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quand s'entretenir incite à réfléchir

mis à jour le 09/12/2010


echanger dossier 92

Au collège de Coulaines, la principale a mis en place un dispositif spécifique d'entretiens pour améliorer le comportement des élèves perturbateurs et lutter contre le risque de la sanction inefficace.

mots clés : échanger, entretien, remédiation, communication, chef d'établissement, élèves difficiles, suivi


"Quand un élève arrive dans mon bureau, souligne Marie-Ange Thiébault, c'est l'endroit ultime, le dernier recours, c'est qu'aucune solution mise en place par le professeur ou la conseillère principale d'éducation (CPE) n'a fonctionné. On attend de moi une sanction. Encore faut-il que cette sanction soit en adéquation avec le problème que l'élève a posé, que cette étape de sa scolarité le fasse évoluer, on ne sanctionne pas seulement par principe". Sanctionner avec justice, amener l'élève à réfléchir à ses actes, telles sont les convictions de cette ancienne proviseure de lycée professionnel en banlieue lyonnaise qui a eu affaire à des élèves difficiles ; une expérience nourrie de contacts formateurs avec des membres de la Protection judiciaire de la jeunesse. Le collège Jean-Cocteau est un collège comme tant d'autres, les problèmes n'y sont ni moins ni plus fréquents qu'ailleurs, mais madame Thiébault reste convaincue que l'entretien et le suivi des élèves perturbateurs ont aussi leur place ici pour accompagner des élèves qui s'égarent ponctuellement ou régulièrement en enfreignant les règles collectives. La principale ne restreint pas son rôle à une fonction d'autorité : sa méthode d'entretien vise à travailler simultanément sur les volets éducatif, préventif et répressif. C'est pourquoi les protocoles peuvent varier pour s'adapter au cas de chaque élève.

Les préalables, les principes

Conflit, violence, irrespect... les raisons qui amènent un élève dans le bureau du chef d'établissement sont variables, mais toujours suffisamment alarmantes pour que l'enseignant et/ou le conseiller principal d'éducation décide de cette intervention. Cela dit, les circonstances diffèrent entre l'élève amené manu militari, immédiatement après un incident jugé intolérable, et celui qui est convoqué suite à une succession de dérapages qu'aucune sanction n'a permis de résoudre. Dans le premier cas, la règle numéro un est de laisser retomber la colère, la pression, souligne madame Thiébault. "L'élève peut rester un quart d'heure, vingt minutes, une heure dans une pièce à attendre que je le reçoive". L'élève se calme et cela laisse le temps au chef d'établissement de s'entretenir avec l'enseignant. Dans le second cas, le préalable est un rapport d'incident(s) qui présente très précisément les faits. L'élève est ensuite convoqué par écrit dans le bureau de la principale. Dans les deux cas, l'attente ou la convocation écrite permet de marquer la solennité de l'entretien à venir, un préambule important pour cette relation élève-chef d'établissement qui va s'amorcer. La méthode est fondée sur deux principes : mener une enquête en amont afin de clarifier le contexte du problème - c'est la raison pour laquelle le professeur est toujours entendu avant l'élève s'il s'agit d'un problème survenu en classe - et, second principe, amener l'élève à s'expliquer pour réfléchir à ses actes.

Libérer la parole

 "Je pars du postulat que chaque cas est complexe", souligne madame Thiébault. De ce fait, il faut s'adapter à chaque fois, c'est pourquoi l'entretien peut durer de quinze minutes à des heures entières réparties sur différents temps scolaires. La base de l'entretien est une mise en confiance, il s'agit d'établir une relation qui va inciter l'élève à s'exprimer et à accepter de réfléchir. Cela est nécessaire pour mettre en œuvre une démarche métacognitive. Au début de l'entretien, il faut, pour installer un climat de confiance, déjouer les stratégies de l'élève qui s'expriment à travers son attitude ou dans le discours qu'il s'est construit. À ce stade, l'utilisation de certains mots, les registres du verbal et du non-verbal sont extrêmement importants : un mot pique la susceptibilité de l'élève et l'agressivité de ce dernier se réveille... Mais si le collégien adhère au contraire à cette situation d'accompagnement, de parole à la place d'une sanction posée immédiatement, il peut alors entrer dans la réflexion. Une fois qu'il a exprimé son ressenti, on peut l'amener à s'expliquer, à mettre en lien les causes et les conséquences de ses actes. Il s'agit bien d'oraliser pour prendre conscience de son propre fonctionnement, comprendre le pourquoi de ses agissements et être capable de le dire. Pour cela, il faut accepter de réfléchir. Madame Thiébault entend les bruits qui circulent parmi les élèves qu'elle reçoit : "Elle me prend la tête", preuve qu'ils comprennent bien la visée de l'entretien, les engager à fournir un effort intellectuel.

