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la Discipline Positive® dans la salle de classe

D’abord, une expérience à vivre

Stéphanie Douet refuse tout dogmatisme. Pas de “prêt à éduquer”, mais des outils, des expériences puis une lecture adlérienne ensuite, pour décider de la manière dont il faut agir.

Le cycle adlérien invite à théoriser sa pensée en cherchant à identifier d’abord son ressenti et définir ensuite son besoin émotionnel, sa croyance cachée : “Faire des ateliers avec les élèves les incite à réfléchir et le professeur à prendre conscience de son positionnement avec eux. En Discipline Positive®, on développe la capacité à mieux lire, à mieux décrypter les émotions et à s’en servir comme d’un GPS.”

Les outils aident. Ils permettent de donner un cadre, de répondre à des objectifs visés, mais rien n’empêche la personne qui le souhaite de rester libre de toute créativité. Car la Discipline Positive®, c’est d’abord “une approche psychoéducative” et non pas des “fiches toutes prêtes” qu’il faut “suivre à la lettre”. Il s’agit bien d’être “AVISÉ”1 (Acteur, Valorisé, Impliqué, Sécurisé, Écouté).


Allier temps scolaire et temps de Discipline Positive®

“La Discipline Positive® est une philosophie selon laquelle ce que ressent et pense l’enfant non seulement est important, mais doit être accueilli, pris en compte et intégré dans la construction classique d’une journée scolaire afin que l’apprentissage ait un sens.”2

Le programme de Discipline Positive® est un travail sur le long terme. Pour parvenir à la compétence finale – la maîtrise du temps d’échange en classe – il faudrait 16 séances en tout. Cette activité de temps d’échange en classe correspond en quelque sorte au conseil coopératif dont l’objectif consiste à apporter plus de démocratie à l’intérieur de la classe et à apprendre aux élèves à s’autoréguler, à s’autogérer. Mais le temps scolaire ne le permettant pas en lycée professionnel, Stéphanie Douet s’adapte et intègre sa pratique au quotidien sur des temps forts ou bien l’utilise comme outil de gestion et de suivi des élèves.

Pendant la semaine d’intégration des nouveaux entrants par exemple, l’enseignante met en place des ateliers d’interconnaissances pendant quinze jours : “Prendre le temps de créer ce lien dès le départ, faire connaissance avec eux d’une autre manière, c’est important. Les ateliers leur permettent de s’ouvrir les uns aux autres et j’ai tendance à dire qu’ils renforcent la cohésion de groupe. Le climat de classe s’en trouve souvent bonifié depuis que je les ai mis en place il y a quelques années.” Ses élèves semblent apprécier cette démarche. Au conseil de classe par exemple, les élèves de CAP ont témoigné de leur bonne cohésion de groupe et de leur soutien envers chacun.

Par le passé aussi, des ateliers de Discipline Positive® avaient été mis en place en co-intervention. Mais le manque de récurrence (cours quinzaine) a empêché l’efficience réelle du programme : les élèves ainsi que son collègue aimaient participer aux ateliers mais peinaient à y trouver un sens général.

L’enseignante propose aussi des activités de Discipline Positive® pendant ses séances d’enseignement moral et civique : la question citoyenne, thématique du programme étant un objectif commun à elles deux : “L’Éducation nationale se rend compte que les élèves ont besoin d’acquérir ce type de compétences. Mais je suis vigilante. Je ne peux pas tout miser sur les compétences psychosociales et oublier le programme.”

Dans son établissement, c’est en toute humilité que Stéphanie Douet pratique la Discipline Positive®: “Je ne veux pas être modélisante.” Sans chercher à l’imposer aux autres, elle en parle à qui souhaite s’y intéresser. C’est pour cette raison que la Discipline Positive® ne fait pas partie du projet d’établissement.


Des ateliers pour apprendre à savoir être ensemble 

Travailler l’interconnaissances pendant les semaines d’intégration

Un peu à la manière du blason ou bien du portrait chinois, l’activité du tee-shirt en Discipline Positive® par exemple a pour objectif de favoriser l’interconnaissance des élèves pendant les semaines d’intégration. Au cours d’un atelier, ils remplissent des données qui les caractérisent – leurs prénoms, les villes d’où ils viennent, leur goûts par exemple – puis le temps d’un échange apprennent chacun à en savoir plus sur la personnalité de l’autre. Cela leur permet de vivre un moment ensemble différent d’une séance traditionnelle de cours et “cela n’enlève rien au rapport d’autorité et au respect que j’entretiens avec eux. J’en savais plus sur les élèves en une semaine que d’autres collègues en plusieurs mois.” C’est bien cela le cœur de la Discipline Positive®, réussir à créer un lien de qualité entre les élèves et un lien de confiance avec le professeur : “Il faut laisser parler la créativité de chacun. Je suis sûre que des tas de collègues font déjà des activités de Discipline Positive® sans le savoir. Cela nous permet d’actionner des outils en classe et d’être plus créatif. Mais la Discipline Positive® m’a permis de cadrer des activités que je faisais de manière plus saupoudrée. J’ai cette vision plus claire maintenant du pourquoi et du comment je le fais.”


