hiérarchisation de ces informations, recours à des connaissances disciplinaires ou autres, à un mode de raisonnement, à un modus operandi pour s'exprimer ou réaliser la tâche attendue). Pour effectuer ce repérage, certains professeurs emploient des grilles croisant la liste des élèves et les compétences visées sur la période ; d'autres préfèrent user de tableaux où ils inscrivent le nom des élèves ayant besoin d'approfondir la maîtrise de telle compétence ; l'important, effectivement, est de disposer d'un document, une sorte de carnet de bord qui permette d'enregistrer, pour soi, les points sur lesquels faire porter les efforts des élèves, par conséquent les points à intégrer aux activités mises en place dans la classe.

La validation, analyse collégiale et distanciée par rapport aux enseignements

La validation, quant à elle, s'inscrit dans une vision d'ensemble (bilan après une période longue, comme un trimestre, par exemple, et regard collectif porté par l'équipe). Elle se fonde sur l'évaluation menée par chaque professeur dans la classe, de manière à croiser, nuancer et confirmer les opinions individuelles. En ce qui concerne le palier 3, il importe, pour aboutir à une validation effective et complète du socle commun en fin de scolarité obligatoire, de planifier ce travail en le commençant dès le cycle central, ainsi qu'y invite la circulaire du 18 juin 2010 (BOEN n°27 du 8 juillet 2010). Cela offre l'avantage de pouvoir corréler plus aisément acquisition du socle commun et programmes disciplinaires en 5e et en 4e, dans la mesure où le niveau attendu de maîtrise pour le socle commun n'est assurément pas celui de la classe de 3e. Lors des réunions au cours desquelles on procède à la validation (concertation de cycle, conseil des maîtres, conseil de classe, réunion de l'équipe pédagogique ou éducative...), s'arrêter sur chaque élève, et pour chacun d'eux, sur le détail des items maîtrisés, paraît assurément fastidieux et vain. Pour ceux qui ne peinent pas, la validation peut être assez rapide, mais impose de prendre soin de s'attarder, néanmoins, sur les compétences que nous avons parfois du mal à développer, comme celles qui ressortissent à l'autonomie et à l'initiative. Le livret personnel de compétences (LPC), renseigné en conseil des maîtres à l'école primaire ou après consultation de l'équipe pédagogique ou éducative au niveau du collège, vise à faire connaître régulièrement à l'élève et à la famille l'état d'avancement de l'acquisition du socle commun pour chacun. Cela implique, dans la mesure où il n'est envoyé aux familles qu'en fin de collège, de choisir collectivement le meilleur moyen de communiquer avec elles sur ce sujet : faut-il faire apparaître l'ensemble des compétences du socle commun, y compris celles qui ne sont pas acquises ? seulement celles qui sont acquises ? celles qui sont acquises et les priorités retenues pour la période suivante ? Le LPC vise aussi, toujours de manière à renforcer la constance et la cohérence de l'action mise en place, à informer rapidement et précisément l'établissement d'accueil - selon un référentiel commun à l'ensemble de la scolarité obligatoire - lorsque l'élève quitte l'école ou le collège.

Des compétences non validées invitent à la définition d'une action commune
Se consulter, au sein de l'équipe éducative, sur la validation des compétences, sert aussi à définir les axes à suivre en commun, pour une classe donnée (si telle compétence est massivement non validée), ou pour les élèves qui peinent le plus à acquérir des compétences clefs. Lorsque l'on est amené à ne pas valider certaines compétences, certains domaines (la question de la validation à proprement parler des items paraît plus accessoire ; en revanche, ils peuvent servir dans le cadre de l'évaluation et de l'enseignement), l'équipe pédagogique gagne à définir un projet collectif visant à ce que les élèves concernés puissent bénéficier d'un accompagnement cohérent et stable afin de remédier à leurs difficultés grâce aux différents enseignements. Il est essentiel d'analyser finement la situation de ces élèves pour proposer des solutions d'accompagnement qui soient pertinentes, adaptées aux besoins des élèves. Une analyse qui part de la compétence (peut-on ou non considérer qu'elle est maîtrisée ?), qui se précise en se penchant sur les domaines si la compétence ne semble pas, objectivement, maîtrisée (où résident les difficultés, quels sont le ou les domaines fragiles ?), peut aboutir à une idée claire et opérante, fondée sur le ou les items en cause et les actions à mettre en place collectivement. Ce projet peut prendre la forme d'un PPRE, éventuellement (sans, bien sûr, qu'il faille attendre de ne pouvoir valider certaines compétences pour le décider) ; ce PPRE, instrument d'une action concertée et impliquant plusieurs acteurs, sert à indiquer le rôle individuel des professeurs dans l'action définie en commun ; le recours à des dispositifs extérieurs au cadre ordinaire de la classe (heures dédiées à l'accompagnement par petits groupes) peut être utile lorsque, notamment, il s'agit de restaurer le lien de l'élève avec l'école, ou de renforcer la confiance qu'il a en lui-même, l'estime qu'il a pour lui-même. Mais l'essentiel de l'action définie prend place dans le cadre ordinaire des enseignements.

Conclusion : les enseignements et les apprentissages, finalités de l'évaluation
La validation constitue donc un temps de bilan plus formalisé - document unique, national : le LPC - qui implique l'ensemble d'une équipe pédagogique, et s'inscrit dans un temps plus long, celui du parcours de l'élève au long de sa scolarité obligatoire. L'évaluation, en prise directe avec le travail d'acquisition des compétences, gagne à indiquer à l'élève ce que ses efforts conjoints à ceux de son professeur lui ont permis de maîtriser, et ce sur quoi ces efforts doivent prioritairement porter dans un avenir immédiat. Ainsi, le socle commun est bien à concevoir comme un référentiel destiné à accompagner un repérage minutieux, précoce, concerté et explicite des difficultés rencontrées par les élèves, de manière à pouvoir y répondre avec précision, cohérence et constance, et donc accroître nos chances de limiter les situations durables, voire définitives, d'échec ou de grande fragilité scolaires pour conjurer les déterminismes. La démarche par compétences, qu'il induit nécessairement, sert aussi ceux des élèves qui ne rencontrent pas de difficultés, ou en rencontrent peu, et à qui, grâce à la différenciation, il devient plus aisé de proposer des apprentissages correspondant à leur potentiel, toujours dans le cadre d'un projet pour la classe. Là réside l'articulation entre la prise en compte des besoins des élèves avec les programmes disciplinaires, et là retrouve son sens la notion de scolarité obligatoire.



Pierre Pilard inspecteur de lettres
 

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