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le jeu pour dépasser ses peurs…

mis à jour le 29/09/2010


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Depuis dix ans, la classe-relais du collège Albert-Vinçon de Saint-Nazaire reçoit des élèves en refus d'apprentissage. L'équipe éducative a huit semaines pour débloquer les situations complexes de ces collégiens qui, ensuite, réintègreront leurs établissements. Les pistes utilisées ici pour redonner l'envie d'apprendre auraient sans doute toute leur place dans le cadre de l'accompagnement éducatif ou de modules disciplinaires.

mots clés : classe-relais, motiver les élèves, motivation, remédiation


Les élèves qui arrivent dans la classe ont environ quatorze ans, ce sont majoritairement des garçons issus du niveau cinquième. La première rentrée est située mi-octobre, mais il n'y a jamais huit arrivées simultanées. Ensuite, les entrées se font à date fixe toutes les quatre semaines. De ce fait, le groupe qui ne dépasse jamais huit élèves varie néanmoins toutes les quatre semaines, puisque chaque élève est là pour huit semaines. L'équipe éducative est constituée d'un éducateur de la Protection judiciaire de la jeunesse, d'une assistante d'éducation à temps plein et d'un professeur des écoles spécialisé. Celui-ci, Michaël Nicosia, travaille dans ce dispositif depuis sa création. Au fil des années, il a enrichi sa réflexion de l'expérience vécue auprès des élèves, mais aussi de lectures très formatrices comme celles, entre autres, de Serge Boimare ou de Philippe Meirieu. Aujourd'hui, s'il ne peut jamais être sûr à long terme de l'évolution des adolescents qui viennent à la classe-relais, il est en revanche convaincu de la nécessité de passer par des détours pédagogiques. En français, il exploite systématiquement les grandes figures mythologiques. Tout comme Serge Boimare l'explique, l'accès intensif à la culture permet de contourner les peurs d'apprendre. Ainsi, les textes mythologiques transposent de manière figurée, symbolique, les peurs profondes qui parasitent ces jeunes lors des situations d'apprentissage. Et ce sont, par exemple, des discussions très animées sur le bien-fondé des choix de Créon. Alors, il y aurait beaucoup à dire sur la variété des démarches utilisées dans cette classe, le travail individualisé, le travail par étapes, la démarche de projet, le travail en groupes. Mais le fil conducteur qui permet, au travers de toutes les disciplines enseignées, de réconcilier ces élèves rebelles avec eux-mêmes, de les amener en douceur à accepter une activité cognitive, c'est, de toute évidence, le détour par le jeu et le dialogue.


Silversphère

Très souvent dominés par un sentiment de toute puissance qui entre en conflit avec le sentiment de frustration dû à l'épreuve de l'échec, les élèves en refus d'apprentissage, qu'ils soient ou non dans la classe-relais, ont, en cours, cessé de réfléchir. Ils ne veulent plus de cet effort réclamé à juste titre par les enseignants pour résoudre un problème, répondre à une question ou faire un exercice. Ils font tout autre chose que la tâche demandée ou ils ne font rien du tout ! Au départ, en intégrant dans les horaires de mathématiques, une demi-heure par semaine, le jeu Silversphère 1, M. Nicosia cherchait à calmer les esprits surchauffés d'un groupe particulièrement réfractaire à l'apprentissage, puis il a découvert l'intérêt pédagogique et éducatif de ce jeu. Le jeu en ligne sur internet est accessible à tous. Une boule d'argent doit être amenée dans un "vortex" en la déplaçant sur des cases, comme la tour dans le jeu d'échecs. Mais le chemin est semé d'embûches qui nécessitent que l'on utilise d'autres éléments pour construire un passage au-dessus d'une rivière ou pour éliminer des cubes glacés qui détruiraient la Silversphère. Vingt-cinq niveaux sont à franchir pour finir le jeu qui place systématiquement le joueur dans une situation-problème. En effet, ce dernier doit impérativement procéder par émissions d'hypothèses qui sont validées ou infirmées. Il doit également anticiper les déplacements sur plusieurs coups, comme aux échecs. Et tout cela doit se faire dans un temps limité pour que la partie soit validée et autorise de passer au niveau suivant. Quiconque essaie d'y jouer expérimente l'échec, la nécessité de s'y reprendre à plusieurs fois, et l'obligation de construire un parcours géométrique et logique. C'est, pour M. Nicosia, "un bon moyen de faire comprendre que l'erreur est un chemin vers la solution et non une impasse". Et il ajoute : "L'accroche évidente des élèves, y compris de la part de ceux dont les blocages face à l'apprentissage sont forts, montre que le choix du média utilisé est pertinent. Il permet à ces jeunes d'accepter de faire ce qu'ils refusent de faire d'habitude, c'est-à-dire de tolérer et de comprendre que la réponse à un problème n'est pas forcément immédiate et qu'elle est précédée au contraire, la plupart du temps, d'une réflexion qui nécessite de mobiliser toutes les capacités cognitives à disposition." Le professeur a lui-même testé le jeu qui est réellement difficile et un petit temps de dialogue régulier permet d'évoquer avec les élèves les moments où les uns et les autres se sont confrontés à un problème d'apprentissage.

