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les chemins de la réconciliation

mis à jour le 05/02/2015


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Au collège Roger-Vercel du Mans, l'équipe de direction a mis en place un dispositif spécifique de lutte contre le décrochage scolaire, qui mobilise tous les personnels de la communauté éducative autour du repérage et de l'aide aux élèves en difficulté.

mots clés : échanger, alliance éducative, DRI, classe sans note, décrochage


e projet, mis en œuvre depuis la rentrée 2012, répond à l'origine à une problématique d'établissement. Les résultats au Diplôme national du brevet correspondent à la moyenne académique et 80 % des élèves du collège obtiennent leur examen avec mention. Or, nous accueillons aussi des élèves en difficulté, explique V. Frantz, principale. Face à une majorité de collégiens excellents, des élèves plus fragiles seraient susceptibles de décrocher. Le suivi de cette minorité est donc important, d'autant plus que les professeurs se sentaient initialement démunis pour gérer cette hétérogénéité, ils étaient en demande de solutions pour aider davantage ces quelques élèves par classe. Certains sont parfois identifiés en début de sixième, d'autres, fragilisés par des difficultés psychologiques ou/et sociales peuvent décrocher à un moment donné au cours des quatre années. Dans tous les cas, l'absentéisme reste exceptionnel, ce qui facilite la mise en œuvre du dispositif. Celui-ci a pour vocation de proposer des parcours aménagés adaptés à chaque élève. Quand des collégiens se démobilisent, il s'agit de prévenir le décrochage ; quand celui-ci est avéré, il propose des solutions. Comment identifier les élèves concernés ? Comment les aider à redonner du sens à l'école ? Comment restaurer la confiance et la motivation ? Y. Auffret, principal adjoint, note que le diagnostic initial montre que les difficultés sont souvent liées à une mise au travail inefficace. La dimension méthodologique est donc nécessaire à côté des apports disciplinaires. Mais le dispositif s'appuie sur un autre point fort : il prend véritablement en considération les dimensions relationnelles et comportementales, essentielles dans la réussite des élèves. Améliorer la vie de chaque collégien dans l'établissement, lui permettre de trouver sa place, valoriser son travail, tous ces objectifs sont intégrés au parcours proposé à l'élève. Pour mettre en œuvre ce projet ambitieux, il fallait mobiliser toutes les compétences en présence, et donc l'ensemble de l'équipe éducative. Impulsé par une équipe de direction dynamique et elle-même très impliquée dans le suivi des élèves concernés, le dispositif permet de leur offrir des chemins personnalisés de réconciliation et de réussite scolaires.

Différentes sources de repérage

Au sein de l'équipe éducative, chacun a un rôle à jouer dans l'identification, le diagnostic ou/et dans l'aide apportée aux élèves. Les premiers repérages sont souvent faits par les professeurs : les leçons ne sont pas apprises, le travail n'est pas fait, le contact avec les adultes est conflictuel, l'élève ne prend jamais la parole... L'enseignant transmet ces informations au professeur principal qui remplit une fiche, outil créé par l'équipe de direction, document de référence tout au long du protocole (voir annexe). Il renseigne le premier volet du document, qui concerne les indicateurs de décrochage : difficultés liées aux apprentissages (lacunes dans les connaissances de base, dans les savoir-faire, etc.), difficultés liées aux comportements (absence de matériel scolaire, violence verbale répétée, etc.). En parallèle, chaque assistant d'éducation prend en charge le suivi d'un niveau. Grâce au logiciel Pronotes, il signale, via un exemplaire de la même fiche, les absences ou les retards répétés. Pendant les heures de permanence des classes dont il a la charge, il vérifie les carnets de liaison : signatures des parents, incidents signalés par des adultes du collège. Cet assistant d'éducation est, en vie scolaire, l'interlocuteur privilégié du professeur principal. Ces deux sources de repérage ne sont pas uniques ; une anomalie dans les résultats peut aussi donner l'alerte. Avant de décrocher totalement, on repère souvent des notes alarmantes dans une ou deux matières, d'ailleurs souvent associées, explique Y. Auffret. Ce peut être en français et histoire-géographie, par exemple, ce qui permet d'identifier des difficultés de compréhension, de rédaction. L'idéal est d'intervenir aussitôt pour remobiliser l'élève. Il est certain que depuis la mise en place du dispositif, la vigilance de tous s'est développée grâce à la distribution des rôles et à ce parcours de communication formalisé par la fiche. Les informations reçues aboutissent toujours à une prise en charge rapide. Pour V. Frantz, il est impératif de maintenir cette attention pour repérer le décrochage ou ses prémices sur tous les niveaux, car il peut survenir sans qu'on l'ait toujours anticipé.

