Contenu

innovation pédagogique

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > actions éducatives > innovation pédagogique > échanger

la traque au chapeau

mis à jour le 17/04/2013


echanger dossier 6

Ceci est un chapeau sans l'être. Quand une école s'empare d'un projet d'arts plastiques initié par une commune, ça décoiffe ! Surtout le pauvre monsieur Magritte qui, dans l'aventure, en a perdu son célèbre melon. Une affaire surréaliste digne des grandes enquêtes du commissaire Maigret, sans Maigret, mais avec Miró et Dali. Expliquons-nous...

mots clés : échanger, réseaux pédagogiques, maternelle, arts plastiques, projet pluridisciplinaire, histoire des arts


Cette action s'inscrit dans le cadre du projet impulsé par la commune de Saint-Jean-de-Monts autour de "Miró et les surréalistes", présenté dans l'article "Les vases communicants des Kid's folies". Elle se conçoit comme l'un des éléments du grand puzzle surréaliste qui a mobilisé l'école maternelle de la Plage durant une bonne partie de l'année scolaire 2011-2012. Corinne Valéry, directrice et enseignante des TPS-PS (très petite section-petite section), Florence Martin, professeure des MS-GS (moyenne section-grande section), et Margot Derouche, artiste plasticienne professionnelle 1, ont décidé de créer un temps fort surréaliste. Margot a alors l'idée de l'enquête qui va mobiliser toute l'école pendant une semaine entière. Cette aventure, qui intègre pleinement les priorités du projet d'école, va tourner autour d'un chapeau ; elle a pour but de rassembler et d'associer tous les membres de la communauté éducative autour du projet. À ce moment de l'année, avant les vacances de Pâques, toutes les classes n'ont pas encore travaillé ensemble. Certains personnels, comme les agents de restauration, n'y ont pas participé. L'objectif est également de faire vivre aux enfants, sur un temps assez long, une véritable situation surréaliste. Il faut dire qu'à ce moment de l'année scolaire, quasiment aucun élève n'ignore ni l'existence du célèbre chapeau de Magritte, ni son importance dans son œuvre. Petit retour en arrière.

Grands et petits : le même chapeau

Les élèves ont appris à connaître l'univers du peintre, ainsi que l'homme, par différentes activités qui leur ont permis de découvrir son œuvre. L'affaire de la pipe qui n'en est pas une 2 est réglée sans aucun problème par les enfants. Leurs propos encore maladroits attestent de cette évidence "ce n'est pas une pipe parce qu'on ne peut pas la fumer", s'exprimera ainsi l'un d'eux ! Quant à l'observation des ombres et silhouettes chères à Magritte, elle découle naturellement de divers travaux préparatoires. La notion des ombres est concrètement introduite par un dispositif tout simple : un vidéo-projecteur et un drap.


 
Le moment est choisi en lien avec la projection du film d'animation en théâtre d'ombre, Princes et princesses 3, dans le cadre du programme Écoles et cinéma. Les enfants s'amusent à faire des ombres, chinoises ou non, et observent le résultat. Puis ils dessinent la silhouette d'un des leurs sur des grandes feuilles fixées verticalement.


Pour permettre ce genre d'activités, la classe est divisée en deux groupes de douze élèves ; l'un est avec Margot tandis que l'autre travaille avec l'enseignante. Puis on inverse. Les enfants effectuent d'eux-mêmes des liens entre les différentes œuvres d'un même artiste : ils notent la présence récurrente des ombres et des silhouettes, comme celle du fameux chapeau. Chacun se fabrique le sien en papier mâché.


Chez les petits, les activités à réaliser sont moins complexes, mais la démarche reste la même. L'observation des œuvres s'articule toujours sur des activités de pratique qui permettent de mieux les comprendre et de se les approprier. Par exemple, chacun colorie une silhouette et colle le chapeau sur la tête de son bonhomme. Puis il le dessine au lieu de le coller. Ou alors il s'agit de dessiner le fond nuageux sur une feuille qui représente une silhouette à la Magritte. Les enfants sont ensuite amenés à coller une image sur le visage, comme Magritte qui masque les visages d'une pomme ou d'un yaourt. Le geste est nettement plus difficile à accomplir quand il s'agit d'un bonhomme dessiné par les enfants eux-mêmes... Cacher leur production personnelle devient alors un exercice plus délicat que de masquer celle des autres. Au final, ils sont plus que familiarisés avec l'œuvre du peintre belge, dont ils identifient une toile sans problème.

