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les deux font la paire !

mis à jour le 27/05/2011


les rythmes scolaires

Pour la seconde année, les enseignants du collège Montaigne à Angers vivent une autre organisation du temps scolaire. Cet établissement situé en zone d'éducation prioritaire a choisi de réduire les temps de chaque plage horaire à quarante-cinq minutes. Il bénéficie donc d'un aménagement dérogatoire régi par l'article 34.

mots clés : coanimation, compétences communes, rituels, concertation, organisation


Échanger, aujourd'hui, a choisi de porter l'éclairage sur l'expérience de coanimation menée en français et en mathématiques, au niveau sixième. Ces séances visent à construire de manière conjointe des compétences transversales et les compétences spécifiques à chacune des matières.

Organisons, il en restera toujours quelque chose !

Face à la spécificité du public du collège, on teste pour la seconde année une autre organisation de ce que l'on doit appeler encore, par convention, les "heures" de cours. Il a fallu chercher des solutions pour remédier aux difficultés spécifiques des élèves, éviter le décrochage par rapport aux compétences fondamentales, et relancer la motivation. De fait, la réduction des horaires de cours à quarante-cinq minutes, liée à un temps d'accueil identique au collège, permet de dégager des marges, et une autre façon de vivre le temps scolaire et les modes d'enseignement. Pour les classes de sixième, l'une d'entre elles consiste notamment à inscrire des coanimations qui associent mathématiques et français. En pratique, ce sont trois séances qui sont inscrites à l'emploi du temps hebdomadaire de chaque classe en français, et deux en mathématiques. En plus de ces séances propres à chaque discipline, quatre sont assurées de manière conjointe par les professeurs de mathématiques et de français. Chacun aura droit à ses deux séances dans la dominante de sa discipline. Ce scénario se répète au même moment de la semaine dans les trois classes de sixième de l'établissement. Ainsi, le lundi, chaque paire d'enseignants se retrouve deux fois ensemble dans la même classe de sixième : le matin en dominante math, et après la pause méridienne, en dominante français. Entre les deux, les six enseignants concernés se retrouvent tous en concertation.

Rituels

Revenons un peu sur la façon dont se jouent les cinq premières minutes des cours. L'idée de rituel est la première énoncée comme une évidence, lors de la concertation. Certes, formules de politesse, silence et tenue correcte sont là pour signifier que l'on marque une césure dans le temps, mais comme le précise Philippe Meirieu, encore s'agit-il de créer un "rituel fécond". Pas le même tout le temps, pas le même pour toutes les disciplines, pour tous les enseignants 1. On l'a compris, dans une classe de sixième, en ce moment, c'est le jeu de scrabble qui constitue le sas d'entrée (voir annexe). Un sas d'entrée signifiant : français et mathématiques ne sont pas deux entités séparées. Suivons donc, en ce lundi après-midi, la classe de sixième où exercent Anne Pothier et Ronan Madigou. En montant en classe, personne ne s'émeut, un mois après la rentrée, de la présence de leurs deux enseignants. Silence dans les rangs ! Installation dans une classe où tout est prêt : une formule au tableau, magique pour les non initiés : A1 E1 C3 M1 O1 P3 R1, mais aussi des dictionnaires sur chaque table. Le professeur de mathématiques prend la parole et alors, la formule magique s'éclaire. C'est le résultat du jeu du matin. Chaque séance s'ouvre sur son rituel du moment: une forme de scrabble pour cette classe. Ce jeu est choisi parce qu'il allie des compétences orthographiques et des calculs arithmétiques pour parvenir au meilleur score chiffré.

Ortho-math, un hybride ?

