Acquérir une autonomie constitue l'une des finalités de l'école maternelle. L'autonomie scolaire est complexe, car il s'agit de construire parallèlement différentes formes d’autonomie : personnelle, sociale, pragmatique et cognitive entre autres. L’autonomie engage toute la personne : son langage, ses sentiments, sa mémoire, son action, etc.
En arrivant à l'école, le très jeune enfant perd des repères qu'il a construits dans un ailleurs qui peut être son univers familial, la crèche ou la maison de la nourrice par exemple. En explorant le monde, il a déjà éprouvé les ruptures, se détachant par exemple d'un lien fusionnel avec sa mère. L'enfant vit alors un déséquilibre et va devoir trouver des réponses face à une situation inconnue pour rechercher un nouvel équilibre. Chaque nouvelle étape de sa scolarité renouvellera cette délicate expérience de perte de repères et donc d'autonomie. Ce sera l'expérience d'une rupture socioaffective et spatio-temporelle du fait d'un nouvel enseignant, d'un nouvel environnement social et de nouveaux lieux.
Hervé Caudron
1 a déterminé huit formes d’autonomie : corporelle, affective, matérielle, spatio-temporelle, langagière, organisationnelle, morale et intellectuelle. Il serait donc réducteur d’évoquer et de travailler une seule autonomie.
Julien Morillon arrive aujourd’hui à la conclusion qu’autonomie cognitive et autonomie organisationnelle méritent d’être davantage travaillées en maternelle. Dans le cadre scolaire, l’élève de maternelle doit développer des compétences dans un environnement scolaire moins familier que le domicile parental. C’est l’apprentissage de comportements et d’habitudes sous l’autorité d’un autre adulte que ses parents. Le cadre social exige le partage de l’adulte dont la disponibilité dépend du degré d’autonomie des élèves face à des tâches à effectuer. Par exemple, sur le plan cognitif, Julien Morillon multiplie dès le début de l’année scolaire les situations favorisant en quelque sorte une “débrouillardise” entre pairs. D’où la délicate consigne plusieurs fois précisée avant les ateliers : “Je ne viens pas vous aider !”. L’enseignant attend que ses élèves agissent seuls, leur demandant de s’interdire de considérer l’aide magistrale comme levier immédiat face au premier obstacle rencontré et en leur demandant de trouver une autre réponse. La sollicitation de l’adulte est malgré tout présentée comme un possible recours en cas de difficulté. Néanmoins, la première aide proposée aux élèves est d’abord matérielle avec la boîte à outils. Cet objet, qui ressemble à une vraie petite boîte à outils, contient des référents adaptés à la situation : bande numérique, alphabet, etc.
C’est la solution de facilité qui est ici rejetée car obtenir immédiatement l’aide de l’enseignant entretient une relation de dépendance si, à tout instant, l’élève sait que son enseignant viendra aussitôt l’aider.
L’enfant de maternelle est dans l’immédiateté de son action. Ainsi, s’il éprouve le besoin de l’adulte il le réclamera sans laps de temps, au risque d’être frustré si son enseignant n’est pas aussitôt disponible. Devenir autonome, c'est pour le jeune enfant comprendre qu'il devient responsable de ses actes, de son travail et c’est aussi satisfaire son besoin de grandir, avec en perspective l’entrée au cours préparatoire. “L’autonomie s’acquiert par apprentissages, c’est de l’ordre de la dialectique” conclut Julien Morillon.
1. CAUDRON (Hervé), Autonomie apprentissages. Les questions clés, Tempes, 75 p., 2001.