L'enquête est lancée

"Mettre en situation, plutôt que devant une situation" est le credo qui guide l'ensemble du projet. Il s'agit de créer du bizarre, de l'inattendu, pour emmener tout le monde dans une expérience qui va fédérer l'école tout en permettant de mieux comprendre, en le vivant, ce que peut être l'univers surréaliste. Un lundi matin, en apparence ordinaire, enfants, parents et enseignants arrivent donc dans le hall de l'école, comme tous les autres jours. Et là, surprise ! Le hall est métamorphosé en un QG (quartier général) de police à l'ancienne, avec bureau, lampe, machine à écrire mécanique, périmètre de sécurité et panneaux où s'affichent des indices (les suspects, à commencer par les enseignants, des extraits de journaux relatant l'événement, des photographies, l'avis de recherche...). C'est le centre névralgique de l'opération qui va mobiliser toute l'école pendant une semaine d'enquête. Au centre, se dresse monsieur Magritte lui-même (une silhouette en contreplaqué de deux mètres de haut sur laquelle Margot a peint notre homme). Mais un Magritte sans son célèbre melon ! Stupeur de tout le monde... Que cela peut-il bien signifier ?



Chaque classe va soigneusement inspecter le QG truffé d'indices, pour tenter de comprendre ce qui se passe. Sur l'antique machine à écrire, une lettre du peintre ! Des journaux, dont Le Monde, sont affichés sur les panneaux. Les choses commencent à s'éclairer : Monsieur Magritte a perdu son chapeau, et c'est aux enfants de l'école maternelle de la Plage qu'est confiée la délicate enquête. Un reportage télévisé confirme l'hypothèse, même TF1 en parle ! Magritte lui-même (doublé pour l'occasion) y exprime son désarroi et l'espoir qu'il fonde dans les recherches des petits Montois. On découvre aussi des grandes enveloppes, une pour chaque classe. À l'intérieur, une lettre (voir annexe) et un indice : une photographie. L'enquête est lancée, les enfants impliqués dans la recherche qui leur est proposée sont d'emblée projetés dans une aventure qui ne fait pourtant que commencer...
 

De mystérieuses enveloppes...

Dans l'enveloppe des élèves de Florence Martin, se trouve une photographie du cinéma.


Ça tombe bien, la classe va au cinéma dans la semaine ! Dans celle des élèves de la classe de François Soulard, une photographie du grand clown qui trône au milieu de la piscine ; ça tombe bien, la classe va justement à la piscine le lendemain ! Les enfants mènent une enquête en règle : ils interrogent le personnel pour savoir si le chapeau de Magritte n'aurait pas été vu. Ils fouillent de fond en comble les lieux. Une belle occasion de discuter avec les gens et de revisiter des lieux qu'ils n'avaient jamais observés de cette manière, bien qu'ils leur soient familiers. Les petits de Corinne Valéry découvrent quant à eux une photographie de François Soulard. Il faut trouver sa classe. Ce n'est pas une mince affaire pour ces tout jeunes élèves de deux ou trois ans. Il faut se repérer dans l'école, frapper à différentes portes... On y met le temps, mais on y arrive. Au beau milieu de la classe des grands, un immense parapluie est suspendu la tête en bas ; le parapluie de Monsieur Magritte, à n'en point douter ! On hisse un élève pour qu'il jette un œil à l'intérieur. Il faudra trois enfants avant que l'un ne voie quelque chose (les autres sont tellement sous le coup de l'émotion qu'ils déclarent qu'il n'y a rien dans le parapluie). Pour la classe des TPS-PS de Sylvain Sabatovski, c'est une photographie de Corinne, la directrice, qui va les conduire jusqu'à son bureau. De là partent des traces de pas qui mènent les enfants jusqu'à une petite cabane. La piste des élèves de la moyenne section de Karen Moussalli les entraîne à la cantine, où ils découvrent une carte aux trésors, faite avec le plan de l'école, qui les conduit jusqu'au jardin potager de l'école.

