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le Programme d'Encouragement Scolaire au collège Ernest Renan (Saint-Herblain, 44)

en cours d'expérimentation, 2è année

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Le Programme d'Encouragement à la Persévérance Scolaire (PEPS) est un dispositif qui existe au collège Ernest Renan (collège REP, Saint-Herblain, 44) depuis l’année scolaire 2020 – 2021. Il a avant tout été initié pour consacrer à des élèves potentiellement en voie de décrochage des pistes pour (re)susciter la motivation et la confiance en soi. Ces deux objectifs sont par ailleurs intrinsèquement liés. Cet article est une réflexion sur ce qui a été mis en place durant l'année scolaire 2021-22. De nouvelles pistes sont envisagées à la rentrée 2022 pour compléter le dispositif existant..


Ce dispositif est en cohérence avec ce qui existe déjà dans l’établissement, et s’inscrit dans une logique globale de clarification et de structuration des dispositifs existants ; toujours en construction, il est susceptible de modifications et d’enrichissement dans les années à venir.  


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Les problématiques, multiples, diffèrent d'un élève à l'autre. Souvent, on retrouve : de l'absentéisme perlé, un manque de confiance en soi, un désintérêt, une posture d'élève inadaptée, ... Le défi à relever recouvre donc plusieurs dimensions de l’élève. À ce titre, un suivi régulier du travail engagé est fait en cellule de veille avec la direction, la CPE, l’assistante sociale, la PSY-En, l’infirmière scolaire, et le référent du décrochage scolaire de l’établissement.

Les acteurs du dispositif, sont :
- les membres de la cellule de veille, qui se tient tous les 15 jours. Ils participent à la fois au signalement des élèves, puis au suivi de leur situation. En particulier, la direction a un rôle clé dans le lien avec les familles.
- 15 enseignants volontaires pour participer au PEPS. Ce sont ces enseignants qui rencontrent les élèves lors des temps d’entretien et de tutorat. Ces temps sont détaillés dans la suite de l’article.

Le PEPS comporte plusieurs phases, que nous allons détailler : une étape de repérage des élèves, une première rencontre individuelle que nous appellerons « l’entretien », qui aboutit soit à un tutorat soit à un autre traitement.

Sur le plan théorique, nous nous appuyons sur un article d’Anne-Laure de Place et Sophie Brunot (1), et notamment la notion de « sois possibles » et la théorie IBM :
▪ les « sois possibles », sont définis comme « les composantes du concept de soi qui représentent ce que les individus pourraient devenir, ce qu’ils espèrent devenir ou ont peur de devenir »  
▪ cette notion de sois possibles, qui « renvoient à des représentations de soi dans le futur attachées à des buts qui servent de guides pour l’action » et qui « constitueraient ainsi un trait d’union entre concept de soi et motivation » est mise en lien avec la théorie IBM (Identity-Based Motivation), « qui cherche à spécifier les conditions dans lesquelles des conceptions de soi futures peuvent exercer un impact motivationnel et comportemental ». Dans cette théorie « un soi possible est ainsi conçu comme une représentation dynamiquement construite en contexte, laquelle influencerait ou non les comportements de l’individu en fonction de la signification que celui-ci lui donne dans la situation présente ».



I) LE REPÉRAGE :

Un temps essentiel est celui du repérage des élèves potentiellement en voie de décrochage. À cet effet, les enseignants du dispositif ont eu des temps d’échange et de formation. Forts de leur expérience, ils ont formalisé une fiche diagnostique qui permet à chacun d’identifier des signaux d’alerte :
Quand un ou plusieurs membres de la communauté éducative pense(nt) avoir repéré un élève avec ces problématiques, le lien avec le reste de l'équipe pédagogique (et en particulier le Professeur Principal) et la vie scolaire est essentiel bien sûr, afin de croiser les regards. Ainsi, ce peut être en cellule de veille qu’un élève est mentionné pour la première fois pour participer au dispositif, ou bien par le professeur principal : cela dépend des situations. Bien souvent, l’inquiétude autour d’un élève est partagée, et temporellement, la situation est souvent à la fois évoquée en cellule de veille et par l’équipe pédagogique.

Dans tous les cas, le professeur principal est un relais privilégié. Concrètement, dans la manière dont fonctionne le dispositif dans l’établissement, c’est le professeur principal qui centralise les informations : il complète la fiche diagnostique, (absences, retards, posture en classe, … mais aussi une partie libre sur le contexte personnel de l’élève) et la transmet au coordonnateur.


