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mettre du son sur des mots

mis à jour le 12/12/2012


echanger dossier 8

Depuis plus de quinze ans, la filière L souffre d'un déficit d'attractivité, c'est pourquoi elle est souvent délaissée au profit d'autres filières. À Sillé le Guillaume, le défi a été relevé de redorer son blason afin d'y faire venir des élèves motivés par la recherche d'une expérience nouvelle.

mots clés : échanger, option atelier, revalorisation


Comme partout ailleurs, la situation de la filière L était plutôt insatisfaisante au lycée Scarron de Sillé le Guillaume, d'autant plus que cet établissement, situé en zone rurale dans le nord de la Sarthe, n'accueille que deux cent cinquante élèves environ. Ainsi, les élèves de première L et de terminale L étaient de moins en moins nombreux, et les résultats, en réalité peu parlants en raison du faible nombre de candidats de cet établissement, s'avéraient décevants. Beaucoup d'élèves s'en allaient auMans où les lycées proposant la filière L étaient dotés d'options obligatoires artistiques plus attirantes. Par ailleurs, les débouchés supposés être préparés par la filière L n'étaient pas non plus satisfaisants au regard des espérances des élèves, espérances dues à des représentations limitées. C'est pourquoi il a été décidé de prendre le taureau par les cornes en profitant d'un atout local majeur, en l'occurrence la station de radio, que l'on ne peut cependant pas apparenter à une radio scolaire dans la mesure où elle émet près de trente kilomètres autour de la ville de Sillé. Cette radio (Fréquence Sillé) est d'ailleurs la plus importante radio française implantée dans un milieu scolaire, puisqu'elle comporte huit salariés. Il s'agit d'une radio associative qui fédère des énergies locales, et s'appuie sur des partenariats nombreux qui en font un média débordant du cadre scolaire dans lequel on pourrait la limiter au vu de son implantation physique.

Intégration de la radio dans l'enseignement

Il s'est donc agi de rendre la classe L plus attractive en mettant à l'emploi du temps des élèves de première et de terminale L une heure d'enseignement de radio. Ce cours repose sur la connaissance et la maîtrise de l'outil technique, mais surtout sur l'utilisation pertinente et efficiente qui peut en être faite. Ce média n'étant pas reconnu dans le cadre des enseignements - ce n'est pas un domaine artistique et il n'y a donc pas de référentiel le concernant, comme il peut y en avoir, par exemple, dans l'enseignement cinéma-audiovisuel - il a fallu l'adosser à une discipline forte ; ce fut le français qui a été choisi pour être la matière liée. Ainsi, il a été possible de rendre du sens à la filière en lui ajoutant la dimension média, ce qui permet d'ouvrir davantage les champs d'orientation de la filière L aux métiers de la communication. Cette innovation pédagogique a donc été intégrée au projet d'établissement, en en faisant ainsi une des actions fortes et soutenues par l'établissement dans son ensemble. Par ailleurs, le contrat d'objectifs, réalisé en 2008, contient des indicateurs chiffrés que cette innovation a permis d'atteindre par l'accroissement du nombre d'élèves en filière terminale et par l'augmentation du taux de réussite au baccalauréat.

Deux pôles


Très rapidement, une évolution, quant aux activités sonores et radiophoniques, s'est faite. D'une part, l'atelier radio a pris toute sa place dans l'enseignement de la filière, et nombre de projets ont été construits afin de participer réellement à la vie de la radio locale dans le cadre de ce cours. D'autre part, un atelier artistique de mise en voix a permis justement aux élèves de mettre en voix des textes d'auteurs ou d'autres écrits par eux-mêmes sous la férule d'une artiste, Évelyne Poincheval, qui intervient auprès d'eux. Ils ont pu créer des œuvres sur cédérom, les présenter dans le cadre de festivals ou d'animations littéraires (Salon du livre à Paris, festival de radio de Brest, 25e Heure du livre duMans), et rencontrer des écrivains (l'an passé, la première L a été choisie afin de représenter les lycées sarthois dans l'opération Goncourt des lycéens). Cet atelier de mise en voix puise ses élèves dans ceux qui ont choisi la filière L, car ceux-ci y sont fortement incités. De cette manière, si cet enseignement peut n'apparaître qu'à travers la seule heure dans l'emploi du temps des élèves, il est en réalité beaucoup plus complet qu'il ne le semble.

