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involve me and I'll understand

mis à jour le 30/09/2010


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Motiver l'élève, c'est d'abord tout mettre en œuvre pour éviter sa démotivation ! Pédagogies de la réussite et du soutien se conçoivent alors comme des moyens d'action préventifs. Quant à la pratique de classe, elle pourrait se résumer ainsi : pour être motivant, l'apprentissage d'une langue étrangère doit se vivre, et non se subir, dans une mise en jeu de tout le corps. Échanger se fait l'écho d'une expérience venue d'ailleurs qui ne manque pas d'intérêt.

mots clés : motiver les élèves, motivation, langues étrangères, apprentissage des langues


"Tell me and I'll forget. Show me and I may remember. Involve me and I'll understand." 1

On peut être une jeune enseignante et avoir déjà une riche expérience derrière soi. C'est le cas d'Anne-Sophie Musset. Munie de sa maîtrise, elle est partie en Grande-Bretagne et a postulé pour y enseigner. Après une année de formation, elle a exercé six années auprès de collégiens qu'elle a initiés au français et à l'espagnol, dans un établissement accueillant essentiellement des jeunes en difficulté. Après un détour par le métier d'hôtesse de l'air, elle est rentrée en France et a suivi la formation au capes d'anglais, qu'elle a obtenu. La voilà donc professeure stagiaire au lycée Léonard-de-Vinci à Montaigu. Quand on enseigne une langue étrangère à des jeunes en difficulté qui, pour la plupart, ne poursuivront pas de longues études, on se pose inévitablement la question de savoir comment les impliquer.

Pas de motivation sans estime de soi

Aussi bien dans le cadre de sa formation que dans les pratiques pédagogiques de l'équipe avec laquelle elle a travaillé, Anne-Sophie Musset l'a constaté : la question de la motivation est au cœur de l'enseignement. Et la première condition pour qu'un élève soit motivé tient à la qualité de l'image qu'il a de lui-même et de l'école. Comment attendre qu'un élève soit motivé quand il est persuadé qu'il ne vaut rien ? L'estime de soi fait donc l'objet d'une attention toute particulière qui se matérialise concrètement au quotidien. Cette pédagogie de la réussite consiste à valoriser constamment ce qui est bien. Dans chaque acte, on cherche toujours à mettre en relief les éléments positifs. Il ne s'agit pas d'ignorer ce qui ne va pas, mais de le mettre en regard des efforts ou des progrès qui ont été accomplis, dans un second temps. L'éternelle histoire de la demi-bouteille, vide ou pleine, adaptée à la pédagogie : on félicitera les élèves qui respectent la règle, on ne se contentera pas de sanctionner ceux qui l'enfreignent. Dans une classe qui tarde à se mettre au travail, l'enseignant soulignera que cinq élèves sont déjà prêts à l'ouvrage, par exemple. Dans toute évaluation, on fait apparaître les efforts accomplis à côté des résultats purement disciplinaires. Autre exemple très anglo-saxon, qui peut étonner les mentalités françaises : le tableau d'excellence. Tous les vendredis, chaque enseignant sélectionne deux élèves : un pour les efforts accomplis et l'autre pour les résultats obtenus. Leurs noms sont affichés toute la semaine sur le grand panneau orné de coupes et autres couronnes de laurier. La fréquence de rotation permet à tous d'apparaître sur le tableau au cours de l'année. Dans le même ordre d'idées, les murs sont couverts des travaux réalisés par les élèves. Mettre en valeur ce qui est fait est une manière de valoriser l'élève et ce qu'il produit dans le cadre scolaire. Tous les moyens sont bons pour encourager, valoriser l'effort et l'investissement, souligner les progrès... et donner envie de poursuivre dans cette direction motivante.

Car l'injonction ne suffit pas

Le second moyen de motiver les élèves est de ne pas les laisser sans aide dans la difficulté, abandonnés à eux-mêmes dans un combat qu'ils perçoivent alors comme perdu d'avance. Ce qui demande en amont la mise en place d'un réel diagnostic. Tous les élèves passent des tests, les dossiers élaborés en primaire sont également une source d'informations qui permet de déceler tôt les difficultés. Les établissements disposent pour ce faire d'une "unité spéciale" 2. Dans celui où enseignait Anne-Sophie Musset, une vingtaine d'assistants, les Teaching assistants, prenaient en charge de manière suivie et conséquente une quarantaine d'élèves sur un total de huit cents. Les problèmes sont variés et concernent la moitié des collégiens, allant de difficultés d'apprentissage, comme la dyslexie, aux troubles du comportement parfois liés à des situations sociales et familiales douloureuses, en passant par des handicaps. Certains élèves sont ainsi accompagnés en cours par un assistant qui les aide à s'organiser, à ranger les documents, à noter ce qu'il faut faire... L'unité spéciale informe les enseignants des problèmes des élèves et les forme sur les conduites à adopter suivant les cas. Les équipes pédagogiques mettent également en œuvre une procédure de suivi et de soutien pour les élèves le plus en difficulté. Pour ce qui est des cours, ces élèves travaillent dans des groupes à petits effectifs. Ces groupes de niveaux changent d'une discipline à l'autre et peuvent ainsi aller d'une petite dizaine à une trentaine d'élèves. La pédagogie est alors adaptée et on ne demande pas la même chose à tous. Certains n'iront pas très loin dans leurs études, mais l'essentiel est qu'ils aient progressé durant leur scolarité. Le lien avec la motivation ? Il est évident : ces élèves en difficulté ne pourraient pas être motivés par l'école sans cet accompagnement individualisé, sans cette adaptation de ce qui leur est demandé à ce qu'ils sont capables d'accomplir. Cette pédagogie conçue en termes de tâches, et qui prend en compte les efforts et pas seulement les résultats, entre pleinement dans l'optique du Cadre européen commun de références pour les langues. On n'est pas dans un mythe de l'élève et de la langue idéaux, mais dans une démarche pragmatique dont le but est ici de mener chacun selon ses possibilités au mieux de ce qu'il peut faire.

