
Parallèlement au travail sur l’art du langage et sur le conte lui-même, s’est mis en place cette année un nouvel enjeu : la création d’un webdocumentaire. Son objectif est multiple : être la mémoire du travail de classe, expliquer ce qu’est le conte et les enjeux qu’il implique, présenter les activités pédagogiques mises place, et souligner l’évolution des jeunes engagés dans ce projet de classe.
Quelques précisions sur ce qu’est un webdocumentaire d’abord : il s’agit d’un documentaire sur internet (une interface et une adresse dédiée) qui fait cohabiter tous les médias : vidéo, son, photo, dessin, texte... Il ne s'agit pas de compiler des éléments mais bien de les organiser et de les utiliser pour ce que chacun a de propre, dans une narration non linéaire : le webspectateur est actif. Il navigue au sein du webdocumentaire en fonction de ses intérêts, de ses envies. Un exemple mené en milieu scolaire, webdocumentaire réalisé auprès d'une classe de CE2 du 18ème arrondissement de Paris, ayant pour propos que la diversité est une chance :
http://www.photo-de-classe.org/#/accueilLe webdocumentaire est donc une forme numérique innovante, à l'écriture propre, susceptible de rejoindre les intérêts des élèves et leur habitude de « consommation » médiatique : source de motivation supplémentaire à s’investir dans le projet conte. C’est un outil évolutif : il se complète au fur et à mesure de l'année par les travaux des élèves pour donner à voir, à entendre, à lire la diversité de leurs productions et rendre compte de l'évolution de leurs pratiques.
Avec cette nouvelle envie, voilà les limites où nous arrivons : impossible de bricoler des activités dans les classes tout en filmant ce qu’il s’y passe. Quand on le fait régulièrement, on en sent vite les contraintes : être au four et au moulin ne permet pas de moudre de la bonne farine, ni de bien réussir la cuisson du pain. Entre ici en scène Samuel Lebrun, réalisateur, journaliste et formateur vidéo, qui a été l’instigateur du webdocumentaire : en faisant appel à lui, nous envisagions « simplement » un documentaire de type 52 minutes, et encore. Mais son envie d’explorer ce nouveau genre vidéo, l’idée de mettre en action les élèves par des ateliers pratiques de vidéo/photo et la créativité pédagogique ont ouvert la porte à cette forme tentaculaire de reportage.
Ainsi, Samuel vient filmer dans les classes. Mais quoi ? Une activité inventée tout exprès : les devoirs de conteurs, dont il a été fait mention rapidement dans la ressource 1, et dont le détail est fourni ici .
Télécharger le document "Les devoirs de conteurs"Le principe est le suivant : la veille de chaque période de vacances, les élèves doivent présenter « quelque chose » autour d’un conte qui leur a plu. Les consignes inventées ne sont pas limitatives, et toute idée venant des jeunes est la bienvenue. On n’attend pas ici que les élèves narrent, mais qu’ils adoptent d’autres formes de langage sur les contes : présenter, décrire, un héros, un objet, des aventures ; expliquer, justifier leurs choix, à leur façon. On attend qu’ils soient imaginatifs, investis, qu’ils s’amusent, qu’ils coopèrent, qu’ils interagissent, qu’ils s’encouragent, qu’ils s’admirent, qu’ils ancrent leur compréhension de ce qu’est le conte, qu’ils fassent venir leur vie et leurs références dans la classe. Ces activités sont une nourriture pour les pages du webdocumentaire, conçu justement comme une histoire se déroulant à la façon d’un conte (nos héros : les élèves ; la quête : leurs recherches, tâtonnements et inventions ; les épreuves : face au public ; etc…)
Le webdocumentaire se nourrit également des ateliers vidéo organisés sur le temps du midi : les élèves s’interviewent, se photographient, se filment en train de raconter. De même, les différents temps forts de l’année constituent les « épreuves » que les élèves doivent passer et figurent comme telles dans le webdocumentaire : conter aux portes-ouvertes du collège, rencontrer des conteuses en formation, raconter devant d’autres classes, à la Médiathèque, et en fin d’année devant les parents.
L’an prochain (si nous trouvons assez de soutiens financiers) le webdocumentaire pourrait évoluer et s’enrichir, car il a pour ambition de favoriser un travail collaboratif et interactif entre l’établissement de Beaufort-en-Anjou et deux autres collèges de Saumur. Par ailleurs, le réalisateur Samuel Lebrun serait rejoint par une plus large équipe afin de renforcer les actions d'éducation aux médias. En effet, si le webdocumentaire permet d'approfondir le travail effectué autour du conte et propose une finalité originale aux élèves, il permettrait aussi une approche d'éducation aux médias et au numérique. Les élèves utiliseraient eux-mêmes (un peu plus que cette année) des outils – vidéos, sons, textes – au service d'une histoire, d'un propos. Les élèves seraient accompagnés à la réalisation de leurs productions, ils bénéficieraient de fiches conseils et d'apports théoriques simples et rapides : comment cadrer une image ? comment penser une séquence vidéo (découpage) ? enregistrer un dialogue comme à la radio ? Le règlement intérieur du collège Molière a, d'ores et déjà, été modifié pour permettre l'utilisation des téléphones portables au sein de la classe de français, une utilisation pédagogique en conformité avec la loi du 30 juillet 2018. Cette disposition très cadrée permettrait aussi de sensibiliser les élèves à l'utilisation de leur propre matériel au quotidien. Mais c’est là un feuilleton à venir !
Pour conclure, ce webdocumentaire permet la sensibilisation à l'outil numérique par le biais du conte. Les objectifs pédagogiques, du point de vue du réalisateur, peuvent se définir ainsi :
- Appréhender la dimension du conte dans toutes ses composantes y compris numérique
- Inciter l'expression des élèves : orale, écrite, numérique, artistique
- Favoriser l'autonomie et le travail de groupe
- Se confronter à un public (spectacle vivant ou webspectateur)
- Valoriser les productions visuelles, sonores, écrites au fur et à mesure de leur construction
- Filmer la conception du travail de la « classe conte » dans toutes ses étapes
- Utiliser les outils numériques au service d'un projet collectif défini
D’un point de vue pédagogique, par comparaison avec les années passées avec le conte mais sans la vidéo, il est certain que le webdocumentaire suscite un engagement personnel accru, et une créativité plus visible. Les jeunes, amenant ce qu’ils ont imaginé, trouvent sans doute moins difficile de s’investir dans les devoirs de conteurs que dans une vraie narration. Le cercle est vertueux : pour nourrir le webdocumentaire, ils font les devoirs de conteur ; pour cela ils lisent et s’interrogent en prenant un recul réflexif ; pour passer devant la caméra ils travaillent leur expression orale ; et comme l’activité est toujours réussie (encouragements et félicitations des camarades et des adultes systématiques) ils ont envie d’y retourner !