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bilan des enseignements d'exploration liés aux arts et à la culture

Mi-juin donc, c'est l'heure des bilans. Les enseignants des deux EDE Littérature et société (LS) et Création et activités artistiques (CAA) réunissent leurs forces, auxquelles se joignent celles du CDI (Centre de documentation et d'information) avec le documentaliste et la documentaliste stagiaire. Ne manquent à l'appel, à leur grand regret, que deux enseignantes de français, mobilisées pour l'heure par les épreuves orales du bac. Un compte-rendu est ensuite rédigé pour synthétiser les différentes remarques. Ajouts et amendements sont apportés au texte validé par chacun. La version définitive est ensuite transmise au proviseur, qui pourra ainsi mieux prendre en compte les demandes émises pour l'année suivante. L'essentiel de ces remarques est exposé à l'ensemble des enseignants lors de la journée de bilan collective qui clôt l'année scolaire, début juillet.  

Un début encourageant

Le premier constat qui ressort est la satisfaction générale. Les raisons ne manquent pas : motivation et investissement des élèves, intérêt - pour les lycéens comme pour leurs professeurs - d'une pédagogie de projet qui dynamise et donne sens aux apprentissages, richesse et caractère formateur du travail en bidisciplinarité (pour les LS), intérêt de construire les activités autour d'une problématique motivante et porteuse de sens, pertinence d'une approche qui allie de réelles ambitions culturelles et leurs transpositions dans le monde du concret... Ceci dit, la mise en place des EDE n'a pas été sans mal, et l'investissement demandé, dans le travail de préparation en amont comme dans le suivi de l'année, a été plus que conséquent. Mais, au moins, ce travail trouve amplement sa justification. Les activités proposées mettent en œuvre des compétences importantes à la réussite des études secondaires et supérieures, comme les techniques de recherche documentaire, la maîtrise des outils informatiques ou la démarche de recherche, puis de restitution. Pour les enseignants comme pour les élèves, les EDE apparaissent comme un espace de liberté et de créativité. L'espace "d'innovation pédagogique" affirmé dans les textes est une bouffée d'oxygène appréciée (voir annexe). Les EDE donnent sens aux disciplines, ont constaté les enseignants, et ont permis un incontestable enrichissement culturel des élèves. Ce qui reste parfois très abstrait aux yeux des élèves trouve un sens, grâce aux activités proposées, dans leur application concrète, au cœur de la vie "réelle".

Quel impact sur l'orientation ?

L'intérêt des EDE porte aussi sur la réflexion autour de l'orientation qui est concrètement menée. Les élèves visualisent mieux, par exemple, les compétences demandées dans une série littéraire. Meilleure connaissance des filières, meilleure connaissance du domaine professionnel, du monde du travail en général, prise de conscience de l'intérêt de la culture et de certaines applications concrètes : les élèves ont vraiment le sentiment de mieux se situer dans leurs parcours de formation. Bien qu'il soit impossible de quantifier cet impact, les différents enseignants estiment que les EDE ont eu une influence sur certains choix d'orientation, en confirmant une idée encore très floue ou bien en incitant des élèves indécis à choisir une série littéraire. Pour ce qui est des résultats concrets, il convient d'être prudent même si les chiffres semblent éloquents. Les effectifs de la première L ont presque triplé cette année, passant de treize à trente-six. Mais rien ne permet d'affirmer que cette augmentation est essentiellement due aux EDE, même si on peut penser qu'ils ont eu une certaine influence. Autre indice de satisfaction : les inscrits dans ces deux EDE pour cette année, puisque l'on est passé de quatre à cinq groupes, avec trois groupes de CAA. Là encore, cette donnée brute doit être nuancée par le fait que l'établissement a ouvert une seconde supplémentaire. Ceci dit, si globalement le bilan est très positif, aux yeux des élèves comme pour les enseignants, certaines difficultés ont été pointées au cours de cette analyse conjointe.