La mise en voix, pourquoi ?

Cet atelier, ainsi que l'atelier radiophonique, est bien entendu ouvert à tous les élèves du lycée, mais ce sont surtout, et tout naturellement, les élèves de la filière L qui sont les plus nombreux à s'investir dans cette activité. En classe de 1re, il s'agit de produire des lectures à partir des œuvres liées à l'objet d'étude autobiographique: soit des textes d'auteurs, soit des textes écrits par les élèves eux-mêmes (ce qui leur permet de préparer ainsi l'écriture d'invention). L'an passé, le point de départ était constitué des livres du prix Goncourt des lycéens, au sujet duquel le thème du héros s'imposait. En classe de terminale, il s'agit de faire découvrir la production à laquelle on a participé, en allant dans des festivals, en proposant des auditions publiques (au lycée ou dans d'autres lieux) et en diffusant cette production sur les ondes de Fréquence Sillé. Cet atelier est devenu partie intégrante de la filière L, dans la mesure où des élèves de seconde ont assisté à des séances d'audition. Eux aussi veulent relever ce défi, en tentant de faire aussi bien que leurs aînés, même s'ils font preuve d'une grande modestie, d'abord.

Fondamentaux du travail sur la lecture

Le travail sur la lecture met en jeu une multiplicité de paramètres, de compétences qu'il s'agit d'étendre, et dont il faut prendre conscience. Ce n'est pas une activité mineure. Ce n'est donc pas seulement le sens auditif qui est mis en jeu, mais plusieurs sens qu'il faut enrichir, notamment en faisant prendre conscience aux élèves du passé (donc de l'histoire) de leurs sens. Il est possible de faire un "cinéma pour l'oreille". Des expériences vocales s'élaborent: on lit, on s'écoute et on écoute les autres. Le son de chacun est particulier, intéressant, voire déroutant. Il faut écouter la voix, la résonance et la musicalité (le retour à son histoire peut altérer le sens des mots, et ne laisse pas toujours la liberté aux lecteurs). On relève trois aspects essentiels et inséparables dans cet exercice : l'appropriation du texte, la liberté de l'auteur, la liberté du lecteur. Des élèves réservés s'expriment grâce à cette expérience, et il faut apprendre à devenir à l'aise avec sa voix quand on l'écoute après l'enregistrement. L'institution scolaire peut parfois apparaître comme une contrainte pour les élèves ; elle devient, dans le cadre de cet atelier, une liberté possible de rencontre avec soi-même et les autres. Cette mise en voix recèle de multiples avantages, tant pour la personnalité de l'élève que pour le travail qu'on lui demande de fournir dans le cadre de l'enseignement. En tant qu'enseignant, on mesure à quel point elle éclaire les textes et les révèle, afin d'enrichir la connaissance qu'on peut en avoir dans le cours de français qu'elle complète pertinemment.

Les élèves

En juin dernier, dix-huit élèves de seconde ont choisi de demander une première L, ce qui est un nombre important dans ce lycée polyvalent proposant des filières générales et tertiaires. Beaucoup d'élèves de Sillé connaissent cette filière et son option innovante, dans la mesure où ils ont déjà fréquenté la radio ou l'atelier de mise en voix lorsqu'ils étaient au collège. Ils n'ont pas d'appréhension ou de regard distant sur la L. Beaucoup d'élèves de première L ont donc fait le choix avec lucidité, et pas seulement par crainte des sciences de la filière S. Même si les motivations sont variables, peu à peu, en cours d'année, et depuis que ce projet a été reconnu comme une innovation pédagogique par le rectorat en 2007, les élèves ne considèrent plus cette voie comme celle qu'ils empruntent à défaut d'aller dans les autres. On peut constater que les résultats du bac L à Sillé sont plus élevés que les résultats départementaux, académiques et nationaux, même si le faible nombre d'élèves ne permet pas d'en tirer des conclusions définitives et certaines. Ces résultats se sont donc notablement améliorés dans la mesure où ils étaient inférieurs à toutes les moyennes avant la mise en place de cette innovation. Il est vrai que, si certains élèves n'avaient pas choisi volontairement cette filière L, ils font preuve néanmoins d'une grande motivation qui les pousse même à utiliser le support radio dans le cadre des Travaux personnels encadrés (TPE), tant la radio valorise cette section.