... et un non moins mystérieux carton

Chaque classe va ainsi découvrir un carton sur lequel est collée une étiquette avec le fameux melon et où sont inscrits des mots, déchiffrés avec l'aide plus ou moins appuyée des enseignants. Le suspense est à son comble. Il suffit de voir les enfants sur les petits films réalisés au cours de cette surréaliste chasse au trésor. Ils sautent tous d'excitation comme des puces, et sont totalement happés par cette enquête. Ils savent tous, pourtant, que Monsieur Magritte est mort depuis belle lurette. Cela ne change rien, ils vivent pleinement cette aventure imaginaire qui a largement autant de réalité pour eux que le réel. L'ouverture du carton est un grand moment. À l'intérieur, ils découvrent... un chapeau ! Mais tous s'en rendent compte immédiatement, ce n'est pas le bon ! En revanche, ils découvrent un nouvel indice : deux morceaux de puzzle. Chez les petits de Corinne, les hypothèses et propositions s'accumulent : le chapeau s'est peut-être envolé dans les arbres, ou alors il est dans un magasin, il faut demander de l'aide aux mamans et aux papas... Ces tout jeunes enfants insistent pour envoyer une lettre à monsieur Magritte en lui expliquant que les premières recherches n'ont pas abouti au bon chapeau, mais qu'elles continuent d'arrache-pied. Encouragés à investir des postures d'écoliers, ils dictent tandis que la maîtresse tient le crayon. Toute la semaine, dans et hors les cours, l'école va vivre au rythme du chapeau de monsieur Magritte. La cour de l'école (en sable) ressemble à Verdun : tous les enfants creusent en tous sens pour voir si le melon n'aurait pas été enterré dans le sable. Pour que toutes les classes soient informées de l'ensemble de l'opération, les petits films réalisés durant la traque du chapeau sont montés et montrés à tous.
 

Le réseau s'élargit

Les adultes n'ont pas été laissés à l'écart de l'enquête qui, ne l'oublions pas, vise à tisser des liens, non seulement entre les classes, mais aussi avec les différents acteurs de la communauté éducative. Les Atsem 4 reçoivent aussi leur enveloppe, avec un rébus qui les conduit sous la table de la tisanerie. Quant aux agents de restauration, ils découvrent un mot mêlé qui les mène dans un placard. Les adultes ne sont guère moins intrigués que les petits dans cette folle histoire dont ils ne connaissent pas davantage l'issue... De nouveaux morceaux de puzzle sont ainsi collectés. Quant aux parents, outre les informations que ne manquent pas de leur apporter leurs enfants au long de l'enquête, ils peuvent découvrir, sur toute la semaine, différentes projections de films sur Magritte et le surréalisme, dont le fameux reportage de TF1 dans lequel le peintre lance son pathétique appel à l'aide. Au final, personne, petit ou grand, n'ignore plus qui est Magritte, quelle forme a son fameux chapeau et quelle place il occupe dans son œuvre. Ce temps fort est l'apothéose surréaliste d'un projet qui s'est déroulé depuis le mois d'octobre. Reproductions d'œuvres, présentation des travaux des enfants, diffusion de vidéos, jeux surréalistes pour les parents... tout a été mis en œuvre pour que ces derniers soient intégrés au projet. Ils ont ainsi pu découvrir ce qu'était le surréalisme, mais aussi prendre part à la pratique créative, et mieux comprendre ce que vivent leurs enfants au sein de l'école. Et même si les parents ne se sont pas tous associés au projet comme l'auraient souhaité les enseignants, cette volonté d'élargir le réseau en les y intégrant est un aspect essentiel qui ne peut qu'être riche sur le plan de l'ouverture culturelle comme pour ce qui est des échanges au sein des familles. Mais revenons à notre enquête, loin d'être terminée...

La tête dans les nuages et les pieds dans le sable

Le vendredi va réunir toute l'école pour la suite de cette traque au chapeau. Chacun apporte le fruit de son enquête et on commence à reconstituer le puzzle. Mais - déception ! - il manque deux morceaux clefs ! Heureusement, un nouvel indice fait son apparition : il s'agit d'une lettre. D'indice en indice, les cent trente enfants vont explorer l'école et revisiter au passage quelques œuvres de Miró, Dali et Magritte sur lesquelles ils ont déjà travaillé. La lettre conduit toute la petite bande dans un couloir où se trouve une reproduction d'un Miró, sur laquelle a été ajouté un nouvel indice : une image d'ordinateur. Direction l'espace de la classe où sont installés les postes informatiques. Un autre tableau y attend les enfants. La tête de Florence qui y est représentée n'a certainement pas été peinte par le maître. En avant pour la classe de Florence ! De fil en aiguille, on découvre les deux morceaux manquants. Sollicitée par ses camarades, une élève de grande section, qui sait lire, va déchiffrer pour tout le monde le message qu'a enfin dévoilé le puzzle reconstitué : "J'ai perdu mon chapeau, car j'avais la tête dans les nuages et les pieds dans le sable".


