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une entrée tonitruante dans l'œuvre

mis à jour le 14/09/2010


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Une professeure de lettres-histoire en lycée professionnel propose, au début de ses séquences de français, des entrées en matière étonnantes. Il s'agit, soit d'éveiller la curiosité des élèves et de susciter leur intérêt, soit d'apporter un ancrage concret à l'expérience humaine apportée par le texte.

mots clés : motiver les élèves, littérature, motivation, remédiation, lecture


Comment faire entrer dans l'écrit une classe de dix-huit à vingt-deux garçons de première bac professionnel EDPI (étude et définition de produits industriels) non lecteurs ? Dès les premières lignes, ils risquent de décrocher, ou, comme c'est fréquemment le cas, de refuser même le contact avec le livre. Comment les raccrocher ? Cécile Coquereau, professeure de lettres-histoire, organise depuis quelques années ce qu'elle nomme elle-même des entrées tonitruantes dans l'œuvre, qui prennent des formes variées : théâtralisation de l'incipit ou d'un passage intéressant du récit, mise en voix, introduction dans la classe d'un objet qui entretient avec le texte un lien fort. Si, pour cette enseignante, le début de séquence est le moment privilégié pour ces expérimentations, il lui arrive aussi d'y recourir pour relancer l'intérêt des élèves ou pour passer à un autre texte, et aussi, ce qui n'est pas sans valeur, relancer son propre plaisir !

Quelque chose d'étrange va se passer

Cécile Coquereau sourit en repensant à la mise en scène concoctée pour le début de sa séquence "Quand la science nous fait horreur". La première œuvre proposée à la lecture était La Mouche de Georges Langelaan 1. C'est l'incipit de ce récit qui a fait l'objet d'une mise en scène jouée par la professeure elle-même et la professeure-documentaliste du lycée. D'un air le plus grave possible, Cécile Coquereau a invité ses élèves à se rendre au CDI (centre de documentation et d'information) pour assister à un événement dont il fallait retenir le moindre détail, auquel il était nécessaire d'accorder la plus grande attention, tout indice étant susceptible d'être réutilisé par la suite... Dans le CDI plongé dans la pénombre, les élèves ont découvert la professeure-documentaliste endormie sur son bureau, la tête sur un édredon. Ils ont tous cru qu'elle avait un malaise... Ils se sont assis sans rien dire, plutôt inquiets, sur les fauteuils confortables qui avaient été disposés auparavant comme dans une salle de spectacle, se rappelle en riant Cécile Coquereau. Ensuite, un téléphone sonne sur ce bureau ; le personnage endormi se réveille et décroche. Deux ou trois mètres plus loin, l'autre personnage, une femme, joué par la professeure de lettres, lui annonce qu'elle vient de tuer son mari... (voir annexe). Les deux actrices avaient pris soin, grâce à leur costume et à des accessoires, de mettre en place tous les éléments permettant de situer l'histoire (Qui sont les protagonistes ? Où se déroule l'histoire ? Quand ? En quelle saison ? Dans quel pays ?, etc.). Deux ou trois minutes ont suffi pour capter l'attention des élèves, un peu éberlués, mais attentifs. Aussitôt la mise en scène terminée, les élèves ont dû mettre en commun, au tableau, leurs réponses aux questions habituelles sur la scène initiale (Qui ? Quand ? Où ? De quoi s'agit-il ?). Puis, l'enseignante a repris le fil du cours avec la définition d'un incipit. Les élèves ont commenté l'effet produit par ce début de nouvelle théâtralisé. Le succès fut tel (les élèves ont lu le livre entier en une semaine, pour certains c'était une première !) que la scène fut rejouée dans une autre classe avec une collègue associée au projet.

