innovation pédagogique

Le lycée professionnel Léonard-de-Vinci offre diverses formations dans quatre champs professionnels : les métiers de la mode, la vente-pressing, le tertiaire administratif avec les baccalauréats professionnels secrétariat, comptabilité et gestion-administration, et le sanitaire et social avec les baccalauréats professionnels accompagnement soins et services à la personne, services de proximité et vie locale, et le CAP petite enfance. Parmi les quatre cents élèves de cet établissement, 50 % sont issus de Segpa et 25 % sont des jeunes allophones provenant de classes d'intégration. D'autres arrivent dans le cadre de missions d'insertion. Il s'agit donc d'un public très hétérogène, volatil, et majoritairement féminin, puisqu'on ne compte qu'une trentaine de garçons. 2009 a été une année charnière qui a vu la réforme du baccalauréat professionnel en trois ans, ainsi qu'une désaffection pour la formation aux métiers du pressing. En effet, la plupart des élèves se sentaient plus attirés par les métiers de la vente qui jouissent d'une représentation plus attractive, alors que les débouchés sont plus nombreux en pressing qu'en vente. Il fallait donc s'adapter au risque que ne ferme cette section par pénurie de candidats. Lors du recrutement, les élèves s'orientant vers la vente ont été reçus en entretien individuel pour connaître leurs motivations. Il s'est avéré qu'il fallait rénover le CAP métiers du pressing en l'élargissant à la vente et au prêt-à-porter afin, notamment, de sauver les ateliers techniques dont les machines risquaient de tomber en désuétude.

Pour répondre aux besoins, il a été décidé que la première année serait "polyvalente" et intitulée "habillement-vente-pressing". Après avoir été initiés à ces trois champs, les élèves, en seconde année, choisiraient l'un d'entre eux afin de présenter le CAP correspondant. "Polyvalente", la première année constitue donc une année de détermination durant laquelle est effectuée une semaine de stage dans chaque secteur professionnel avant d'en réaliser quatre dans la branche choisie. Encore fallait-il élaborer les contenus et organiser les enseignements de cette expérimentation. Les professeurs ont donc comparé les référentiels des trois CAP afin d'y repérer des compétences transversales. Qu'il s'agisse de pressing, de prêt-à-porter ou de commerce, ces activités ont pour point commun d'avoir affaire aux vêtements. Cette préparation, aidée, il est vrai, par la réforme du baccalauréat professionnel en trois ans, a demandé pas moins d'un an. En enseignement général, il s'agit d'un tronc commun. Au final, l'emploi du temps de la première année de CAP "HVP" est conçu ainsi. En enseignement général, trois heures de français-histoire-géographie, trois heures et demie de mathématiques, une heure d'anglais, une demi-heure d'éducation à la citoyenneté, juridique et sociale, et deux heures d'éducation physique et sportive. En enseignement professionnel, les heures se répartissent équitablement en six heures de pressing, autant d'habillement et autant de vente dont un enseignement qui touche à la prévention, la sécurité et l'environnement. La première année de formation constitue donc une phase de découverte dont les étapes sont consignées au sein d'un livret de suivi qui fait état des divers apprentissages. Pour chacun des trois secteurs, sont récapitulés les types de lieux d'exercice et les activités professionnelles spécifiques. Par exemple, à propos du pressing, sont énumérés les aspects suivants : la relation avec la clientèle, les opérations commerciales et de gestion liées à l'activité du magasin, la réception, le conditionnement et la livraison des articles, le diagnostic au tri, au repassage, au contrôle de qualité, la conduite des machines spécifiques pour le nettoyage et la remise en état des articles.

