"Vous êtes responsable d’un grand magasin d’électro-ménager. Ce matin, avant l’ouverture, vous devez l’inspecter, vérifier que tout est à sa place, que le nettoyage a été correctement effectué, etc. Vous disposez d’une tablette sur laquelle vous noterez votre compte-rendu auquel vous pouvez associer des photographies." Dans le cube immersif
1, l’élève est muni d’une ou deux télécommandes et de lunettes actives 3D. Il va progresser et agir dans le magasin projeté en 3D face à lui et sur les côtés, dans l’univers où tout est à taille réelle. L’exercice dure quelques minutes, quinze au maximum. À la fin, l’ordinateur affiche un bilan de l’activité (les compétences acquises ou pas, le temps passé sur la surface de vente, la pertinence des photographies prises et intégrées au compte-rendu, etc.) qui servira de support pour un temps d’échange et d’analyse avec l’enseignant. L’élève a-t-il été efficace, a-t-il mené sa tâche avec professionnalisme ? "L’intérêt majeur de cette pratique est de contextualiser les apprentissages, explique S. Renoux. L’élève doit réagir en temps réel, face à des situations qu’il n’a pas forcément anticipées, exactement comme dans la vie professionnelle."

L’outil est attractif, ludique. Les élèves, souvent habitués aux manettes des jeux vidéo, s’en emparent avec aisance. Mais le CAVE vient surtout enrichir leur formation. Prenons l’exemple de la maintenance d’une fardeleuse
2. L’atelier du lycée est équipé de cette machine. Les élèves apprennent notamment à la dépanner dans l’univers sécurisant de ce lieu de formation. La fardeleuse a été virtualisée, et, dans le CAVE, les lycéens vivent une expérience toute autre : en professionnels, ils doivent réparer la machine dans un contexte de production industrielle. L’univers sonore est réaliste et l’élève n’est pas seul dans ce contexte d’entreprise. Un collègue virtuel vient à plusieurs reprises perturber son travail : "Dépêche-toi… J’attends parce que… Pourquoi es-tu aussi lent ?". L’élève doit réagir face à cette situation susceptible de générer du stress. Il prend ainsi conscience de la pression existante en entreprise car la panne génère un enjeu sur la productivité. La seule expertise en maintenance ne suffit pas pour devenir un professionnel compétent. L’exercice permet donc à l’élève de se confronter à un univers professionnel réaliste tout en intégrant une mise à distance constructive : c’est l’avatar que l’on voit agir en simultané et aussi quand on visionne le film de l’activité une fois qu’elle a été menée. Cela favorise la prise de conscience, l’analyse objective du travail, sans stigmatiser les erreurs.
"Nous avions le lycée, les stages en entreprise, le CAVE constitue aujourd’hui un troisième lieu de formation intermédiaire", note S. Renoux. Il permet à chacun de mener une réflexion en profondeur sur sa pratique. À quels moments de la formation intervient-il ? Le professeur l’utilise selon différentes modalités pédagogiques. Dans le cadre d’une séance qui vise à expérimenter pour revoir avec le groupe certains apprentissages, un élève peut réaliser l’activité tandis que les autres sont spectateurs. Ils peuvent conseiller leur camarade aux manettes, avoir identifié puis faire part des bons gestes professionnels au moment du bilan. L’expérience, qu’elle soit menée aux manettes ou dans la posture d’observateur, donne du sens aux apprentissages grâce à son approche concrète. À d’autres moments, l’exercice en immersion virtuelle constitue un levier pour une remédiation efficace et rapide. Il permet par exemple de voir la fardeleuse dans son contexte industriel. Cela influe sur les gestes professionnels, ce dont les élèves n’ont pas forcément conscience et l’explication verbale ne suffit pas toujours. Dans ce cas, S. Renoux propose à l’élève concerné, seul, de réaliser l’expérience virtuelle qui va lui permettre de comprendre l’explication de son professeur en agissant et en visualisant. Le fait que le CAVE soit situé dans l’atelier du lycée facilite son accès et son utilisation. D’autres fois, c’est l’élève qui demande au professeur de vivre un nouveau scénario. En effet, chaque scénario pédagogique est conçu avec des variables qui permettent d’évaluer différents niveaux d’acquisition des compétences travaillées. L’élève qui a déjà validé un premier niveau peut, quand il est prêt, demander à son enseignant de passer au second niveau.
S. Renoux souligne l’importance et la nécessité des temps de verbalisation pour permettre à l’élève de faire évoluer sa pratique. La réalisation de l’activité est intégralement tracée sous forme de vidéo et de listes de compétences acquises ou non. On peut donc ensuite passer le film pour revoir et analyser les choix et les gestes professionnels mis en œuvre. Ainsi, l’élève conscientise ses réussites et ses difficultés. La trace informatique nourrit l’entretien qui suit l’activité. Pour cette phase de debriefing, l’échange peut être mené en tête-à-tête avec le professeur qui questionne, incite l’élève à justifier ses choix. "Quelle réflexion t’a permis d’agir ? Qu’est-ce qui t’a décidé à prendre cette photo ? etc." Il fait ainsi émerger les compétences professionnelles acquises mais également des compétences transversales (par exemple s’approprier, analyser, réaliser, valider, communiquer, être autonome, faire preuve d’initiative). Cette étape pourrait se faire à l’écrit mais l’enseignant souligne qu’il est plus efficace de passer par l’entretien d’explicitation. Grâce au support visuel, l’échange est fructueux, limpide. Néanmoins, il est encore un peu tôt pour savoir si l’analyse se trouve enrichie par rapport à celle d’un travail plus classique mené en atelier ou en classe. Les compétences du référentiel d’activités professionnelles ciblées dans chaque scénario sont intégrées à la programmation.