Quelle place le professeur de Lettres peut-il accorder au cinéma ? Quel dialogue peut-il établir entre un film et un texte ? L’intégration du 7e art dans le cours de français paraît légitime à bien des égards : épreuve optionnelle de cinéma au CAPES de Lettres modernes, épreuve obligatoire à l’agrégation interne, similitudes entre le récit littéraire et la construction d’une fiction audiovisuelle, profusion des adaptations d’œuvres littéraires. Pour autant, ce recours au cinéma ne va pas de soi et les réticences peuvent s’expliquer : peur de ne pas maîtriser les codes du cinéma, crainte que les élèves ne prennent pas le support filmique au sérieux, méconnaissance des lois régissant l’usage des vidéos. L’Education à l’image préconisée par les programmes invite pourtant le professeur à s’emparer de ces supports.
Cartographie des enjeux d’une intégration du cinéma
au cours de lettres (cliquer sur l'image pour agrandir)
Préconisations des programmes de collègeLe programme du cycle 4 souligne l’importance de "la constitution d'une culture littéraire et artistique commune, faisant dialoguer les œuvres littéraires du patrimoine national, les productions contemporaines, les littératures de langue française et les littératures de langues anciennes et de langues étrangères ou régionales, et les autres productions artistiques, notamment les images, fixes et mobiles". Les documents d’accompagnement proposent des corpus cinématographiques comme pour l’entrée "Imaginer des univers nouveaux" : Jean Cocteau, Orphée (1950) ; Woody Allen, La rose pourpre du Caire (1985) ; Joe Dante, L’aventure intérieure (1987) ; Robert Fleischer, Le voyage fantastique (1966) ; Jean-François Laguionie, Le tableau (2011). On trouve même un dossier complet consacré à "L’ambivalence de l’aventurier : petite exploration de figures cinématographiques".
Préconisations des programmes de lycéeAu lycée, les programmes encouragent "le développement d'une conscience esthétique permettant d'apprécier les œuvres, d'analyser l'émotion qu'elles procurent et d'en rendre compte à l'écrit comme à l'oral". L’élève doit "être capable de lire et d'analyser des images en relation avec les textes étudiés". L’analyse d’images cinématographiques permet la verbalisation des émotions mais aussi le décryptage de l’œuvre dans sa complexité, la mise au jour des principes de construction et de ses composantes. Si le travail d’analyse ne doit pas annihiler la charge émotionnelle, notons qu’elle participe d’une éducation aux médias susceptible de rendre l’élève plus conscient de la fabrique des images et de ses effets sur le spectateur.
Différentes expérimentationsLes vertus d’un enseignement croisé de la littérature et du cinéma ont été soulignées par différentes expérimentations : Céline Dunoyer en a fait un projet annuel avec des élèves de 1e STMG ; Fabien Casanave, auteur d’un mémoire MEEF intitulé "Les fonctions de l’analyse filmique dans le cours de Lettres en classe de seconde" (2017) a cartographié les enjeux d’une intégration du cinéma (schéma ci-dessous).
Les enjeux du dossierCe dossier "Littérature et cinéma" vise à faire le point sur quelques ressources nationales et académiques. Des pistes pédagogiques seront proposées afin d’exploiter les adaptations cinématographiques. Mais il convient aussi de conférer au cinéma sa valeur éthique et esthétique sans nécessairement l’inféoder au texte littéraire. Marie-Madeleine Bertucci et Pierre Sivan, parlent de "mettre en évidence les relations particulières que la littérature et le cinéma entretiennent à travers une irrigation mutuelle, et de montrer qu’ils sont, pour le moins, l’un pour l’autre un outil de lecture". Parce que littérature et cinéma rentrent dans un jeu d’éclairages mutuels, chaque enseignant doit se sentir autorisé à repenser les modalités du dialogue entre le texte et le film. La question de l'incidence du cinéma et de ses techniques sur l'art romanesque, ou encore l'exploitation de la thématique du cinéma dans et par le récit (dans les textes de Didier Blonde par exemple), peuvent être légitimement abordées.