La jupe de David Beckham

Il suffit parfois de peu de choses pour tout changer. Apprendre les noms des vêtements et pratiquer la description physique peuvent se transformer en un jeu passionnant. Un grand poster du footballeur adulé de tous ces jeunes collégiens (uniquement des garçons), des vêtements divers sur transparents de rétroprojecteur et le tour est joué. L'enseignante, puis un élève, proposent les vêtements tandis qu'un autre passe à l'action : et voilà notre footballeur vêtu d'une superbe jupe rouge. Ou bien la classe se transforme en défilé de mode. Les tables deviennent podium, une musique accompagne les mannequins tandis qu'un élève joue le rôle du commentateur : John est habillé d'un pantalon noir, d'un chapeau vert et d'une robe bleue. Chaque élève a apporté une garde-robe, la plus farfelue possible, et chacun joue le mannequin à tour de rôle. Les adolescents se prêtent volontiers aux jeux. Le pluriel s'impose car ces deux situations ne sont que des exemples parmi d'autres d'une démarche largement pratiquée. Les enseignants de l'établissement où travaillait Anne-Sophie Musset pratiquent de longue date le travail en équipe. Une aide précieuse, quand on arrive, note-t-elle. Progressions et activités pédagogiques sont mutualisées et le stock de matériel et de fiches pédagogiques s'enrichit chaque année. Les supports sont en effet très variés. Les jeux de société sont souvent utilisés : dés, pions, jeux de l'oie, Uno... Certaines séances reprennent la règle initiale : le Uno permet par exemple de pratiquer les couleurs et les chiffres. D'autres l'adaptent : pour avancer d'une case au jeu de l'oie, il faut répondre à une question ou accomplir une "épreuve" en lien avec les notions du moment. Ce ne sont pas les possibilités qui manquent, il suffit juste d'un peu d'imagination.

C'est avec le corps qu'on apprend

L'approche kinesthésique de la langue (la kinesthésie est l'ensemble des sensations relatives aux mouvements du corps) est au cœur de la pratique de l'équipe comme de celle de la jeune enseignante. L'apprentissage passe par le corps. Les exemples d'activités ne manquent pas, qui illustrent une assimilation ne sollicitant pas uniquement le cerveau et la langue. Avec les plus jeunes, les chiffres sont associés à un geste pour favoriser cette appropriation corporelle : le un est associé au geste d'un ballon qui arrive dans l'estomac, le deux correspond au geste d'une sirène qui tourne, le trois au tigre qui rugit... Autre exemple : à la manière du "chaud-froid", les élèves répètent le mot correspondant à ce qui est dessiné sur une Flashcard cachée dans la classe. Pour aider l'élève qui doit la trouver, les autres répètent fort (quand il brûle) ou moins fort (quand il refroidit) le mot en question. Ou alors, on joue sur les modulations d'une phrase ou d'un texte. Les élèves, devenus un chœur pour l'occasion, le disent en respectant les consignes de l'enseignante, en criant, en chuchotant, en chantant... La balle permet également de mettre en jeu tout le corps. Symbole de la parole, elle se passe dans la classe d'un élève à l'autre : le premier pose une question à un camarade à qui il envoie la balle pour identifier le destinataire. Les objets sont souvent sollicités. "Le premier matériel pédagogique, c'est la valise", fait remarquer avec humour notre enseignante. La valise, caverne d'Ali Baba portative, cache un objet qu'il faut deviner en posant des questions auxquelles la professeure ne répondra que par oui ou non. Elle recueille les différents objets dont on va apprendre le nom, avant de les toucher, les manipuler, jouer avec une petite saynète... "On s'amuse beaucoup", répète à plusieurs reprises Anne-Sophie Musset, et on veut bien la croire.