II) L’ENTRETIEN

1) Déroulement

Après réception des informations pour l'élève, un entretien est fixé entre l'élève et un ou deux enseignants participant au dispositif.
Nous tâchons lors de ces entretiens de suivre au mieux quelques préceptes de l’écoute active (développée à partir des travaux du psychologue américain Carl Rogers (2)) : absence de jugement, écoute avec bienveillance, reformulation pour être certain d’avoir saisi ce que l’élève veut nous signifier, et non-directivité.

La posture empathique est donc fondamentale :
« L’état d’empathie, ou le fait d’être empathique, consiste à percevoir le cadre de référence interne d’une autre personne avec exactitude et avec les composantes émotionnelles et les significations qui s’y attachent, comme si l’on était l’autre personne, mais sans jamais perdre la condition « comme si... ». (...) « Si la qualité de « comme si » se perd, alors il s’agit d’identification »

À la suite de cet entretien, un compte-rendu est envoyé au professeur principal et aux membres de la cellule de veille (direction, CPE, Psy-EN, assistante sociale, infirmière) qui apportent d'autres éléments sur l'élève, ce qui permet de croiser les regards encore une fois.

fiche premier entretien lien de téléchargement d'un fichier

2) Causes des signes de décrochages identifiables au travers des paroles d’élèves

Voici quelques points qui apparaissent régulièrement lors des entretiens et qui expliquent les signes de décrochage observés. Les faits ne sont pas cloisonnés et la situation de l’élève revêt souvent un aspect multi-dimensionnel.

- Le rapport négatif à l'erreur dans les apprentissages     
- Le rapport à la note
- La relation parfois mal vécue avec l'enseignant
- Le manque de sens des apprentissages
- L’idée selon laquelle on devrait avancer seul
- Les difficultés liées à l’écrit
- Le contexte personnel
- Les relations aux autres élèves

Ces points sont détaillés sur le feuillet « causes des signes de décrochage »

 

3) Paroles d’élèves sur leur vécu de l’entretien

Afin d’obtenir quelques éléments d’évaluation du dispositif, on a demandé aux élèves des retours sur leur vécu de l’entretien (questionnaire écrit et paroles de fin d’entretien).

Le bilan s’avère positif, avec des élèves qui considèrent que ce temps est différent d’autres temps d’échanges au collège : « je ne parle jamais aux autres comme ça », « je trouve c’était moins stressant que d’habitude », voire, par comparaison avec d’autres temps d’échanges, « les autres adultes sont jamais calmes avec moi »

Un élève écrit ainsi « je me suis senti à l’aise, je pouvais parler librement », une autre qu’elle a été « stressée au début et après ça allait », un autre encore : « première fois que je me sens bien avec un adulte au collège »

L’entretien peut offrir un espace qui libère la parole puisque des élèves écrivent, quand on leur demande s’ils ont l’habitude parler de tout ceci : « je ne parlais de ce sujet avec personne », « j’en parle pas de base »,

D’autres réponses suggèrent que cela amorce un travail réflexif sur soi et une prise de recul : « c’est une bonne chose de réfléchir à tout ceci », « c'était bien, ça m'a fait poser des questions sur moi »

Enfin, quand on leur demande ce qu’ils diraient à un élève qui va passer l’entretien, les réponses sont positives : « fais-toi plaisir et dis ce que tu ressens », mais certaines peuvent laisser sous-entendre qu’a priori, un temps d’échange avec un adulte au collège n’est pas associé à un moment agréable : « il ne doit pas s’inquiéter et ça va bien se passer », « bonne chance écoute bien et stresse pas », « tu vas pas avoir de problème et juste qu’ils vont te parler »

Enfin, précisons puisqu’on parle ici du vécu de l’entretien par l’élève, qu’il est arrivé à la marge que cela réveille trop de choses difficiles chez un élève, et que l'entretien doive être écourté, l'objectif n'étant bien sûr pas de brusquer l'élève pendant ce temps.



