Les deux classes concernées par cette première année sont les secondes BEP (brevet d'études professionnelles) commerce (Éric Vrignon) et électrotechnique (Sylvie Marquer). Chaque enseignant se saisit comme il l'entend des matériaux fournis tout en s'inscrivant dans le cahier des charges du projet Télémaques. Le premier critère est paradoxalement... de ne rien faire ! Pas évident pour un enseignant, note Éric Vrignon, on a tendance à culpabiliser, à se dire qu'on doit accompagner les élèves. Le jour de la première projection de
Danse avec un tueur en série, il avait préparé un petit questionnaire pour guider le visionnement, autant à des fins pédagogiques que par acquis de conscience. Et puis, au dernier moment, il ne l'a pas photocopié. Les élèves découvrent donc le film, sans aucun commentaire préalable. Les réactions sont d'autant plus vives. On n'est pas dans le cadre d'un exercice scolaire, on regarde ensemble un film, comme on le ferait chez soi, sans arrière-pensées. Il faut dire que le sujet du documentaire est particulièrement porteur. Le débat est animé, et les commentaires concernent le fond. Rien sur la forme. L'enseignant reste en retrait : il canalise les prises de parole et prend en note ce qui se dit. Le but de cette
éducation aux écrans est de mettre les élèves en position de réfléchir par eux-mêmes, et non d'orienter leur analyse dans le sens prévu par l'enseignant, aussi noble soit-il. Ce qui frappe le plus les élèves, c'est que les assassins sont parmi nous ! Ils sont effarés et fascinés de voir que la monstruosité est présente chez un homme ordinaire qui mène une vie commune, dans un monde qui est celui de tous les jours, le leur. Ils peuvent croiser des individus de cet acabit tous les jours... On est loin de l'image finalement rassurante du tueur des fictions américaines, trop évidemment méchant, qui évolue dans un univers qui n'est pas celui de leur vie réelle. L'homme les interpelle : entre horreur et compassion, ils peinent dans un premier temps à analyser ce qu'ils ressentent. La question de la frontière entre le monstre et l'humain est concrètement posée, ainsi que celle des valeurs morales. La réflexion sera ensuite approfondie en cours, nous ne développons pas ici les activités mises en place, aussi importantes que celles consacrées à l'éducation aux écrans qui font l'objet de cette analyse.