Que cela peut-il bien signifier ? On observe de plus près le puzzle géant ; le fond est couvert de petits chapeaux volants et... on voit le toit de l'école ! La suite est une véritable ruée dans la cour. Sur le toit attend patiemment... le chapeau de monsieur Magritte ! Le vrai, le bon, le sien ! Un enfant, tenu à bout de bras par un enseignant, va se voir confier l'inestimable honneur de se saisir du précieux couvre-chef qui passe ensuite de main en main dans une enthousiaste confusion.


La joie collective fait plaisir à voir, ils ont retrouvé le chapeau ! De retour dans le hall, un message vidéo du peintre les attend : il remercie chaleureusement les enfants et les félicite pour leurs qualités de détectives chevronnés. Et puis, surprise encore, la grande silhouette de deux mètres qui attendait tristement depuis une semaine a elle aussi recouvré son melon ! (Les agents municipaux avaient fabriqué deux silhouettes de Magritte pour l'occasion : une avec et une sans chapeau).

Chapeau

Faut-il préciser que de telles aventures laisseront des souvenirs dans les esprits, des petits comme des grands ? Ce projet s'est construit sur une expérience vécue collectivement. Il a permis de mettre en réseau les différentes classes de l'école, dont certaines avaient moins participé jusqu'alors à cette action qui s'est déroulée sur toute l'année. La victoire a nécessité une collaboration et un partage des indices qui ont concrètement montré que l'union fait la force. Les échanges ont permis aux uns et aux autres de savoir ce que l'on apprenait dans les autres classes, et d'explorer plus avant le grand univers du surréalisme. L'expérience a aussi été l'occasion de mieux découvrir l'école, mais aussi des lieux et des personnes extérieures. Elle a réuni les adultes - enseignants, parents, agents, Atsem, personnels extérieurs à l'école - dans une aventure commune. Elle est la preuve qu'on peut les associer autrement que par des discours à ce qui se passe à l'école. Il s'agit ici d'une expérience vécue collectivement, concrètement, réellement (puisque jusqu'au bout, seules les trois initiatrices connaissaient la clef de l'énigme). Et dans cette histoire, le meilleur vecteur de mise en réseau, ce sont les enfants eux-mêmes. Ils n'ont cessé de parler à tout leur entourage du projet, du peintre, de son chapeau et de ses œuvres. Ils ont entraîné toute la famille visiter l'exposition... à tel point que Margot, lorsqu'elle sortait, était sans arrêt interpellée par des parents qui engageaient la conversation sur le fameux chapeau ou les différentes activités en cours. Et cette mise en réseau fonctionne aussi de manière interne, par contamination. Il suffit que ces jeunes élèves aient travaillé en classe sur une reproduction pour qu'ils regardent systématiquement l'ensemble des œuvres reproduites dans un livre, par exemple. Ainsi, ce temps fort a été un moyen d'organiser des apprentissages scolaires et d'ouvrir la culture à tous, une culture vivante, curieuse, créative, ludique, fédératrice. Une culture qui se conçoit ici comme le fil qui a permis, dans l'intérêt des élèves, de tisser des liens entre les différents membres du réseau de la communauté éducative. Chapeau !

1. L'artiste est intervenue, bénévolement, deux heures par semaine, d'octobre à mars, dans les classes de Corinne Valéry et de Florence Martin.
2. La Trahison des images, 1929, huile sur toile, 62 x 81 cm, Art Institute of Chicago. Ce tableau représente une pipe, accompagnée de la légende suivante : Ceci n'est pas une pipe.
3. Film d'animation de Michel Ocelot, 1998.
4. Agent territorial spécialisé des écoles maternelles.
 
auteur(s) :

D. Grégoire

fichier joint

information(s) technique(s) : pdf

taille : 650 Ko ;

ressource(s) principale(s)

echanger dossier 6 travailler en réseau pédagogique 14/05/2012
L'académie de Nantes incite à généraliser la mise en place de réseaux pédagogiques regroupant différentes unités d'enseignement : écoles, collèges, lycées et établissements de l'enseigneme ...
échanger, réseau, liaisons, socle commun, échanges, territoire, pilotage

haut de page

innovation pédagogique - Rectorat de l'Académie de Nantes