Du diagnostic vers le parcours personnalisé

Les informations recueillies sont ensuite centralisées et analysées en cellule de veille. Elle réunit toutes les deux semaines l'infirmière, le conseiller d'orientation-psychologue (COP), le principal et son adjoint, et un assistant d'éducation (AED) qui a des missions de conseiller principal d'éducation 1. L'équipe prend connaissance des fiches de repérage, échange, analyse et croise les informations pour cerner le profil de l'élève : problème médical et pathologie éventuelle, comportement à réguler, difficultés spécifiques dans les apprentissages. En fonction du diagnostic ainsi établi, l'un des membres de la cellule se propose pour être son référent, c'est-à-dire l'adulte qui assurera son suivi pendant toute la durée du dispositif d'aide, à travers notamment des entretiens individuels réguliers. Il s'agit du COP si le parcours mis en place s'appuie sur une réflexion autour du projet d'orientation, de l'AED dans le cas de problèmes de comportement, et, pour le volet pédagogique, le principal ou son adjoint assure le suivi de l'élève. Ensuite, l'équipe décide du mode de prise en charge : quelle solution apporter ? Des compléments disciplinaires ou méthodologiques sous la forme d'heures d'accompagnement éducatif, le travail du projet d'orientation grâce à des stages, un tutorat, une future intégration au dispositif de relais interne commun avec le collège Berthelot, le parcours propose une de ces modalités ou en croise plusieurs pour répondre le mieux possible au diagnostic établi. La durée n'est pas d'emblée définie. À l'issue de la cellule de veille, l'équipe renseigne le deuxième volet de la fiche, en indiquant le ou les modes de prise en charge de l'élève qui ont donc été définis. Ce document comporte aussi un répertoire des entretiens qui seront menés avec l'élève. Chaque adulte intervenant y indique son nom et sa qualité ainsi que la date de l'entretien. Avant de débuter le protocole, la principale ou son adjoint rencontre l'élève et sa famille pour échanger, informer de l'aide mise en place ; l'implication de tous est nécessaire.

Apporter une aide méthodologique efficace

La majorité des élèves signalés rencontrent des difficultés, car ils manquent d'autonomie, c'est-à-dire de méthode, d'organisation, et ne maîtrisent pas les savoir-faire nécessaires pour réussir. De fait, ces élèves ne savent pas comment travailler à la maison et le plus souvent leurs parents l'ignorent aussi. Sans remédiation rapide, le décrochage est prévisible. Il faut apporter des réponses simples et concrètes, explique Y. Auffret, et passer d'abord par l'oral pour restaurer un rapport de confiance. Le principal adjoint reprend alors sa casquette de pédagogue. C'est lui qui a formé les adultes nouvellement rattachés à l'équipe de vie scolaire, deux étudiants en Emploi avenir professeur et deux personnes en statut de contrat aidé 2. Une formation en partie magistrale qui s'est déroulée sur des temps planifiés, mais fondée aussi sur l'observation. Le principal adjoint a lui-même animé quelques séances d'accompagnement éducatif sous l'œil attentif des quatre adultes en cours de formation. À l'issue de ces étapes, des fiches-actions ont été formalisées. Elles servent de support de travail pour l'animation des séances. Elles sont aussi un document concret pour nourrir les échanges lors des rencontres entre l'élève et le principal adjoint, cette fois dans son rôle de référent. L'heure d'accompagnement méthodologique est un temps intermédiaire, interface entre le cours en classe entière et le travail à la maison. L'encadrant donne à l'élève des consignes simples pour le motiver en classe, mobiliser son attention. Il doit retenir cinq mots-clés, être capable de les définir, et ensuite, en les utilisant, de raconter oralement ce qu'il a fait pendant la séance. Pour des élèves en difficulté, l'aboutissement de ce travail prend du temps. L'adulte qui anime la séance guide l'élève pas à pas : en s'assurant qu'il a bien recopié le cours, qu'il est capable de se relire, en l'aidant à identifier les mots-clés, en lui demandant d'en rechercher le sens dans le dictionnaire. Progressivement, rassuré par un déroulement sécurisant, car ritualisé, l'élève acquiert cette méthode de raccrochage au suivi des cours, basée sur l'expression orale dans un rapport de confiance. Celui-ci est favorisé par le cadre du petit groupe : trois à huit élèves du même niveau de classe qui se retrouvent en général le soir après les cours, parfois en journée dans le cadre d'un emploi du temps aménagé. L'objectif est de permettre à l'élève d'acquérir une méthode simple, facilement transférable à la maison. Elle permet même parfois d'impliquer à nouveau les parents, complète Y. Auffret. L'élève peut suivre, en complément, des heures d'accompagnement éducatif disciplinaire encadrées par les professeurs.
 