III) LE TUTORAT

1) Le fonctionnement général

Le tutorat est initialement mis en place pour une durée de six semaines. En pratique, les tutorats sont souvent reconduits sur un temps beaucoup plus long, parfois pour toute la suite de l’année scolaire.
L’élève, dans la mesure du possible (contraintes horaires de chacun en particulier), choisit son tuteur, qui est un enseignant participant au dispositif.
Les temps de tutorat ont lieu préférentiellement sur un temps libre dans l’emploi du temps de l’élève, ce qui n’est pas toujours possible, auquel cas le tutorat intervient sur un temps de cours de l’élève.
Les rencontres sont hebdomadaires et d’une durée de trente minutes environ.
Les problématiques travaillées sont très diverses, et peuvent concerner des postures d’élèves inadaptées, ou encore la méthodologie de travail, ou encore un grand manque de motivation.

Pour le suivi du tutorat, un livret qui regroupe les objectifs de l’élève et que complète l’équipe pédagogique à chaque heure est à disposition. Il diffère de la fiche de suivi classique par deux aspects essentiellement :
- les moyens d’accéder à ces objectifs sont explicités au début du livret après les échanges entre l’élève et le tuteur
- lors des rencontres hebdomadaires, l’élève analyse et auto-évalue la semaine passée et explicite à l’écrit ce qu’il peut améliorer pour la semaine suivante. C’est un point qui est souvent fait dans le cadre d’une fiche de suivi, mais dans le cadre du tutorat il y a davantage le temps pour cette analyse réflexive et pour l’échange qui s’ensuit.


lien livret lien de téléchargement d'un fichier

2) Les conditions initiales pour lancer le tutorat

À la suite de l’entretien, il est parfois jugé utile de mettre en place un tutorat. Pour cela, il convient de vérifier en particulier trois conditions :
la pertinence, a priori, d’un suivi individualisé pour l’élève : c’est un élément qui est apprécié à partir des conclusions de l’entretien, mais aussi à partir de la connaissance globale de l’élève et de ses problématiques par les membres de la communauté éducative.
l’assurance d’avoir les moyens de répondre à ces problématiques dans le cadre d’un tutorat avec un enseignant : par exemple, si le contexte personnel de l’élève est tel qu’il empêche toute progression avant que ne soit traitée cette question, le tutorat n’est pas toujours adapté ; il faut traiter différemment (assistante sociale, infirmière, direction, …) la situation. Parfois, la compétence à l’interne ne suffit pas et notre rôle est donc d’orienter vers une aide extérieure.
l’adhésion de l’élève à la proposition de tutorat. Celle-ci est fonction de la confiance que l’élève est capable de mettre dans la relation avec l’adulte en général, et avec l’adulte « choisi » plus spécifiquement ensuite. Elle est aussi fonction de l’espérance que l’élève pense pouvoir placer dans les effets éventuels et positifs du tutorat envisagé.


3) Les éléments résistants pendant les tutorats

Plusieurs freins peuvent être rencontrés quand un tutorat est mis en place, malgré les conditions expliquées ci-dessus. Cela suppose donc une certaine forme de persévérance de la part de l’adulte qui l’encadre !

En particulier, on relève que :
certains élèves ne se présentent pas au rendez-vous de tutorat, quand le créneau sur lequel a lieu le tutorat est sur un temps hors cours (par exemple un temps méridien), et ce malgré l’adhésion en amont. Il ne faut alors pas considérer le tutorat comme un échec : se présenter aux temps de tutorat est parfois une première étape à part entière, qui peut mettre un certain temps à se construire. Le fait qu’un élève n’ « honore » pas ses rendez-vous n’est pas surprenant dans bien des cas, et est le reflet de l’évitement dont il peut faire preuve par ailleurs de manière générale à l’école. Plutôt que de le voir comme un pré-requis, il faut plutôt l’envisager comme une première étape à part entière, qui peut mettre un certain temps à se construire. Le simple rappel à l’ordre et à « l’obligation » de l’élève de se présenter ne suffit alors pas. C’est toute la discussion engagée autour de l’utilité du tutorat qui peut produire un effet positif à ce niveau, et qui entraîne l’adhésion recherchée.
▪ de la même manière, le livret de tutorat n’est pas suffisamment présenté en classe, voire pas présenté par certains élèves, ce qui conduit à abandonner son usage ; l’utilisation de cet outil est un vrai axe d’amélioration du dispositif.
▪ les progrès travaillés en tutorat ne rejaillissent pas immédiatement en : c’est un point à travailler tant avec l’élève, qu’avec l’équipe pédagogique.
▪ de manière assez générale, la temporalité du tutorat n’est pas celle des progrès effectifs de l’élève.
Les effets mettent parfois un long temps à être visibles, et sont selon les problématiques plus ou moins mesurables. On relèvera quand même la parole de cet élève pour qui la situation scolaire est toujours complexe mais qui nous dit que « si y avait pas ça [le tutorat], ça serait pire ».
De la même manière, l’arrêt d’un tutorat a priori pas efficace (parce qu’il n’y a pas d’amélioration constatée au niveau du nombre de retards ou des absences par exemple) est parfois l’occasion de constater que sans ce soutien, la situation de l’élève s’aggrave, ce qui suppose que le tutorat avait malgré tout un effet positif.