"Je est un autre", ça aide

On est bien loin, on le voit, d'une situation de cours classique, avec des élèves passivement assis sur leur chaise face à un enseignant figé derrière son bureau. On est bien proche, souvent, de situations pratiquées en théâtre 3. Le théâtre est d'ailleurs une discipline à part entière, le drama, pratiqué par tous les élèves. Certains des cours de langue ont lieu dans la salle dédiée au théâtre. Même dans la classe, on bouge, on se déplace, on joue. Anne-Sophie Musset a toujours des marionnettes et un castelet dans sa salle. Les dialogues joués prennent une autre dimension, plus vivante, plus ludique, plus libre. La parole est facilitée par le fait que ce n'est pas l'élève qui s'exprime, le personnage libère par le fait même qu'il masque. Ces avantages sont par ailleurs largement utilisés dans des situations théâtralisées. Aujourd'hui en lycée, l'enseignante les utilise toujours, en les adaptant. Ainsi, ses élèves de première, en classe entière, ont préparé et joué des scènes dans le cadre d'une séquence sur le handicap. En binômes, ils présentent un entretien entre un employeur et un candidat handicapé. Différentes personnalités avaient été définies au préalable. L'employeur pouvait être condescendant, nerveux, compréhensif, humain, faux... Quant au candidat, il pouvait être motivé ou non, fier, sympathique, etc. Dans ce type d'activités, l'exigence n'est pas la perfection de la langue, mais son intelligibilité. L'erreur est acceptée, sa correction intervient dans un second temps par une reprise collective effectuée par l'enseignante. Tout est mis en œuvre pour libérer la parole, et au-delà, le rapport à la langue. Comment être motivé pour s'exprimer si l'on est bloqué par la peur de la faute ?

Un acte de libération

Pour éviter cette appréhension inhibitrice de la langue étrangère, l'enseignante utilise toutes les occasions pour construire l'autonomie de ses élèves, en particulier par la délégation des tâches. L'élève prend la place du professeur. Avec des petits, la comédie fonctionne bien : aujourd'hui, la professeure est fatiguée, qui veut bien procéder à l'appel ? Ou bien elle a très mal au bras, qui veut bien écrire au tableau ?... Peu à peu, ce sont les élèves eux-mêmes qui demandent à accomplir ces tâches. Autant d'occasions d'acquérir et de pratiquer des structures syntaxiques diverses. Donner envie d'être et d'apprendre ensemble, c'est le leitmotiv de la pratique d'Anne-Sophie Musset et de ses collègues britanniques. Chaque année, un marché est organisé. Les élèves disposent d'un argent fictif et doivent aller faire leurs emplettes eux-mêmes aux stands tenus par les professeurs (croissants et autres fromages bien français à l'étalage !). Les exemples sont nombreux : révisions des notions, qui deviennent un jeu par équipe, chansons inventées, visite de la British Airways avec saynètes jouées en costumes de stewards dans un véritable avion mis à disposition des groupes... autant d'activités qui, toutes, engagent tout l'individu, corps et verbe, dans des situations où l'action et le jeu motivent l'apprentissage. Il s'agit de libérer l'expression par une pratique qui valorise et suscite une adhésion la plus libre possible. Un choix est, par exemple, souvent laissé aux élèves, entre deux activités possibles.

La reconnaissance de la valeur de l'individu

Chaque élève a des qualités, encore faut-il qu'elles aient la place de s'exprimer et soient reconnues. D'où l'importance de la reconnaissance de l'effort, les situations qui laissent s'épanouir la créativité et l'imagination. La valeur d'un élève ne peut se réduire à une note. Le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) va en ce sens par la pédagogie de la tâche qui est prônée, la reconnaissance de l'effort et une évaluation qui définit un niveau par critères. L'élève peut alors apprendre avec le plaisir de faire : est motivé celui qui s'implique dans l'apprentissage, pas celui qui le subit contre son gré. Beaucoup de ces collégiens ne deviendront pas de grands linguistes, et alors ? Tout est fait pour que l'apprentissage ne soit pas vécu comme une contrainte fastidieuse et dévalorisante. Dans ces cours de langue, sans rien perdre des exigences disciplinaires, tout est fait pour que les élèves passent un bon moment, pour qu'ils viennent avec le plaisir et l'envie d'apprendre. Une bonne définition de la motivation.

1. Traduction anglaise d'un proverbe chinois. "Dis-moi, et j'oublierai. Montre-moi, et je me souviendrai. Implique-moi, et je comprendrai."
2. Les assistants qui composent ces unités spéciales ne sont pas des enseignants, ils n'appartiennent pas non plus aux professions médicales ou paramédicales. Recrutés par l'établissement, ils suivent une formation sur le terrain, assez proche de celle des éducateurs spécialisées.
3. On pourra se reporter à deux numéros d'Échanger : le numéro78, "(Se) mettre en jeu", et le hors série n° 4, "Des langues bien vivantes".
 
auteur(s) :

D. Grégoire

contributeur(s) :

A.-S. Musset, lycée Léonard-de-Vinci, Montaigu [85]

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