Donc, Ronan Madigou donne les résultats du jeu du matin, mais en profite pour interroger nominativement
chaque élève. Tu peux me dire comment tu écris "pomme" ? Que voulais-tu dire quand tu as écrit "Acem" ? L'explication permet d'identifier le sigle Atsem et de préciser que ce n'est pas un nom, mais une façon facile de désigner les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles ! Au passage, l'erreur n'est jamais stigmatisée : le professeur de français commente : c'est vrai que lorsque l'on joue au scrabble, on a envie d'inventer des mots ! Chacun est entré dans le jeu, et à peine cinq minutes se sont passées. Très vite, le relais est pris par Anne Pothier. Nous sommes bien dans une séance à dominante français : une dictée des mots du répertoire. En effet, chaque élève possède un carnet-répertoire dans lequel il va inscrire sa collection de mots issus de toutes les disciplines, et ce carnet le suivra jusqu'en troisième. Au menu du jour : "appartenir, dixième et dizaine, pentagone et sécante"... On l'a compris, l'orthographe est aussi une affaire de mathématiques, à moins que ce ne soit l'inverse ! Une phrase pour finir l'exercice : "une dizaine de droites parallèles traversent le pentagone". Un clin d'œil au cours de mathématique du matin, auquel répond le collègue qui dessine la figure suggérée par une telle phrase au tableau. Vite, et à deux, les feuilles sont ramassées, un polycopié est distribué et on va pouvoir passer au plat principal du menu. À peine dix minutes se sont passées depuis l'entrée en classe.


Lire les articles de dictionnaire

Le professeur de mathématiques, maintenant un peu en retrait, circule, en profite pour observer, intervient discrètement sur une mise en page de photocopie ou sur une attitude d'un élève qui décroche. Pendant ce temps, Anne Pothier revient sur ce qu'on a vu à la séance précédente : classe grammaticale, phonétique, exemple ou étymologie. Aujourd'hui, il s'agit d'identifier les différentes définitions et de les distinguer des exemples. Le choix des mots n'est pas anodin : triangle, double. Les élèves lisent, expliquent, reformulent. Au tableau, le professeur note les réponses en reproduisant le schéma du polycopié. Malgré cela, quelques-uns hésitent ou se distraient. À ce moment, le collègue est là pour pointer du doigt une information, vérifier, remettre l'un ou l'autre dans l'action. Tout cela se joue dans un climat visible de bonne humeur : le visage d'une élève s'éclaire au moment où elle comprend, grâce à l'étymologie latine, pourquoi l'endroit où elle habite se nomme duplex. Un autre provoque des sourires lorsqu'en cherchant le mot antonyme, il lance Antonini... le nom du maire d'Angers ! Vient maintenant le temps d'une recherche dans les dictionnaires. Un peu de trouble quand la définition du dictionnaire n'est pas exactement formulée comme en mathématiques. Explication du professeur de math, justement. Le travail continue, mais déjà, c'est le signal de la fin du cours.

Atout math ?...

Maintenant, reprenons une séance à dominante mathématiques. En ce début de sixième, tous les enseignants, en concertation, se sont accordés pour traiter de manière conjointe une part du programme de mathématiques et la compétence qui en découle : écrire les chiffres et les nombres. On le comprend aisément, maîtriser une telle compétence a d'autant plus de chances d'être acquis quand les élèves voient enseignants de français et mathématiques œuvrer ensemble. Savoir comment on réalise un accord - qui ne se souvient pas des efforts pour appliquer la règle de vingt et cent ? - à quel moment on place ou non un trait d'union, autant de raisons de s'atteler à deux à cette même source de difficultés. Un autre exemple : en mathématiques, les élèves doivent maîtriser la numération de position avec des nombres entiers, mais aussi avec des décimaux. Cette compétence déjà travaillée à l'école primaire doit se poursuivre en 6e pour assurer une compréhension en profondeur du système d'écriture chiffrée. Les deux séances intitulées "Devinettes" vont non seulement leur rappeler le nom de chacun des chiffres composant un nombre décimal, mais également les mettre en situation de rédiger des devinettes. Corrigées conjointement par le professeur de français et de mathématiques, puis "publiées" sous la forme d'une séance avec nom d'auteur, ces devinettes reflètent parfaitement l'association maths-français pour un meilleur réinvestissement des connaissances.

... ou atout français ?