À la rentrée 2009, a donc été créé ce pôle de qualification conduisant à l'utilisation d'un livret de suivi et de positionnement affiné au fil des ans. Destiné à accompagner l'élève pendant ses années au lycée, il est rempli par les différents acteurs du lycée : l'élève lui-même, les professeurs, les maîtres de stage et la conseillère d'orientation si besoin. Il doit permettre de mieux évaluer les compétences et les aptitudes de l'élève. Il a pour vocation de l'aider à s'évaluer à chaque moment de sa formation et, au final, à choisir son orientation. Il sert aussi de livret de liaison au sein de l'équipe pédagogique ; c'est pourquoi il reste dans l'établissement. Chaque élève a un professeur tuteur qu'il rencontre trois fois par an afin de faire le point en utilisant son livret de positionnement. La dernière partie intitulée "Mon projet" se décline en : ma personnalité, mon positionnement, mes qualités professionnelles et le métier envisagé. Sur le plan de la personnalité, une série de traits de caractère tels que le sens du contact ou la réaction aux critiques y figurent (voir annexe). En fin de première année, le choix du CAP de seconde année s'effectue lors d'un entretien d'orientation qui se déroule en équipe avec la CPE et les professeurs des trois champs professionnels. Les compétences listées sur le livret facilitent et justifient le choix d'orientation avec plus d'objectivité. À l'avenir, celui-ci deviendra un outil contractuel entre le jeune, ses parents et le lycée. Par exemple, pour passer en seconde année, il faut avoir validé six semaines de stages et donc y avoir été assidu. Comme aide au projet personnel et à la décision, une page recense les qualités professionnelles à mettre en œuvre pendant sa formation au regard des activités concernées. Le tuteur tient à jour l'acquisition ou non de ces compétences.

Ce CAP est organisé avec des effectifs modestes, soit deux groupes de douze élèves, dont un composé d'élèves issus de Segpa. Des différences d'âge et de maturité existent aussi de par l'intégration, par exemple, de jeunes en situation d'insertion. L'hétérogénéité du public oblige à une pédagogie différenciée selon le degré d'autonomie ou de guidage. Les enseignants disent qu'à chaque séance correspond un dispositif à géométrie variable. En deuxième année, est ajouté un cours d'écogestion dans la mesure où certains anciens élèves ont ouvert leur propre affaire. Afin de lutter contre le décrochage, des parcours individualisés sont proposés, consistant, par exemple, à préparer un raccrochage en apprentissage. Le lycée accueille aussi des élèves en situation de handicap. Une dimension importante de la formation concerne le savoir-être. Des modules liés à l'image de soi sont mis en place en rapport avec les obligations professionnelles. Des conseils sont prodigués par une esthéticienne ; des jeux de rôles permettent de gérer le stress, un atelier théâtre de vaincre ses inhibitions et de se réconcilier avec soi-même. On insiste aussi sur les capacités humaines indispensables dans ces métiers. On trouve l'écho de ces apprentissages dans les pages du livret de positionnement dédiées aux compétences professionnelles qui incluent des qualités physiques, relationnelles et sociales (voir annexe). Un entretien trimestriel avec l'équipe, dont son tuteur, permet en effet à l'élève de faire émerger, à partir de celles-ci, son profil, et de choisir en connaissance de cause le secteur professionnel le plus approprié.

Le livret liste des compétences transversales qui sont acquises dans les trois secteurs de l'habillement, de la vente et du pressing. Il contient un portefeuille qui recense le capital de compétences d'ordres professionnel, personnel et social. Un avantage non négligeable de ce CAP "polyvalent" est de pouvoir décerner à l'élève un certificat relatif aux autres secteurs. Il ne s'agit pas d'une mention complémentaire telle que, par exemple, "essayage-retouches-vente" qui s'ajoute au baccalauréat professionnel métiers de la mode ; mais ce document, qui atteste de l'acquisition de compétences spécifiques par un stage et un enseignement, a sa valeur sur le marché du travail. Ainsi, à l'issue des deux ans, un élève qui obtient, par exemple, un CAP métier du pressing détient dans le même temps deux certificats en employé de commerce multispécialités et en métier du prêt-à-porter (voir annexe). Finalement, c'est donc en s'adaptant que cette formation a pu persister. En juin 2011, douze élèves ont obtenu le CAP employé de commerce, et six seulement le CAP métier du pressing, ce qui reflète assez la préférence pour la vente, mais sans négliger pour autant une formation qui a su s'intégrer à un ensemble plus vaste.