Avoir du plaisir dès le début avec l'histoire

Il n'est pas toujours possible d'avoir recours à ce type d'entrée en séquence. Il faut l'occasion, que l'œuvre s'y prête, ajoute Cécile Coquereau. Il faut aussi assez bien connaître sa classe, sentir le moment opportun. Mais cela marche, les élèves font l'effort de lire la suite parce que l'entrée en matière les a surpris et leur a donné envie de connaître l'histoire. L'entrée en séquence peut aussi se faire sur un mode plus feutré que la théâtralisation. Exemple dans une autre classe, une première année de BEP (brevet d'études professionnelles), "métiers du secrétariat". La première partie de la séquence de littérature appelée : "Quand les mots évoquent l'histoire", commençait avec l'étude de récits sur le travail dans la mine au dix-neuvième siècle. Le premier texte proposé à la lecture des élèves a été une nouvelle de Paul Trève : Les gueules noires 2. Celle-ci a été lue intégralement aux élèves, toujours au CDI, en forme d'entrée en matière dans la séquence, et pour les préparer à la lecture de textes plus longs sur ce sujet. Des conditions particulières avaient été réunies : obscurité la plus totale possible (en parallèle à l'obscurité qui règne au fond d'une mine), un temps de concentration et de silence afin de favoriser la prise de conscience par les auditeurs de la gravité du sujet (yeux fermés, tête appuyée sur le fauteuil). Touchés par ce récit dramatique (la mort d'un enfant), et concrètement mis en situation (le noir, le silence), les élèves ont abordé la suite de la séquence avec un état d'esprit différent. Ils étaient préparés à l'évocation de l'univers très particulier de la mine.


Mettre en rapport l'œuvre littéraire avec une expérience sensorielle

Pour ces élèves de lycée professionnel, souvent peu à l'aise avec le pouvoir évocateur des mots, une accroche avec le monde réel est souvent utile pour entrer dans celui de la littérature. Un peu plus tard, dans cette même séance sur la mine, Cécile Coquereau a apporté en classe des morceaux de charbon, bien enduits de suie, qu'elle a fait passer de mains en mains dans la classe. Répulsion, étonnement, autant de réactions diverses face à la salissure ont permis aux élèves, des jeunes filles uniquement, de bien comprendre ce que veulent dire des mots comme "gueules noires !" Pour cette enseignante, il est important que le texte littéraire fasse écho au vécu des élèves. C'est ainsi qu'à l'occasion d'une séquence ayant pour thème : "Est-il encore d'actualité d'écrire ?", elle a fait irruption en classe vêtue et coiffée de façon à évoquer une secrétaire des années trente, équipée d'une vieille machine à écrire mécanique... Puis, elle s'est installée à son bureau et a commencé à taper sur sa machine. Ces quelques minutes de mise en scène ont suffi pour que ses élèves, futures secrétaires elles-mêmes, s'interrogent et posent des questions. Elles ont pris conscience de l'histoire de leur futur métier. Elles ont réalisé aussi que les ordinateurs et les logiciels informatiques de traitement de texte n'ont pas toujours existé, et que l'action d'écrire, dans le domaine littéraire ou professionnel, s'est accompagnée d'une longue évolution d'outils...

Un projet plus large

"Cette façon de faire est aussi très motivante pour moi. Je m'amuse bien, moi aussi, en préparant ces petites surprises pour mes élèves", reconnaît Cécile Coquereau. Ces pratiques n'ont néanmoins rien de systématique et s'insèrent d'ailleurs dans des projets plus larges. Il s'agit toujours d'ancrer dans une expérience vécue l'aventure de la lecture littéraire. C'est ainsi que la séquence "Quand la science nous fait horreur" s'est accompagnée d'une visite à l'école de l'ADN (acide désoxyribonucléique) des Pays de la Loire 3, où les élèves ont suivi un atelier de comparaison d'échantillons d'ADN, comme dans une enquête criminelle. "Ce fut aussi l'occasion d'associer le collègue de physique pour un partenariat sciences-littérature peu commun", se réjouit Cécile Coquereau. La séquence sur le travail des mineurs au dix-neuvième siècle a été accompagnée d'une visite de mine dans la région : la Mine bleue, avec une descente à cent trente mètres de fond ! "Je n'ai pas de formation théâtrale", conclut la professeure qui ajoute que ces saynètes ont aussi l'avantage de favoriser le travail en équipe avec d'autres collègues, de proposer aux élèves une autre situation que la dualité du cours, avec, pourquoi pas, plus tard, la participation d'autres personnels non enseignants de l'établissement...

1. Langelaan (Georges), La mouche, Flammarion, 2008, (Étonnants classiques) : à cause d'une expérience de téléportation qui tourne mal, un savant se transforme en mouche.
2. Treve (Paul), Gueules noires, nouvelles. Bussy, 1996 : recueil de courtes nouvelles qui ont pour thème la vie de la mine et des mineurs à Saint-Étienne. L'auteur évoque des petits moments de joie ou de souffrance aussi bien au fond de la mine que dans la vie familiale.
3. Pour plus d'informations : http://www.ecole-adn-pdl.fr
 
auteur(s) :

F. Lemarchant, LP Pierre et Marie-Curie, Château-Gontier [44]

contributeur(s) :

C. Coquereau

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