Accompagnement et entretiens

Dans le cadre de cette phase d'intégration, tous les enseignants insistent sur la place des entretiens individualisés dans le cursus. En effet, si le premier a lieu dès ces premiers jours, l'annonce est faite d'un calendrier. Le second aura lieu au retour du premier parcours des métiers et de la formation. Concrètement, la durée du premier entretien est d'une demi-heure. Pour cela, la salle de restauration est mobilisée : 24 élèves sont entretenus par 24 enseignants. Tous les enseignants de l'établissement y participent ; les questions sont préétablies, l'accueil est donc ressenti par les élèves comme global. En première, il se tiendra après le diplôme intermédiaire et aura pour objet une médiation sur la durée du parcours. En terminale, le quatrième ouvrira la période d'orientation post bac. À chaque fois, on reprend des éléments de positionnement personnel par rapport aux disciplines sous forme de pictogrammes, émoticônes ou autres smileys. Ces tableaux donnent lieu à un échange et à des commentaires écrits par chaque élève. Le but de ces points d'étape individuels est aussi, pour l'établissement, de voir si le dispositif permet à chaque jeune de se voir amené à son meilleur niveau. Progressivement, aussi, ces éléments personnels s'accompagnent d'évaluation de savoir-être professionnel et de bilans de compétences. Une particularité : au lycée de Narcé, ces tests sont pilotés par le CESC (Comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté) de l'établissement : cela met en évidence que les actes citoyens sont mis au premier plan pour valider un parcours de professionnel. De fait, dans les tests de positionnement proposés aux entreprises à l'issue des périodes de formation en milieu professionnel, les compétences transversales comme l'esprit d'initiative, le respect des personnes, de l'environnement et des biens, la sociabilité, sont autant de points clefs d'une professionnalisation, mis au même niveau que l'acquisition des gestes techniques.
L'individualisation, au cœur de la formation des apprentis
Si ce lycée professionnel a pu intégrer rapidement une démarche de suivi et de positionnement individuel, c'est aussi parce que dans la culture de cet établissement, il y avait un point d'appui lié à l'expérience du centre de formation des apprentis, et cela dans une même enceinte. Certes, les publics et les enseignants ne sont pas les mêmes, mais la problématique est commune. C'est dès l'année 2003 que cette démarche de positionnement et d'individualisation a été initiée par la Région des pays de la Loire. Cela s'est manifesté concrètement par la constitution de centres de ressources comme dispositifs clefs de cette réflexion sur la formation des apprentis en milieu scolaire ou avec les organisations professionnelles. La volonté est à la fois de mettre, au cœur de ce dispositif, un lieu et des personnes qui permettront concrètement de prendre en compte et de construire des parcours individualisés, voire de plus en plus souvent atypiques, par le biais de l'individualisation. Une formation "cousu main", pour ainsi dire ! C'est dans cet esprit que Bruno Luongo, au départ enseignant en lettres et histoire, a participé, après une formation par le Cafoc, à l'implantation de ce centre de ressources au sein de l'établissement.
Intégration aussi
L'activité du centre de ressources commence, au centre des apprentis aussi, par un temps d'intégration, mais s'élargit au mois de septembre pour tenir compte de la place prépondérante des temps en entreprises. Autre différence, le livret d'accompagnement, les tests de positionnement et les parcours de formation individuels s'appuient sur des supports informatiques. L'accueil se déroule sur une semaine. Les jeunes sont d'abord reçus avec leur famille et avec leur maître d'apprentissage. Une fois les visites accomplies, les enseignants proposent un travail collectif sur le statut de l'apprenti puis, la seconde partie de la semaine est consacrée aux tests de positionnement par matière et par niveau. Ils sont réactualisés chaque année par les enseignants qui se réunissent par matière pour concevoir ces outils d'évaluation qui permettent, en septembre, de repérer les acquis de chacun. C'est ainsi qu'en français, par exemple, des tests permettent de repérer les capacités de lecture par des repérages d'indices de niveau de langue ou de vocabulaire ; les capacités rédactionnelles sont aussi évaluées à partir d'une lettre d'embauche. On insiste : cela n'est pas un examen et cette procédure sera renouvelée au cours de l'année. L'esprit de ces tests est positif et ils permettent d'adapter la formation. Bilans individualisés qui préparent un entretien entre l'enseignant, le jeune et sa famille et le tuteur en entreprise, voire le DRH (Directeur des ressources humaines) de cette même entreprise quand elle a plusieurs apprentis au centre.