Un parcours renforcé

Ce dispositif n'est pas suffisant pour les décrocheurs. Pour eux, et en fonction de leur profil, le parcours personnalisé établi croise plusieurs formes d'aide. Un tutorat peut être mis en place. L'élève est suivi par un enseignant qu'il n'a pas, sur des plages libres de l'emploi du temps. C'est un soutien individualisé, lieu de parole et d'écoute, d'aide méthodologique, si nécessaire, selon les demandes de l'élève. L'important est de tisser un rapport de confiance qui permette de consolider les liens entre l'élève et le collège alors qu'il se trouve, à ce moment de son parcours scolaire, dans un processus inverse de détachement. Parallèlement, on peut mettre en place un emploi du temps aménagé, alternant les temps de cours avec des temps d'accompagnement éducatif méthodologiques et disciplinaires plus fréquents. À partir de la classe de quatrième, pour redonner du sens au travail scolaire, l'équipe prend souvent appui sur la réflexion à mener autour du projet d'orientation. Dans cette perspective, un partenariat avec le service jeunesse de la mairie du Mans a été conclu. Il permet de faire venir des intervenants extérieurs pour donner des informations, par exemple sur l'apprentissage, ou pour aider à la recherche de stage, étape par étape. Les élèves doivent par exemple écrire une lettre de motivation simplifiée à destination du maire et du président du Mans Métropole. Ce partenariat offre également l'opportunité aux jeunes décrocheurs de rencontrer des professionnels. Et puis la mairie, en tant que structure publique, peut accueillir des stagiaires de moins de quatorze ans (restauration, espaces verts, etc.). Au retour du stage, les élèves sont pris en charge par un membre de l'équipe de vie scolaire de statut EAP pour préparer un mini-rapport. Dans ce parcours de raccrochage centré sur la construction d'un projet professionnel, le conseiller d'orientation-psychologue assure un suivi très régulier auprès de l'élève et de sa famille. L'an prochain, les stages seront valorisés par un oral de présentation avec une note comptant dans la moyenne et par la validation de compétences du socle commun. L'accent sera aussi porté sur l'oral. L'élève pourra rendre compte de son stage à la classe, en présence de l'employeur qui présentera son métier.

Le dispositif de relais interne

Quand le parcours mis en œuvre à travers des entretiens individuels, des stages en entreprise et des heures d'accompagnement éducatif ne suffit pas, ou si le décrochage est effectif au moment où l'élève est signalé, les membres de la cellule de veille lui proposent d'intégrer le dispositif de relais interne (DRI). Celui-ci est mis en place en association avec le collège Berthelot. L'objectif est de remotiver, de donner du sens à l'école grâce à un enseignement fondé sur une pédagogie du projet, qui s'appuie aussi sur l'interdisciplinarité. Le DRI occupe la moitié du temps scolaire de l'élève qui suit sa classe selon son emploi du temps habituel sur les autres plages horaires. Les chefs d'établissement se réunissent en commission de sélection pour choisir les élèves qui participeront à chaque période du dispositif, selon un projet pédagogique à chaque fois différent. La première, par exemple, qui a commencé juste après les vacances d'automne, était réservée aux élèves de troisième qu'il fallait raccrocher au plus vite, en cette année d'examen. Le groupe a mené à terme un projet artistique sur le conte. La seconde session a débuté début janvier. Elle regroupe des élèves de quatrième qui, ayant déjà doublé une classe, ont des résultats scolaires alarmants et pour la plupart des problèmes de comportements associés, des conflits avec des professeurs, notamment. Un travail sur le projet d'orientation, et à la clé une exposition pour les portes ouvertes du collège, est au programme. Chaque session dure six semaines de quatre demi-journées chacune. Les trois premières semaines du dispositif ont lieu au collège Roger-Vercel, les trois suivantes au collège Berthelot. Les élèves sont encadrés par des enseignants pour les contenus disciplinaires, et une personne employée dans le cadre de son service civique assure la coordination. Au sein du DRI, le lien avec le collège est maintenu grâce à l'emploi du temps aménagé, mais aussi parce que les intervenants sont des adultes de l'établissement, des enseignants et le principal adjoint. Le contexte du groupe restreint et le travail coopératif proposé génèrent une relation nouvelle avec les encadrants. L'écoute y est favorisée, la prise de parole aussi. À l'issue de la session, c'est parfois l'estime de soi que l'élève a retrouvée.