Structures et moyens

Un certain nombre de difficultés relèvent de l'organisation structurelle. Les effectifs des groupes - vingt-sept ou vingt-huit élèves par groupe - ont rendu complexe la gestion pédagogique. Il a été difficile d'assurer un suivi satisfaisant de certaines activités, le fonctionnement des EDE impliquant des travaux de recherche par groupes, et donc un accompagnement différencié. Cette difficulté a été d'autant plus prégnante en CAA où un seul enseignant intervenait. Il a donc été demandé de limiter les effectifs, dans la mesure du possible. Ainsi, les groupes de l'année suivante ne dépasseront pas vingt-cinq élèves, ce qui est encore beaucoup. En CAA, un second enseignant vient prêter main forte à son collègue. L'encadrement est donc le suivant : une heure trente pour l'un et une demi-heure pour l'autre en CAA d'une part, et deux fois une heure pour l'enseignant de français et celui d'histoire-géographie en LS. Ce qui fait au total deux heures enseignants pour une heure trente élèves. La coanimation rend notamment possible un accompagnement plus efficace des activités de recherche et de production par petits groupes. L'organisation temporelle a quant à elle bien fonctionné. La plage de deux heures inscrite dans les emplois du temps permet en effet de le moduler, l'horaire hebdomadaire étant d'une heure trente sur toute l'année. Autre élément apprécié des enseignants, mais qui n'a pas toujours été reconduit l'année suivante : le fait d'avoir les élèves (au moins une partie) à la fois en EDE et dans leur enseignement disciplinaire. Cela permet de mieux les connaître et facilite le transfert d'un domaine à l'autre. Autre sujet délicat : la question financière. Explicitement imposées dans les textes, les rencontres avec le monde artistique, culturel, professionnel - sous formes de visites, de partenariats, d'interventions - n'ont pas pu être développées comme l'auraient souhaité les enseignants, notamment en LS. Difficultés pour trouver la personne adéquate, disponibilités, problèmes de calendrier, frais d'interventions trop importants expliquent cet état de fait. En CAA, malgré les nombreuses interventions de professionnels du monde du spectacle, le problème reste fondamentalement le même. Faute de moyens suffisants, c'est l'appel au bénévolat qui prévaut.

La question centrale du CDI

Autre problème crucial qui rend difficile l'application des instructions officielles, l'accès au CDI et aux outils informatiques. En LS comme en CAA, la recherche documentaire comme l'utilisation des Tic (Technologies de l'information et de la communication) sont nécessaires, aussi bien pour les recherches de groupes, pour les productions des élèves que pour certains échanges électroniques ou la "découverte virtuelle" de lieux, structures, projets artistiques professionnels ; autant dire quasiment tout le temps. Le CDI ne peut suffire, quand on sait qu'il est aussi nécessaire en ECJS, en accompagnement personnalisé, pour les TPE, pour les différents projets lecture. Si certaines de ces activités ne peuvent se dérouler qu'au CDI, dans le cas de recherches documentaires papier, par exemple, d'autres en revanche pourraient se faire dans de simples salles équipées d'ordinateurs, lorsqu'il s'agit par exemple de la réalisation de productions diverses. Il en existe bien une, mais elle ne suffit plus. Des solutions ont été proposées. On pourrait réserver une partie de l'année à certaines activités et la deuxième à d'autres : un semestre pour les TPE et le second pour l'ECJS. Mais cela ne pourra pas tout résoudre. Cette situation est chaque année plus problématique et demande une réflexion globale de l'établissement. Elle est en cours, et une désectorisation de certaines salles équipées, à l'heure actuelle réservées à l'une ou l'autre discipline, pourrait être mise en place.

Et sur le plan pédagogique ?

Sur le plan de la pédagogie, aussi, les aspects problématiques constatés sont partagés par tous les enseignants et constituent évidemment des axes prioritaires pour l'année à venir. Le premier d'entre eux n'est ni nouveau ni spécifique aux EDE. Il ne suffit pas de mettre des élèves sur un ordinateur ou dans un CDI, même avec un objectif et des consignes de travail précis, pour que leurs recherches et productions soient utiles et efficaces. Faire des recherches est une chose, bien les faire en est une autre, et cela s'apprend. Comment accompagner la recherche pour rendre les élèves autonomes et leur donner des procédures efficaces et rigoureuses ? Les points à améliorer ne manquent pas pour parvenir à un usage raisonné et performant de ces outils, et ce d'autant plus que les élèves croient les maîtriser : procédure méthodique d'investigation, encodage et classement rigoureux des fichiers, vigilance quant à la fiabilité des sources, suppression de l'usage peu productif des paresseux copier/coller, respect de la propriété intellectuelle. Certains enseignants ont décidé pour l'année à venir de canaliser davantage les premiers travaux utilisant les Tic par des questionnaires guidant plus précisément les étapes et les procédures à respecter. Mais la question est encore ouverte.