Prendre du temps, varier les supports et les modalités

Car c'est justement à une incitation patiente et répétitive que se livre la principale. Pour cela, elle utilise l'oral, l'écrit (voir annexe), et parfois les deux combinés pour confronter deux versions ou montrer à l'élève comment sa perception d'un événement évolue dans le temps. Parfois, c'est un dessin qu'elle demande à l'élève afin de jauger la représentation qu'il a d'un incident : il s'agit de dessiner le lieu, la place des protagonistes, d'indiquer les gestes. Cet outil est particulièrement intéressant quand plusieurs élèves sont impliqués dans un problème ou qu'ils ont du mal à s'exprimer. Confronter les dessins incite à parler, à s'expliquer. Il arrive d'ailleurs que deux élèves soient entendus ensemble. Pour inciter chaque élève à clarifier sa démarche, celui qui écoute doit reformuler les propos de son camarade. Quand plusieurs élèves sont impliqués, le chef d'établissement reçoit les protagonistes individuellement, puis collectivement, afin de confronter les versions orales ou/et écrites. C'est ainsi que, parfois, une autre vérité apparaît : celui qui a fait la bêtise a été incité par des camarades et sera peut-être moins sévèrement sanctionné. À l'issue des entretiens, il peut être décidé d'associer la famille à la démarche si l'on estime que ce peut être positif pour l'élève. Dans tous les cas, suite à la ou aux discussions, une sanction en phase avec le problème est posée : l'entretien vise aussi à rappeler à l'élève ses droits et ses devoirs. Le dernier entretien qu'a mené madame Thiébault concernait un élève qui, pour jouer, a serré le cou d'un camarade conduit ensuite à l'hôpital. L'élève responsable a été très choqué par l'intervention des pompiers, il n'avait pas mesuré sa force, n'avait pas l'intention de faire mal. Il a accepté d'expliquer son geste, mais ne parvient pas à mettre en lien la cause et la conséquence. C'est le début d'un travail, d'une série d'entretiens ; il va falloir amener cet élève à prendre conscience que sa force physique peut nuire à autrui. Du côté de la direction et de l'équipe éducative, on réfléchit aux moyens de l'y amener. La réussite n'est jamais acquise.