4) Quoi et comment travailler pendant le tutorat – Pistes et éclairage théorique

Il ressort presque unanimement et explicitement, que ce soit en entretien ou en tutorat chez les élèves rencontrés, une vraie sensibilité aux encouragements : « ça m’aide », « ça me motive », « le prof m’a dit que c’était bien du coup ça motive ».

- Fixer des objectifs réalistes
- Donner la marche à suivre, étape par étape
- Aider l’élève à détailler son soi possible
- Convaincre l’élève de sa capacité à agir sur lui-même...et donc à réussir
- Convaincre que l’erreur fait partie du chemin
- Le tout en insufflant du positif !
- Outiller l’élève pour ce qu’il vit en classe

Les pistes sont détaillées sur le feuillet « pistes et éclairages théoriques »
 

5) Paroles d’élèves sur leur vécu du tutorat

De la même manière que pour les entretiens, un retour sur les tutorats a été demandé à des élèves. Ils évoquent :

▪ des éléments très concrets « j’ai appris à faire une carte mentale ainsi qu’organiser des fiches de révision », l’envie « de faire des mini-stages en 4-ème»
▪ des indications sur le travail réflexif qui a pu être mené lors de ces temps : « j’ai réfléchi comment m’améliorer », « je me suis dit que faut que je persévère »
▪ et les efforts qui ont pu s’ensuivre : « en fait grâce à ça j’ai essayé de me concentrer plus », « me motiver »
▪ un regard qui peut changer sur soi-même : « j’ai appris beaucoup de choses envers moi », « je me suis prouvée que je pouvais réussir et avoir des capacités et des qualités ».
▪ et une vision globale positive du tutorat : « je pouvais échanger et poser des questions en dehors d’un temps de cours », et quand on demande ce qui serait dit à un élève à qui on propose un tutorat :
« De se lancer et qu’il n’a rien à perdre et tout à y gagner ».

 


CONCLUSION et PERSPECTIVES POUR CONTINUER D’ÉVOLUER :


Amorcée l’année passée, une formation continue des enseignants concernés par le dispositif, pour s’outiller (écoute active en particulier) et prendre du recul, nous semble indispensable.

L’an prochain, nous explorerons diverses alternatives au tutorat pour répondre aux problématiques qui auront émergé en entretien.
Par exemple, des petits groupes d’élèves réunis, en ateliers thématiques, animés par des enseignants de l’établissement aussi bien que par des partenaires locaux qui ont déjà un lien (ou pas) avec l’établissement.
Autre piste : l’observation de l’élève pendant ses cours permet d’identifier ses difficultés (concentration, sentiment d’échec, interaction avec les autres élèves ou le professeur) lui faire adopter ensuite une posture réflexive.

Pour terminer, Le bon fonctionnement du dispositif repose notamment sur une réciprocité de la communication entre l’équipe pédagogique et la coordination du dispositif qui mérite encore d’être travaillée. Cela permettra de systématiser encore davantage le fonctionnement du PEPS, avec une procédure clairement identifiée de tous, que ce soit au début du processus ou bien dans le suivi du tutorat par exemple.
Ce lien avec l’équipe pédagogique suppose aussi de devoir à certains moments, en tant que tuteur, discuter avec les enseignants autour de la relation difficile que l’élève peut parfois entretenir avec eux.



Maxime Droguet,
Coordonnateur du PEPS,
Enseignant de mathématiques au collège Ernest Renan


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Références :
(1) DE PLACE Anne-Laure, BRUNOT Sophie, « Le pouvoir motivationnel des sois possibles : revue critique », L’Année psychologique, 2018/2 (Vol. 118).   
DOI : 10.3917/anpsy1.182.0203.    
URL : https://www.cairn.info/revue-l-annee-psychologique-2018-2-page-203.htm
(2) Carl Rogers, A Theory of Therapy, Personality, and Interpersonal Relationships: As Developed in the Client-centered Framework, Ed. McGraw-Hill, 1959



 

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