Une souris et un crayon pour les mathématiques !

Résoudre des problèmes, faire des calculs, cela va bien souvent trop vite dans la classe pour des élèves qui ont accumulé tant de lacunes. De quoi se décourager... Avec le logiciel gratuit Mathenpoche, les élèves travaillent seuls une partie du temps dédié aux mathématiques, et reçoivent des messages de congratulation à chaque réussite. Ils se retrouvent face à un logiciel qui leur propose des activités animées et cela passe beaucoup mieux ! Ils peuvent s'entraider à condition que l'aide soit une question ou un indice et surtout pas une réponse. La progression des résultats est affichée et valorise le travail accompli. De plus, les élèves doivent équilibrer eux-mêmes leur temps de travail entre algèbre et géométrie. Effectivement, les deux activités numérique et géométrique sont indépendantes. Si la partie numérique se fait sur "Mathenpoche", la géométrie, elle, se fait à partir d'un livre intitulé Symboles bretons et celtiques : Méthode de construction de Michel Le Gallo chez Coop Breizh. Le professeur prépare un fichier avec un programme de constructions dont les difficultés sont croissantes, fichier que les élèves doivent réaliser au cours des huit semaines. Cette fois, il s'agit d'observer une figure déjà réalisée (une hermine, par exemple), pour la reproduire. Jusqu'à présent, des consignes guidaient les élèves, mais le professeur a constaté qu'il valait mieux laisser les élèves face à un travail un peu énigmatique pour éviter un travail fait sans réflexion. Là, ils s'interrogent, discutent pour repérer une perpendiculaire ou un cercle et finissent par s'impliquer dans une tâche qu'ils auraient auparavant délaissée si le travail et le jeu individuel ne leur avaient pas quelque peu redonné confiance dans leurs capacités. À chaque fin de semaine, un point est fait individuellement sur les progrès et sur la répartition des exercices, choisie par l'élève. L'enseignant se sert des dérives de certains (la tentation est grande de faire essentiellement des exercices là où l'on se sent en réussite - le plus souvent avec Mathenpoche) pour faire réfléchir à la notion de cadre, d'autorité nécessaire pour contrer la faiblesse humaine... Et, comme pour toutes les activités mises en œuvre, le conseil de vie de classe de fin de semaine permet, lui aussi, de revenir collectivement sur ce qui a été difficile, sur ce qui empêche ou favorise la mise au travail de chacun.