Entretien comme première étape
Après correction et analyse des tests de positionnement scolaire par les enseignants, peuvent intervenir les deux animateurs du CDR (Centre de ressources), toujours dans le cadre du centre de formation des apprentis. Pour cela, ils bénéficient d'un local bien identifié. L'an dernier, la barre d'intervention s'est située en deçà d'une moyenne de 7 sur 20, soit 10 % des effectifs. La première étape de "récupération du vécu professionnel et scolaire du jeune" vise, lors d'un entretien, à le faire s'exprimer sur ses pratiques et ses choix - nature de ceux-ci et motivations. Jeune et formateur sont alors côte à côte et procèdent par échanges mutuels. Cette démarche permet ensuite d'aborder les manques et de pouvoir décider ensemble d'un éventuel accompagnement du projet, en lien avec les besoins de l'élève et son parcours. Il s'agit d'une approche qualitative. L'entrée dans cet entretien semi-directif, de type compréhensif, se fait par les raisons qui ont amené l'apprenti à choisir cette formation. Ensuite, est abordé son vécu en entreprise (autonomie, relationnel avec les collègues et tuteur, nature du travail effectué), puis on interroge la manière dont l'apprenti envisage son avenir, pour terminer par les difficultés scolaires qu'il rencontre. L'entretien engage l'apprenant dans une réflexion sur son métier avec un questionnement autour de son rôle dans l'entreprise. Il se veut temps de prise de conscience d'un parcours en construction qui permet, le cas échéant, de relever des points de friction ou encore des problèmes d'orientation, et de tenter d'y remédier rapidement. La récupération du vécu professionnel est en lien avec la compétence clé "apprendre à apprendre", en particulier dans ce qui relève de la capacité à se connaître. À l'issue de cet entretien, un contrat individuel peut être conclu : il engage chacun sur des apprentissages spécifiques.
Formation individuelle et semi-collective
De fait, certains jeunes sont recrutés en formation bac professionnel par l'entreprise, par la signature du contrat d'apprentissage, alors que leurs compétences scolaires ne correspondent pas à ce niveau. C'est parfois le cas en lecture-écriture. Sur la base du contrat individuel, le jeune peut venir suivre un ou plusieurs modules de formation au CDR pour combler ses carences. Pour autant, il n'est que partiellement extrait de son groupe-classe pour ne pas rompre avec la progression pédagogique de l'enseignant-formateur. Ses horaires sont ainsi aménagés en fonction de ses besoins et en accord avec son ou ses enseignants. "Un type d'accompagnement et de remédiation conçu sur le modèle finlandais, tel qu'il existe dans ce pays en école-collège", souligne Bruno Luongo. L'élève dispose, pour chaque matière stipulée, d'un module de formation individualisée, qui peut être informatisé. Le modèle retenu est celui d'une formation à distance. Mais surtout, le jeune bénéficie aussi d'un appui du formateur. Certains ne comprennent pas tel énoncé un peu abstrait où il est question de pourcentage, mais quand l'animateur l'accompagne, dans la cour, par exemple, pour une observation d'une pente, le concept se clarifie. Pour autant, il ne s'agit pas de leurrer le jeune : s'il ne peut obtenir le niveau bac pro, du moins mettra-t-on tout en œuvre pour lui permettre de valider un niveau 5, par exemple. Il arrive aussi que le CDR intervienne en classe, à la demande de tel enseignant, quand il a repéré qu'un groupe d'élèves pourrait avoir besoin d'un accompagnement spécifique sur une activité précise. Là encore, cela demande anticipation et professionnalisme.
Suivi et base de données
Quelle que soit la forme, la récupération de vécu et l'accompagnement nécessitent un suivi on ne peut plus rigoureux, une nécessité pour pouvoir mesurer une progression et en rendre compte, dans le cadre d'une évaluation formative. Pour cela, les animateurs se sont dotés d'un outil, la base CDR2, créée en septembre2010. Elle regroupe l'ensemble des échanges avec les apprentis fréquentant la structure, que ce soit régulièrement ou de façon sporadique. Ce support est mis en place depuis la rentrée 2010 et devrait être stabilisé dans sa forme d'ici la fin de l'année. Il recense les différents types d'interventions délivrées par les animateurs du CDR auprès des apprentis. On y trouve date, durée, positionnement et compte rendu du déroulement de l'action. Ces données permettent un suivi de l'apprenti dans le temps et contribuent à l'évaluation des actions du CDR et de l'apprenti. Cette base, mise à jour chaque semaine, sera à disposition des enseignants-formateurs sur e-lyco ou par mails. On le voit dans cet établissement, la contrainte liée à une structure atypique fait naître des convergences ; dire, dans ces conditions, que l'individu, élève ou apprenti, est au centre du système n'est pas une formule excessive !