Travailler l’empathie sur des temps forts comme la nouvelle année

Stéphanie Douet pratique un atelier de Discipline Positive® à chaque retour de vacances pour aider l’élève à se raccrocher à l’école et à son quotidien. Pour la reprise de janvier par exemple, l’enseignante a consacré une séance à la tradition des vœux. D’abord, les élèves ont fait des recherches afin de savoir d’où venait cette pratique ancestrale. L’intérêt était triple : revoir les grandes périodes historiques, pratiquer la géographie en cherchant les pays où la nouvelle année était fêtée, identifier les coutumes culturelles de différentes civilisations en enseignement moral et civique.

Puis, pour aller plus loin dans la démarche, et l’inscrire dans l’esprit de la Discipline Positive®, Stéphanie Douet a proposé à ses élèves de réfléchir à une production autour du thème des vœux. Cadre et fermeté car la production était imposée par elle avec une contrainte supplémentaire, c’est qu’elle devait être partagée avec la communauté éducative du lycée. Bienveillance et encouragement car l’enseignante était ouverte à toutes les propositions des jeunes. Ces activités ont permis de travailler sur le sentiment d’appartenance et le sentiment de contribution, d’efficacité personnelle : je suis capable et je suis utile pour ma communauté.

L’une des classes d’ATMFC (Assistant technique en milieu familial et collectif) qui était en cuisine et en service au restaurant pédagogique le lendemain, a décidé de rédiger des messages - paix, bonheur, santé - pour leurs clients, les personnels de l’établissement, sous la forme de cartes de vœux déposées sur des chevalets disposés eux-mêmes sur les tables. Ils ont ainsi appris à développer leur capacité à communiquer et à faire preuve d’empathie, de coopération pour autrui. Ce sont des compétences psychosociales. L’effet a été immédiat explique Stéphanie Douet. Les élèves étaient fiers de leur table. Ils ont reçu de leurs convives le plein de remarques positives : développement du sentiment d’être capable, « ce sont les petits pas qui comptent en Discipline Positive® ».



Une autre classe qui a suivi la même séance, les CAP MBC (Maintenance de Bâtiments de Collectivité) ont choisi eux de tourner une vidéo partagée à l’ensemble de la communauté éducative via Pronote et mise en ligne sur la chaîne YouTube de l’établissement.


Stéphanie Douet ajoute : “Beaucoup d’enseignants font de la Discipline Positive® sans le savoir mais le fait d’agir de façon consciente et intentionnelle en renforce la fréquence et l’efficience. Cela passe par des petites activités sans aucune prétention mais c’est efficace.” Certes, l’enseignante admet que cela nécessite de prendre du temps sur celui des apprentissages académiques mais cela participe au renforcement des compétences psychosociales, vecteur du sentiment de bien-être à l’école et de motivation : “C’était agréable de les voir avec le sourire, contents d'eux, de voir leurs yeux briller quand quelqu'un leur faisait des compliments.“

Les élèves en parlent : ils se sentent davantage liés et connectés avec leurs pairs, plus ouverts aux autres et sont conscients du cadre et de l’accompagnement que la communauté éducative met en place pour eux depuis qu’ils pratiquent en classe des ateliers de Discipline Positive®.


Impliquer et encadrer les élèves pendant les sorties scolaires

Pour aider les élèves à apprendre à coopérer et mieux contribuer en classe, l’enseignante propose un cadre ferme, si possible co-construit : “On revient au mot discipline. Le cadre est nécessaire, structurant et rassurant pour le développement de l’être-humain.”

Un cadre ferme, ce n’est pas empêcher l’élève de s’exprimer ni même de s’interroger, au contraire. C’est lui donner des repères pour qu’il soit libre dans une contrainte : libre d’agir, libre de ressentir, libre de penser. Par exemple, lorsque l’enseignante organise une sortie pédagogique au musée, elle commence toujours par questionner ses élèves sur les stratégies à adopter pour que celle-ci se passe le mieux possible. Elle les invite en quelque sorte à un temps de préparation psychologique où ils ont la possibilité de se projeter afin d’identifier leurs limites, leurs droits et les comportements attendus. En quelque sorte, elle les aide à se responsabiliser, à s’autoréguler, à coopérer dans le groupe et à se respecter les uns et les autres afin que le climat de travail soit serein et accepté par tous : “On liste d’abord ce dont ils ont besoin pour se sentir bien. Parfois, les demandes sont toutes bêtes : ils m’interrogent sur la possibilité de fumer une cigarette sur le trajet. On regarde alors ensemble ce qu’en dit le règlement. Ensuite, on liste ce dont la classe a besoin du point de vue matériel, puis ce que chacun veut avoir comme responsabilités, s’ils souhaitent être en charge des photographies de la visite pour le blog, ou bien s’ils veulent prendre des notes, poser des questions aux intervenants, faire l’appel, ramasser les questionnaires à la fin de la visite. C’est vrai, ce fonctionnement prend un peu de temps. Il ne suffit pas de dire simplement rendez-vous à telle heure, tel endroit. Mais c’est une séance qui permet de baliser la sortie et de donner du sens au rôle de l’élève. À chaque fois, ils s’investissent.”


