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quand la réalité virtuelle vient enrichir la formation des èlèves

mis à jour le 10/09/2018


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Au lycée professionnel Claude Chappe (Arnage), Stephen Renoux, formateur académique et professeur de MSE (maintenance des systèmes éoliens) et MEI (maintenance des équipements industriels), utilise dans ses cours un cube immersif (CAVE) depuis la rentrée 2017. Grâce à cet outil, il plonge ses élèves dans une réalité virtuelle scénarisée qui les place en situation professionnelle. Quelle plus-value cette démarche apporte-t-elle à la formation des élèves ? Comment l’utiliser ? Quels changements pédagogiques et didactiques nécessite-t-elle pour les enseignants ?

mots clés : échanger, cube immersif, réalité virtuelle, lycée professionnel


"Vous êtes responsable d’un grand magasin d’électro-ménager. Ce matin, avant l’ouverture, vous devez l’inspecter, vérifier que tout est à sa place, que le nettoyage a été correctement effectué, etc. Vous disposez d’une tablette sur laquelle vous noterez votre compte-rendu auquel vous pouvez associer des photographies." Dans le cube immersif1, l’élève est muni d’une ou deux télécommandes et de lunettes actives 3D. Il va progresser et agir dans le magasin projeté en 3D face à lui et sur les côtés, dans l’univers où tout est à taille réelle. L’exercice dure quelques minutes, quinze au maximum. À la fin, l’ordinateur affiche un bilan de l’activité (les compétences acquises ou pas, le temps passé sur la surface de vente, la pertinence des photographies prises et intégrées au compte-rendu, etc.) qui servira de support pour un temps d’échange et d’analyse avec l’enseignant. L’élève a-t-il été efficace, a-t-il mené sa tâche avec professionnalisme ? "L’intérêt majeur de cette pratique est de contextualiser les apprentissages, explique S. Renoux. L’élève doit réagir en temps réel, face à des situations qu’il n’a pas forcément anticipées, exactement comme dans la vie professionnelle."

L’outil est attractif, ludique. Les élèves, souvent habitués aux manettes des jeux vidéo, s’en emparent avec aisance. Mais le CAVE vient surtout enrichir leur formation. Prenons l’exemple de la maintenance d’une fardeleuse2. L’atelier du lycée est équipé de cette machine. Les élèves apprennent notamment à la dépanner dans l’univers sécurisant de ce lieu de formation. La fardeleuse a été virtualisée, et, dans le CAVE, les lycéens vivent une expérience toute autre : en professionnels, ils doivent réparer la machine dans un contexte de production industrielle. L’univers sonore est réaliste et l’élève n’est pas seul dans ce contexte d’entreprise. Un collègue virtuel vient à plusieurs reprises perturber son travail : "Dépêche-toi… J’attends parce que… Pourquoi es-tu aussi lent ?". L’élève doit réagir face à cette situation susceptible de générer du stress. Il prend ainsi conscience de la pression existante en entreprise car la panne génère un enjeu sur la productivité. La seule expertise en maintenance ne suffit pas pour devenir un professionnel compétent. L’exercice permet donc à l’élève de se confronter à un univers professionnel réaliste tout en intégrant une mise à distance constructive : c’est l’avatar que l’on voit agir en simultané et aussi quand on visionne le film de l’activité une fois qu’elle a été menée. Cela favorise la prise de conscience, l’analyse objective du travail, sans stigmatiser les erreurs.

"Nous avions le lycée, les stages en entreprise, le CAVE constitue aujourd’hui un troisième lieu de formation intermédiaire", note S. Renoux. Il permet à chacun de mener une réflexion en profondeur sur sa pratique. À quels moments de la formation intervient-il ? Le professeur l’utilise selon différentes modalités pédagogiques. Dans le cadre d’une séance qui vise à expérimenter pour revoir avec le groupe certains apprentissages, un élève peut réaliser l’activité tandis que les autres sont spectateurs. Ils peuvent conseiller leur camarade aux manettes, avoir identifié puis faire part des bons gestes professionnels au moment du bilan. L’expérience, qu’elle soit menée aux manettes ou dans la posture d’observateur, donne du sens aux apprentissages grâce à son approche concrète. À d’autres moments, l’exercice en immersion virtuelle constitue un levier pour une remédiation efficace et rapide. Il permet par exemple de voir la fardeleuse dans son contexte industriel. Cela influe sur les gestes professionnels, ce dont les élèves n’ont pas forcément conscience et l’explication verbale ne suffit pas toujours. Dans ce cas, S. Renoux propose à l’élève concerné, seul, de réaliser l’expérience virtuelle qui va lui permettre de comprendre l’explication de son professeur en agissant et en visualisant. Le fait que le CAVE soit situé dans l’atelier du lycée facilite son accès et son utilisation. D’autres fois, c’est l’élève qui demande au professeur de vivre un nouveau scénario. En effet, chaque scénario pédagogique est conçu avec des variables qui permettent d’évaluer différents niveaux d’acquisition des compétences travaillées. L’élève qui a déjà validé un premier niveau peut, quand il est prêt, demander à son enseignant de passer au second niveau.