Les conditions de la réussite

Pour que l'entretien conduise l'élève à une prise de conscience, il est bien évidemment nécessaire que ce dernier soit coopératif. La relation de confiance ne s'établit pas avec tous les élèves. Certains restent tout d'abord interdits face aux questions de leur chef d'établissement avant d'entrer dans le fonctionnement de l'entretien. Certains autres refusent de parler, même si la colère est retombée, ils ne veulent pas s'expliquer, refusent de verbaliser. Dans ce cas, madame Thiébault explique qu'elle ne les oublie jamais et les convoque à nouveau régulièrement dans son bureau jusqu'à ce qu'ils acceptent de s'expliquer. Dernier et rare cas : la réaction violente. Selon les circonstances, il convient de laisser parfois la porte du bureau ouverte... Par ailleurs, si la principale refuse de poser une étiquette sur un élève qui arrive pour la première fois dans son bureau, elle affirme qu'il faut, pour certains autres, tenir compte de la continuité de leur parcours. Quand un élève arrive à la suite d'une exclusion d'un autre établissement, il faut mesurer le parcours de cet élève pour mener adroitement l'entretien en considérant son vécu particulier au sein du système éducatif. Si l'élève adhère à cette méthode d'entretien et que sa réflexion évolue, la mise en place d'un contrat peut être efficace, voire stimulante. Ce type de contrat est rédigé en commission de vie scolaire et le travail d'entretien en amont permet à l'élève de bien comprendre les objectifs qui lui sont fixés. Il peut dans certains cas être en mesure de s'autoévaluer, surtout si les adultes notent ses efforts. La méthode ne prétend pas produire des effets miracles, mais parfois, une succession de petits incidents examinés à temps dans le cadre d'entretiens avec le chef d'établissement peut permettre d'arrêter le processus conduisant à une situation de crise. D'autres fois, on évite une exclusion qui ne résoudrait en rien un problème. L'année passée, un élève perturbait systématiquement les cours par des cris d'animaux, ou en se plaçant sous sa table ; aucun professeur n'arrivait à le maîtriser. Les sanctions multiples étaient inefficaces, les rencontres avec les parents, sans effet sur l'élève, ne permettaient pas de formuler une explication. Suite à une série d'entretiens, l'élève a été dirigé vers le médecin scolaire, puis vers un neurologue qui a posé un diagnostic : cet élève est atteint du syndrome Gilles de la Tourette. Aujourd'hui, un projet d'accueil individualisé permet de mieux l'encadrer au sein de l'établissement. Même si les problèmes persistent, les enseignants savent mieux comment agir avec cet élève. Il est probable que, sans le dispositif d'accompagnement par les entretiens, ce dernier aurait été exclu du collège et les problèmes qu'il pose se seraient reproduits à l'identique dans un autre établissement.

Une affaire d'équipe

Bien entendu, ce dispositif trouve sa place dans un travail collectif qui permet de suivre les élèves, mais aussi de se libérer des affects qui peuvent se manifester au fil des entretiens. Cette démarche commune concerne l'équipe de direction, la conseillère principale d'éducation et bien sûr les professeurs. Le préalable est que les enseignants comprennent la méthode, acceptent que chacun soit entendu à part égale, et en même temps se sentent soutenus. Ensuite, si l'élève est suivi pendant plusieurs mois, il faut être capable de repérer et d'apprécier ses efforts. Plus l'équipe comprend et adhère à la méthode, mieux les informations circulent. Les bilans écrits des élèves suivis d'entretiens sont transmis aux professeurs principaux qui en font part à l'équipe pédagogique lors du conseil de classe. C'est un investissement sur le long terme : "Si les élèves entrent dans le système, précise madame Thiébault, et s'ils sont vraiment difficiles, le suivi sur toute l'année est payant. Ponctuel, l'entretien est au contraire peu efficace." Ce fonctionnement amène parfois la principale à se placer ailleurs que dans son bureau. En 2008-2009, elle a ainsi suivi un groupe de quatre élèves de cinquième qui ne travaillaient pas, étaient irrespectueux, jouaient dangereusement ; ils étaient punis, sans résultat. Madame Thiébault les a suivis pendant toute l'année à deux moments du temps scolaire : le mardi, dans le cadre de l'accompagnement aux devoirs, et le jeudi, sur les heures de permanence, en entretiens individuels lors desquels les élèves écrivaient au sujet des problèmes posés, et de leur évolution. La principale corrigeait les fautes d'orthographe, tel l'enseignant de français. Cet investissement sur plusieurs mois s'est avéré positif. Le comportement de ces élèves s'est nettement amélioré cette année et c'est avec une certaine satisfaction qu'ils savent à l'occasion faire remarquer à leur chef d'établissement qu'elle n'entend plus beaucoup parler d'eux. Grâce au dispositif, l'élève porte un autre regard sur l'adulte qui l'encadre, et réciproquement si le cercle devient vertueux. De fait, si un élève, après avoir compris son fonctionnement, les causes et conséquences de ses actes, vient s'expliquer et s'excuser auprès du professeur, c'est un échange qui commence, et peut-être parfois une relation professeur-élève qui repart sur des bases nouvelles.
 
auteur(s) :

N. Le Rouge

contributeur(s) :

M.-A. Thiébault, collège Jean-Cocteau, Coulaines [72]

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information(s) technique(s) : pdf

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