Faire de l’erreur, une opportunité d’apprentissage

Un enfant qui a un comportement inapproprié est souvent un enfant découragé » explique Jane Nelsen, thérapeute et fondatrice de la Discipline Positive®. Selon elle, l’erreur doit être une “opportunité pour apprendre”. L’être humain a besoin de prendre conscience de ses besoins pour contribuer et réussir à vivre mieux avec autrui. Mais au lieu de chercher les causes d’un comportement inapproprié, il est question dans la Discipline Positive® de comprendre les buts qui sous-tendent ces comportements. Ce sont ce qu’on appelle les croyances cachées. Sur fond de théorie Adlérienne, Jane Nelsen et Lynn Lott ont alors mis au point un outil d’analyse des buts cachés et des fausses croyances de l’élève qui s’expliquent à partir des ressentis de l’enseignant : c’est la Grille d’identification des buts cachés (GIB).

Pour expliquer et analyser un comportement inapproprié, il faut d’abord commencer par suivre le cycle adlérien : l’expérience, la pensée, la fausse croyance, le nouveau comportement. Stéphanie Douet prend un exemple : un élève introverti fait une blague en classe. Le groupe se met à rire. L’expérience de cet élève lui fait penser que s’il poursuit ces blagues en classe, alors les autres élèves continueront à le considérer. Il se sent exister. Il se sent bien. C’est son interprétation. Se forge alors sa fausse croyance : pour se sentir bien et se sentir valorisé, il faut prolonger cette attitude.

La Grille d’identification des buts cachés a pour objectif d’aider l’enseignant dans la compréhension des fausses croyances que cet élève s’est construit. Elle lui donne des pistes pour agir et mieux comprendre “l’objectif mirage” : “Toutes les heures de retenues peuvent être appliquées, si on n’identifie pas, ce qu’on appelle en Discipline Positive®, la partie immergée de l’iceberg, alors il n’y a aucune raison que la partie émergée, autrement dit le comportement inapproprié, fonde.”

La méthode est simple : pour agir face à un comportement récurrent et inapproprié d’un élève, l’enseignant commence par identifier son ressenti (colonne 2) puis l’associe avec le comportement de l’élève (colonne 1). Il analyse ensuite sa réaction (colonne 3) et celle de l’élève (colonne 4). Est nommée ensuite la fausse croyance en jeu (colonne 5) : c’est la partie immergée de l’Iceberg. Pour y remédier, des outils de prévention et d’action sont proposés selon les hypothèses émises (colonne 6 et 7). Et une fois l’objectif mirage nommé (colonne 8), l’enseignant peut s’inspirer des remarques encourageantes proposées et associées à celui-ci. Ces dernières permettent ainsi de connaître les compétences qui manquent à cet élève et de développer des stratégies pour les lui faire acquérir : “L’enseignant modifie son positionnement et cela influe obligatoirement sur celui de l’élève en question. Il est toujours impressionnant de se dire que c’était si peu d’actions à mettre en place pour que l’autre laisse de côté sa fausse croyance. Parfois, il suffisait juste de confier plus de tâches à un élève.”

Cet outil peut très bien être utilisé avec un groupe d’enseignants ou en équipe pédagogique. Ces derniers jouent le rôle de l’élève pour se décentrer et ils imaginent ensuite des actions à déployer collectivement pour améliorer le climat de classe.

Traiter le comportement inapproprié autrement, s’interroger sur la manière dont les enseignants vont faire en sorte que les élèves sortent compétents de leur sanction, c’est le principe même de la Discipline Positive® : faire de leurs erreurs une opportunité d’apprentissage.

La Discipline Positive® est une caisse à outils qui se travaille sur le long terme : “Elle ne dit pas comment faire ni quand l’utiliser. Elle évite à l’enseignant d’être démuni. Elle lui donne le droit de prendre du temps pour traiter la situation et le comportement inapproprié. Elle lui donne le droit de dire à l’élève ce qu’il ressent : je suis en colère, je ne peux pas prendre de décision rationnelle. Je prends un rendez-vous avec toi lorsque je serai calmé. Cette démarche, on ne se l’autorise jamais assez.”

La communication bienveillante est au cœur du processus de Discipline Positive® : faire en sorte de créer un climat heureux entre l’enseignant et l’élève tout en fixant des règles respectées par tous : “Les paroles d’un enseignant à un élève sont très importantes. L’on peut être blessant parfois sans s’en rendre compte. La Discipline Positive® nous permet alors de prendre le temps d’analyser la situation, de nous mettre à la place de l’élève. Comment passer d’un bien à un mieux, à un autrement, afin d’aider les classes à être plus autonomes et motivées.”



1. Soline Bourdeverre-Veyssiere, Les trois grandes fonctions de l’école, L’éducation positive dans la salle de classe, p. 22.
2. Dale Jones, directeur, écoles privées Discovery, Préface La Discipline Positive® dans la classe, éditions du Toucan, 2018.

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