Mais quelquefois, il arrive aussi que le tandem d'enseignants décide de prendre à bras-le-corps une compétence transversale. Ainsi, ce lundi, c'est Carole Merlet, professeur de français, qui intervient avec François Mouro pour un travail d'apprentissage de règles de mémorisation d'une leçon. En mathématiques comme en français. Elle mène le jeu pour mettre en scène différentes postures possibles : gestion visuelle ou auditive, répétition ou mime, déambulation. De fait, ce jour-là, il s'agit d'une séance consacrée à l'apprentissage d'une leçon de français : cinq règles autour de l'accord sujet / verbe. Cette séance est la conséquence d'un constat: les élèves éprouvent des difficultés à apprendre les leçons, et beaucoup se trouvent démunis face à cette tâche a priori simple. La séance débute par la création collective de la carte heuristique autour de la notion. C'est plutôt le professeur de français qui, à ce moment, a la main. Les différents types de gestion mentale de l'apprentissage - gestion visuelle ou auditive, répétition ou mime, déambulation - se suivent et se mettent en scène. François Mouro, le professeur de mathématiques, aide à "repérer" les élèves qui ont le plus de difficultés. Il est ainsi plus facile de les solliciter. La gestion du cours est très souple : chacun circule dans les rangs, tous les deux vérifient si la carte a été recopiée correctement. Un signe de l'un permet de signaler discrètement à l'autre si tel ou tel élève est perdu. La fin de la séance est marquée par un "test". Tous ont progressé. Enfin, pour fixer un peu les avancées, les enseignants essaient de faire dire à chaque élève sa méthode retenue pour apprendre une leçon !
Pendant la séance, toutes les méthodes proposées et "éprouvées" en classe dans la séance seront reprises en mathématiques autour de l'apprentissage de notions de mathématiques. Cette séance est rappelée à chaque fois qu'il y a une leçon à apprendre par cœur, en mathématiques comme en français !

Concertation et non contorsion

Pour pouvoir réaliser ce travail commun, cinq enseignants disposent d'une heure de concertation hebdomadaire. Ils y choisissent les compétences communes qu'ils travailleront et articuleront, définiront la part respective de chacun. Mais ils échangent aussi sur leurs réussites et échecs, et préparent, sous le regard des uns et des autres, les grandes lignes de leurs supports. Tous leurs cours sont mis à la disposition de tous dans un classeur-ressource. Certes, cette année, ils disposent d'une heure supplémentaire qui leur est allouée pour l'ensemble des expérimentations mises en œuvre. Bien sûr, c'est loin de couvrir l'ensemble du temps de travail supplémentaire consenti. Pour autant, ils s'accordent à reconnaître l'importance de cette reconnaissance symbolique. Un investissement qu'ils ne regrettent pas, car ils sont visiblement habités par la passion de ne pas abandonner leurs élèves sur le bord du chemin, et la joie de partager leur expérience ; ils ont l'impression que ce mode de travail y contribue. Pour autant, ce temps de concertation est aussi l'occasion d'interrogations. Tous s'accordent pour dire que cette nouvelle répartition du temps ne fonctionne que si tout est prêt avant la séance. Les pauses sont rognées pour assurer ces préparatifs dans la salle. Pour d'autres nouvellement nommés, en services partagés, qui viennent d'intégrer l'établissement, c'est à une refonte complète de toutes leurs programmations et des supports qu'ils doivent procéder, en découvrant ce mode d'organisation. D'autres questions se posent, plus fondamentales : est-ce que la fragmentation du temps ne va pas dans le sens d'une réduction du temps d'attention ? Est-ce que c'est ainsi que l'on construit des capacités d'attention et de concentration ? Il faudra donc peut-être envisager à d'autres niveaux de coupler progressivement deux séances, pour les conduire à des travaux qui demandent plus de temps. Affaire à suivre, donc !
 
auteur(s) :

C. Riou

contributeur(s) :

C. Humbert-Mohammedi, F. Mouro, R. Madigou, D. Lepage, A. Pothier, C. Merlet

fichier joint

information(s) technique(s) : pdf

taille : 244 Ko ;

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