Découvrir que l'on peut apprendre... par cœur

Des idées reçues, les élèves en ont plein la tête, que ce soit sur eux-mêmes (leurs diverses incapacités scolaires, notamment) ou bien sur des sujets beaucoup plus généraux comme la vie sur un autre continent. C'est un dispositif intitulé "D'Afrique et d'ailleurs" qui est mis en œuvre depuis plusieurs années avec deux objectifs : faire découvrir un continent mal connu (au programme de la classe de cinquième) et faire redécouvrir la capacité d'apprendre par cœur. Pour les élèves, l'objectif annoncé est de connaître et placer correctement les quarante-neuf États africains. Mission impossible, diront la plupart des élèves, et pourtant, même si certains n'y parviendront pas, tous seront étonnés de leurs résultats. Le travail se décompose en étapes. La première, méthodologique, invite les élèves à rendre compte de la façon dont ils ont appris la première dizaine de pays. On compare les résultats, on teste des méthodes non utilisées précédemment pour la dizaine suivante. On échange ses astuces qui vont finalement circonscrire le champ des possibles : associer (NA.BO. pour Namibie voisine du Bostwana), photographier (utilisation de fond de carte vierge pour s'entraîner à replacer les États), classer (découpage du continent en zones et apprentissage progressif par zone)... Des évaluations sur des ensembles de dix pays, puis de vingt, puis de trente permettent aux élèves de vérifier que, peu à peu, ils réussissent à organiser leurs connaissances. Ils reprennent confiance. S'ajoute alors la cerise sur le gâteau : le jeu en ligne Countries of Africa. Chacun va pouvoir s'entraîner et, là aussi, afficher son score dans la salle de classe. L'émulation est nourrie par les critères d'évaluation qui tiennent compte du nombre de pays connus et localisés, mais aussi des progrès réalisés par rapport à la première évaluation. Enfin, pour connaître non seulement les noms des différents pays africains, mais aussi quelques-unes de leurs caractéristiques, les élèves participent à un autre jeu conçu par le professeur. Il s'agit de récolter collectivement un certain nombre d'informations sur chaque pays. Il faut donc en passer par un travail partagé de recherches sur internet.

Redonner du sens à l'école

Dans chaque classe, quelques élèves inquiètent l'équipe éducative à cause de comportements insupportables pour le groupe, ou au contraire à cause d'une effarante passivité. Si l'on ne peut pas toujours concevoir la séance en fonction de ces élèves-là, on sait bien, néanmoins, que donner de la confiance et emprunter les chemins qui sont les leurs peuvent avoir un intérêt pour tous les élèves d'une classe si l'on conserve l'exigence d'un réel apprentissage. C'est en exploitant chaque année son bilan pédagogique que M. Nicosia répond à cette exigence. Il faut varier les activités le plus possible sans pour autant multiplier de façon démagogique les exercices simplistes. Bien sûr, on peut penser qu'il est plus aisé de mettre en place de tels dispositifs dans un groupe de huit que dans une classe de vingt-huit. C'est évident, les conditions ne sont pas les mêmes, mais il ne faut pas oublier que dans ce groupe de huit, sont réunis aussi bien des élèves en situation de blocage face à l'apprentissage que des élèves qui auraient pu en réalité relever d'un institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP). Le groupe est plus restreint, certes, mais il reste néanmoins un groupe très hétérogène. Le développement de la socialisation passe toujours et encore par des modalités d'apprentissage classiques, mais surtout par l'intégration du jeu dans de nombreuses séquences de travail. En 2009-2010, l'arrivée d'une nouvelle assistante d'éducation, Jessica Rodrigues, passionnée de jeux de rôles, a donné une nouvelle dimension, encore, à l'ensemble des dispositifs élaborés par Michaël Nicosia. Les élèves travailleront sur le thème de la mythologie celtique tant en littérature qu'en mathématiques, mais ils auront une autre tâche : s'approprier le jeu Les chevaliers de la Table ronde, afin de transmettre les règles aux nouveaux arrivants. L'intérêt de ce jeu de plateau réside, entre autres, dans le fait que les joueurs sont obligés de jouer ensemble, tous ensemble contre le jeu lui-même et que, pour avancer, on doit réussir à formuler le problème rencontré et dire aux autres ce dont on pense avoir besoin...
 
auteur(s) :

M. Blin

contributeur(s) :

M. Nicosia, collège Albert-Vinçon, Saint-Nazaire [44]

fichier joint

information(s) technique(s) : pdf

taille : 164 Ko ;

ressource(s) principale(s)

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