S. Renoux souligne l’importance et la nécessité des temps de verbalisation pour permettre à l’élève de faire évoluer sa pratique. La réalisation de l’activité est intégralement tracée sous forme de vidéo et de listes de compétences acquises ou non. On peut donc ensuite passer le film pour revoir et analyser les choix et les gestes professionnels mis en œuvre. Ainsi, l’élève conscientise ses réussites et ses difficultés. La trace informatique nourrit l’entretien qui suit l’activité. Pour cette phase de debriefing, l’échange peut être mené en tête-à-tête avec le professeur qui questionne, incite l’élève à justifier ses choix. "Quelle réflexion t’a permis d’agir ? Qu’est-ce qui t’a décidé à prendre cette photo ? etc." Il fait ainsi émerger les compétences professionnelles acquises mais également des compétences transversales (par exemple s’approprier, analyser, réaliser, valider, communiquer, être autonome, faire preuve d’initiative). Cette étape pourrait se faire à l’écrit mais l’enseignant souligne qu’il est plus efficace de passer par l’entretien d’explicitation. Grâce au support visuel, l’échange est fructueux, limpide. Néanmoins, il est encore un peu tôt pour savoir si l’analyse se trouve enrichie par rapport à celle d’un travail plus classique mené en atelier ou en classe. Les compétences du référentiel d’activités professionnelles ciblées dans chaque scénario sont intégrées à la programmation.
 
Le lycée dispose aujourd’hui de quelques scénarios. Ces situations sont créées par les enseignants, leur conception est ensuite confiée à une entreprise de programmation. "La construction d’un scénario implique de nouvelles réflexions et habitudes de travail, c’est une manière nouvelle de concevoir des situations pédagogiques", indique S. Renoux. Il faut cibler très précisément les objectifs et, ensuite, détailler le plus précisément possible les activités associées à ces objectifs et leurs étapes. C’est une nécessité pour les programmateurs. "Au départ, cette adaptation n’est pas simple pour les enseignants", témoigne le professeur. Pour faciliter cette démarche, il a créé un cahier des charges du scénario. "Avec quelques collègues, nous travaillons depuis quelques années sur la conception de scénarios et nous les avons fait évoluer", poursuit-il. En effet, les nouvelles programmations intègrent le niveau d’acquisition des compétences ciblées (novice/débutant/expérimenté/expert) et permet d’y prendre en compte la différenciation grâce à l’intégration des variables dans le scénario. Par exemple, l’élève qui réalise pour la première fois une activité pourra bénéficier d’aides : signaux lumineux, surimpressions, couleurs. L’élève qui réalise le niveau expert aura un scénario légèrement différent, sans aide, sans guidance. Il s’agit de voir comment le lycéen remobilise les compétences acquises dans une situation professionnelle. Le bilan peut être utilisé comme évaluation formative ou sommative si l’activité est parfaitement réussie.

Le CAVE ouvre aujourd’hui de nouvelles perspectives pédagogiques et didactiques et pourrait à l’avenir faire la part belle à l’interdisciplinarité. Les phases d’explicitation constituent des supports intéressants pour travailler le français et le domaine de la communication. Lors de récentes réunions de travail, des professeurs ont préparé des scénarios interdisciplinaires intégrant l’évaluation de compétences transversales. Des enseignants de mathématiques, français, anglais, maintenance industrielle et aide à la personne ont par exemple travaillé sur un environnement commun. Les activités pourraient alors être exploitées en enseignement professionnel mais également lors des enseignements généraux liés à la spécialité en séance d’accompagnement personnalisé ou lors de projets. On utilise également le CAVE dans le parcours avenir au collège comme au lycée pour découvrir les métiers. "Se mesurer au vertige quand on envisage un BTS MSE (maintenance des systèmes éoliens) constitue un test efficace", note avec humour S. Renoux. Se confronter virtuellement à un univers professionnel génère une prise de conscience constructive pour l’élève qui cherche sa voie, pour celui qui se trouve en situation de handicap, pour tous. "De nombreuses situations pourraient être explorées, conclut S. Renoux, à condition qu’elles apportent une réelle plus-value à la formation de l’élève".


1. Un CAVE (Cave Automatic Virtual Environment) est une pièce cubique. Sur ses murs (y compris sol et plafond) sont projetées des vidéos en 3D. L’utilisateur porte des lunettes 3D et agit sur l’univers virtuel en utilisant des manettes.
2. En technologie, machine à grouper de petits colis pour en faire un seul plus aisé à manipuler (source : Encyclopedia Universalis).
 
auteur(s) :

N. Le Rouge

contributeur(s) :

S. Renoux, Lycée Claude Chappe - Arnage [72]

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