Les compétences acquises

Cette filière apporte aux élèves des raisons de se motiver à travers une meilleure image qui leur est ainsi donnée. En effet, alors que le nombre d'élèves ayant choisi la première L semble plus faible que dans les autres lycées sarthois, ces élèves développent des compétences telles que la responsabilité liée d'une part au travail en groupe (puisque toute œuvre sonore dépend de l'engagement réel des uns et des autres), et d'autre part au nombre conséquent d'auditeurs susceptibles de juger le travail réalisé par les élèves. Les compétences telles que la qualité d'écoute, de dialogue, de lecture et d'écriture sont aussi développées. Cet enseignement ne se situe pas dans un référentiel défini, mais dans le cadre des actions menées par les enseignants et les intervenants. On note aussi une évolution de certains comportements. Par exemple, une élève exprimait une timidité excessive ; à l'occasion d'un travail radiophonique, elle a été capable de se dépasser afin de pouvoir enfin parler publiquement. L'enseignement de la radio est d'ailleurs fondé sur le diptyque apprendre et agir consistant à réaliser des activités radiophoniques ou uniquement sonores sur tel ou tel sujet, afin de mieux maîtriser l'outil technique, de mieux connaître le sujet concerné, et de mieux utiliser le langage en fonction des situations rencontrées.

Aller en classe et puis sortir

Cette option permet aussi aux élèves de mener des projets à l'extérieur. Bien entendu, il faut compter sur la bienveillance des collègues enseignants des classes L qui voient souvent des élèves non pas en classe, mais sur le terrain, proche ou lointain, mener un travail sonore ou radiophonique. C'est ainsi que des élèves se sont rendus à Schengen et à LaHaye, que d'autres vont se rendre au Parlement européen, avec vingt-cinq journalistes sarthois, pour, d'une part, voir comment les journalistes travaillent (en les interrogeant), et d'autre part, rencontrer des lobbyistes, voire des députés européens. Il s'agira de travailler auprès des journalistes et avec les journalistes, afin de parfaire son expérience. Plus tard dans l'année, il sera question d'interviewer Simone Veil dans le cadre d'un projet sur la Shoah. Un projet Comenius est aussi en cours d'élaboration.

Après le bac L à Sillé

Cette revalorisation passe donc par une meilleure vision des orientations qui suivent le baccalauréat. Cette option apparaît ainsi dans le dossier des élèves (dans le cadre des options facultatives), et leur permet d'en faire état dans leur poursuite d'études. Elle est notamment la bienvenue pour intégrer des écoles de communication et de journalisme, des IUT de journalisme ou de publicité, voire des écoles d'art. Les élèves peuvent faire montre de leur(s) expérience(s) qui les valorise(nt) par rapport à d'autres élèves qui n'ont pas cette option. La filière L n'est plus seulement une filière littéraire et linguistique, car elle acquiert des aspects plus techniques et semi-professionnels.

La langue

Cette option est aussi le lieu, essentiel pour les élèves de la filière L, où ils prennent conscience de la diversité des langages, de leur potentialité. En première, au sein de l'atelier, ils travaillent sur des textes, qu'ils enregistrent en terminale. Du côté de l'option, ils maîtrisent désormais cette langue radio où se mêlent l'écrit et l'oral, puisqu'une question et une intervention font d'abord l'objet d'un travail sur feuille, d'un plan, d'un conducteur. Il ne s'agit pas seulement de rédiger un devoir pour un enseignant, de préparer un oral sur une œuvre ou sur un document, il s'agit de communiquer des propos à un public face auquel il est nécessaire d'être clair, percutant, concis, et pourtant rigoureux (comme tout enseignement, des consignes sont nécessaires, donc indispensables). Pour des élèves de L, la question du langage oral et écrit, de la position du locuteur et de l'interlocuteur, et de la situation concernée est essentielle. Là est sans doute le cœur de cet enseignement facultatif de radio : revaloriser une filière pour mieux revaloriser les élèves.
 
auteur(s) :

P. Chéry

contributeur(s) :

M. Allard, M. Lucas, C. Dufeu, É. Poincheval, Lycée Paul-Scarron, Sillé le Guillaume [72]

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