Un élan collectif bienveillant

La mise en œuvre du projet global de prise en charge des élèves en difficulté s'est accompagnée, de la part de tous les acteurs du collège, d'une réelle considération de l'élève dans son individualité, pour un suivi scolaire toujours vigilant et bienveillant. Les professeurs ont trouvé des solutions pour adapter leurs pratiques à l'hétérogénéité dans les groupes. Ainsi, depuis la rentrée 2012, la classe sans note a été mise en place pour tout le niveau sixième. L'enseignement par compétences associé à des évaluations qui mesurent les progrès effectués génèrent une plus grande sérénité chez les élèves, ainsi qu'une meilleure confiance en soi, car on ne peut comparer ses résultats à ceux de ses camarades. V. Frantz souligne combien ce dispositif agit parfaitement en prévention du décrochage. Cette année, suite à une sixième sans note, deux élèves de cinquième seulement ont été identifiés pour suivre un parcours de raccrochage. Parallèlement, les enseignants se sont davantage investis dans le soutien disciplinaire et le tutorat. La réflexion sur la différenciation pédagogique est aussi en ébullition, un travail sur l'adaptation des supports des évaluations est par exemple mené. La communication entre les membres de la communauté éducative s'est développée, comme les opportunités de croiser des regards sur le travail des élèves. Par exemple, dans le cadre de leur EAP, les deux étudiants effectuent ponctuellement des stages d'observation dans les classes, où ils peuvent retrouver des élèves qu'ils suivent en accompagnement méthodologique. Le fruit de cette observation est un support d'échanges riches avec l'enseignant et/ou même avec l'élève concerné. Au cœur du dispositif, la responsabilité de chacun, l'autorité de tous, notamment celle des surveillants, ont été renforcées. Tous les personnels de l'établissement sont membres des jurys de stage en classe de troisième. Les personnels de la vie scolaire participent aux conseils de classes. La multiplicité des regards permet d'évaluer avec plus de précision les compétences transversales. Indéniablement, le projet a renforcé la communication et la réactivité de tous. "Dès qu'un adulte rencontre une difficulté avec un élève ou observe un comportement préoccupant, il nous adresse un mail et sait que dans la journée, le problème va être pris en charge, en amont de la cellule de veille, de manière à ne pas laisser une situation se dégrader.", explique la principale de l'établissement. La force du dispositif est bien cette implication de tous associée à un riche panel des aides possibles. "Les situations d'échec sont en général liées à des difficultés familiales trop lourdes. C'est la seule limite que nous rencontrons", conclut V. Frantz. Pour la plupart des élèves qui ont intégré le dispositif, la réconciliation scolaire a bien eu lieu. Et la réflexion se poursuit ! Au troisième trimestre, une formation d'établissement sur la gestion de l'hétérogénéité des élèves est programmée. Une nouvelle piste est aussi en gestation : pourrait-on passer à une évaluation par compétences, ne serait-ce que temporairement et de manière isolée dans la classe, pour un élève en décrochage ? Face à cet élan général, le dispositif n'a pas fini de s'enrichir, pour le bien-être accru des élèves.


1. L'établissement n'est pas doté d'un poste de conseiller principal d'éducation.
2. La mise en œuvre du dispositif impliquait d'étoffer l'équipe de vie scolaire. Sans poste de CPE (conseiller principal d'éducation), elle était initialement composée de trois assistants d'éducation (AED), un auxiliaire de vie scolaire (AVS). L'équipe de direction a recruté deux étudiants de statut emploi avenir professeur (EAP), une personne qui effectue un service civique, deux autres en contrat aidé. Cette mixité des statuts en vie scolaire est un réel atout, explique Y. Auffret, elle permet d'apporter une réelle présence des adultes qui ont chacun des compétences différentes, que l'on forme aussi, et qui peuvent ensuite prendre en charge quelques élèves, sur des temps d'accompagnement méthodologique notamment.
 
auteur(s) :

N. Le Rouge

contributeur(s) :

Mme Frantz, M. Auffret, Collège Roger-Vercel, Le Man [72]

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information(s) technique(s) : pdf

taille : 288 Ko ;

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