innovation pédagogique

À la rentrée 2009, a été expérimentée, au lycée de La Herdrie, une méthode d'éducation à l'orientation, au sein d'une classe de terminale STG à faible effectif, initiée par sa professeure d'économie-gestion. Cette méthode d'origine canadienne 1, apparue en 1995, consiste à répondre à la question "Qui suis-je ?" pour se demander ensuite "Où vais-je ?". Au lieu de débuter par la fin, soit la profession que le lycéen souhaite exercer, il s'agit d'inverser le processus en partant de la connaissance que celui-ci a de lui-même afin d'élaborer un projet à partir de ces données. Au cours de l'année de terminale, l'enseignante rencontre donc régulièrement les élèves qui ont des difficultés d'orientation, c'est-à-dire la moitié de la classe, soit individuellement, soit en présence de leurs parents ou de tiers. Quant à ceux qui opteront pour un brevet de technicien supérieur (BTS), ils passeront à leur tour un entretien de sélection portant sur leurs motivations, sans parler des traditionnels entretiens d'embauche.

La première étape de ce processus a donc pour objectif d'apprendre à se connaître pour être mieux en mesure de se projeter dans l'avenir, voire, pour certains, de se motiver à venir au lycée. Pour ce faire, l'élève est guidé par l'enseignant à partir d'un questionnement qui vise à faire en sorte que celui-ci s'entretienne avec ses parents, la conseillère d'orientation-psychologue (COP), d'autres enseignants, des professionnels, ou d'autres référents autour de lui, afin de confronter divers points de vue. Il s'agit ainsi de s'interroger sur soi et d'apprendre à réfléchir sur soi. L'enseignante oriente et active son réseau de connaissances afin de répondre aux besoins de l'élève. La seconde étape consiste à collecter de l'information touchant à l'orientation et à la formation. De même, l'enseignant aide l'élève à répondre à la question "Où vais-je ?" en le dirigeant vers d'anciens étudiants, des écoles, un forum, des rencontres, des mini-stages en entreprise, etc. L'apprentissage porte sur le traitement des informations en les croisant, en vérifiant leurs sources, et en analysant leur fiabilité avec une prise de recul. L'expertise, dans ce domaine, de la professeure-documentaliste est alors mise à contribution. Cest lors de la troisième étape que l'élève rend compte de sa collecte d'informations sur ses projets d'études. La professeure d'économie-gestion, qui a exercé une autre activité avant d'enseigner, lui apporte son expérience et son expertise quant au monde professionnel, activant elle-même ses réseaux de connaissances, et d'anciens élèves, pour répondre aux éventuelles interrogations et l'aider à formuler des choix.

Le dernier entretien avec l'élève en présence de ses parents a pour objectif de faire en sorte que celui-ci arrête des vœux d'orientation, et plus largement des perspectives d'avenir, et les fasse accepter à ses parents. Les étapes précédentes sont récapitulées en abordant la personnalité de l'intéressé, son profil scolaire, ses aptitudes, ses aspirations, ses motivations, les choix que celui-ci a écartés et ceux qu'il a retenus. Dans le cas de la lycéenne évoquée ci-dessus, il s'agit d'une élève sérieuse, qui manque de confiance en elle, maîtrise ses connaissances, mais perd parfois ses moyens lors des évaluations écrites. D'ailleurs, elle suit des cours de sophrologie afin de dépasser ses appréhensions. Ayant songé par le passé à s'orienter vers la mode, de nature créative, elle se trouve bien dans sa filière STG. Quel avenir envisager ? L'enseignante explique qu'un institut universitaire de technologie (IUT), choix premier de la part des parents, ne lui correspondrait guère dans la mesure où il s'agit d'établissements sélectifs qui dispensent un enseignement assez théorique qui ne lui conviendrait pas forcément.

En revanche, un BTS tertiaire semble une option appropriée en raison des qualités relationnelles de l'intéressée, de ses capacités à appliquer des méthodes, ainsi que de son désir de bénéficier d'un encadrement et d'un suivi sécurisants pour l'élève comme pour ses parents. Mais quel BTS, et où ? En dialoguant, après avoir envisagé diverses sections, et précisé leurs spécificités respectives, le choix se porte sur le Management des unités commerciales, un BTS relativement polyvalent qui ouvre divers débouchés et offre ensuite l'opportunité de poursuivre sa formation dans une école de commerce par une voie parallèle. Reste à classer ses vœux de candidature dans les établissements selon une stratégie élaborée en commun. Après de nombreux tâtonnements, des éliminations et des hésitations, les choses se précisent grâce à cette collaboration et à une forme de tutorat et de suivi. Il s'agit d'un parcours complexe et sinueux qui comporte sa part d'imprévisible et d'inattendu, comme l'illustre l'exemple d'une autre élève de la même classe (voir annexe). Le choix de son avenir est bien une question d'apprentissage qui, en se fondant sur une exploration de soi, développe la prise de décision en meilleure connaissance de cause. Des entretiens réguliers s'avèrent indispensables afin de ponctuer les diverses étapes de ce processus tout en entretenant l'espoir de trouver la voie la plus appropriée.

1. Cf. "Éthique et orientation", Hugues Piel et Robert Solazzi, in Spirale, revue de recherches en Éducation, n°18, 1996.