L’hétérogénéité se manifeste sous diverses formes auxquelles il conviendra de donner une réponse pédagogique. En effet, le capital culturel, le rapport à l’école, l’ambition scolaire et professionnelle, l’investissement personnel ou encore le suivi de l’actualité varient très sensiblement d’un élève à l’autre.
Les élèves adoptent d’emblée une posture de réception et non de recherche active, attendant de l’enseignant qu’il leur apporte des contenus. Leur attitude scolaire, même consciencieuse, montre souvent comme seule perspective la réussite scolaire, donc un résultat satisfaisant à l’évaluation sommative qui conclura la séquence. Si le travail, la recherche, la mémorisation restent exclusivement liés aux évaluations, les élèves se retrouvent face à des contenus désincarnés car perçus comme sans lien avec l’actualité. L’objectif consistera donc à relier ces contenus à l’actualité pour qu’ils comprennent que le cours parle de leur quotidien. Les chances de réussite au bac S avec mention des filles portant tel ou tel prénom, les différences de salaire entre les femmes et les hommes et le clivage droite/gauche sont autant de thématiques qu’ils connaissent mais qu’ils n’ont pas pris le temps de questionner sur les plans économique, culturel et social. Il faut donc problématiser le connu pour qu’il fasse douter et paraisse méconnu. Pour y parvenir, on doit provoquer un regard critique sur l’actualité.
Cette curiosité intellectuelle amenant à faire du lien entre les sujets sociétaux abordés en SES et le quotidien de chacun concerne tous les champs disciplinaires dès lors que l’on se demande comment aider les élèves à trouver du sens aux contenus proposés.
La classe inversée constitue une réponse parmi les pratiques pédagogiques ; c’est pourquoi elle n’est pas applicable à toutes les séances dans tous les champs disciplinaires au risque de surcharger de travail les élèves. L’enseignement trouve son efficience dans la diversité et non dans un modèle unique qui finirait par être contreproductif.
Malgré tout, s’il permet de diversifier et de dynamiser les modalités d’enseignement, le principe de classe inversée modifie l’organisation classique puisque l’on passe d’un modèle centré sur le contenu apporté par l’enseignant à un modèle centré sur le savoir découvert par l’élève. Ce n’est plus l’élève qui regarde l’enseignant, mais l’enseignant qui regarde comment travaille l’élève. Davantage acteur, l’élève sait que son avis est entendu et pris en compte.
Plus encore, le temps hors-classe n’est pas contraint par les limites du format temporel de la séance : s’ils le souhaitent, les élèves prennent leur temps pour visualiser les vidéos et peuvent éventuellement le faire plusieurs fois. Leur liberté face à ce travail à effectuer dépend de leurs contraintes personnelles et non des contraintes collectives de la classe.
Cependant, pour que ce projet s’avère efficace, il est indispensable pour chaque enseignant intéressé de s’approprier le fonctionnement et les possibilités de l’ENT e-lyco et de définir quelle plus-value la classe inversée pourrait apporter à son enseignement. Il ne s’agit pas de succomber à ce qui ne serait qu’un effet de mode s’il était mal utilisé mais de s’en emparer pour mieux aider chaque élève. Les ressources sur le site pédagogique académique sont conçues pour être aisément intégrables dans l'e-lyco de n'importe quel établissement et pour être utilisées telles quelles ou modifiées si besoin. À chaque enseignant de déterminer ensuite sur quels documents porteront les formulaires et quelle exploitation en sera faite en classe.
Pascal Vandergucht admet que cette modalité modifie l’enseignement et qu’elle exige un temps de préparation, celui-ci étant davantage consacré au travail que les élèves auront à faire en amont du cours. En souhaitant ainsi réincarner les contenus, il aide ses élèves à mieux comprendre leur monde et parvient, lui, à mieux incarner son rôle d’enseignant.