Faire pour faire ne suffit pas

Lié à ce premier problème, mais le dépassant, se pose celui de la restitution des recherches et productions des petits groupes au grand groupe. Si chacun œuvre dans son coin à certains moments, il est aussi nécessaire de ménager des temps de partage collectifs. Quelles formes leur donner pour éviter ces ennuyeux exposés qui assomment autant les orateurs que les auditeurs ? En CAA, la restitution collective va se développer en cours de processus plutôt qu'en fin (quand tout est joué) : des séances de coanalyse critique sont prévues. Chaque groupe présentera sa production en cours. Le but est que le regard extérieur, le questionnement et les suggestions permettent aux élèves d'améliorer un travail encore dans sa phase d'élaboration. Ce qui donne sens et motive aussi bien ceux qui présentent que ceux qui observent. Dans les différents EDE, la présence de supports (films, diaporamas, maquettes...) permet également de rendre les présentations plus concrètes et vivantes. Des difficultés sont aussi apparues pour ce qui est de l'appropriation et du transfert des compétences et des savoirs dans les productions des petits groupes. Dans tous les cas, une mise à distance de l'action est essentielle. Elle peut se faire par ces temps collectifs, ou bien dans le cadre des petits groupes. Là encore, il ne s'agit pas de faire pour faire, et l'écueil est d'autant plus grand que les élèves s'investissent souvent avec enthousiasme dans les activités proposées. Les situations permettant le questionnement métacognitif seront à développer : pourquoi fait-on, dans quels buts, les moyens adoptés répondent-ils aux objectifs ? Il s'agit aussi de recontextualiser l'activité ou la production dans le cadre plus large du projet pédagogique ou des objectifs de l'EDE.

De la trace à l'évaluation

Autre source de préoccupation : la question de la trace écrite. Absence d'évaluation chiffrée, cours différents, difficultés à identifier ce qu'il faut garder, les raisons en sont diverses, mais le fait est là. Quelle trace écrite imposer ? Sous quelle forme ? Par qui et pour qui ? Comment faire en sorte que ces prises de notes ne soient pas factices et inutiles? Quelle utilisation par l'élève, l'enseignant ? Quel rôle, quel contrôle de ces traces ? Les questions sont nombreuses. Plusieurs solutions sont explorées pour tenter d'y répondre. Les nouvelles technologies sont sollicitées, avec des blogs notamment. En CAA, la dernière partie de l'année est réservée cette fois à une production, normalement individuelle, qui permettra un bilan oral. Soutenue par une production concrète à la manière des TPE, cette restitution devrait, si tout va bien, justifier de la nécessité de garder des traces tout au long de l'année. Chaque élève choisira en effet un souvenir dans tout ce qu'il aura vécu au cours de l'année (une rencontre, un moment d'un spectacle, une réalisation). Il le présentera à toute la classe en expliquant son choix et en justifiant pourquoi il lui semble riche pour ce qui est de la connaissance des arts du spectacle. D'où la nécessité en amont d'engranger ces souvenirs et donc d'en garder la mémoire. Ce partage vise aussi à affiner l'évaluation finale. Cette question est aussi un point problématique de la mise en œuvre des EDE. L'évaluation sur l'ensemble de l'année a été imparfaite, constatent majoritairement les enseignants. La grille d'évaluation des compétences mise en place ne s'est pas toujours avérée applicable, notamment en début d'année. Le peu de temps imparti, la diversité des tâches effectuées dans les petits groupes, la difficulté de répondre à toutes les sollicitations, la nouveauté des EDE, expliquent en partie cette réalité. Quoi qu'il en soit, il reste du pain sur la planche pour ce qui est de l'évaluation et de l'équilibre à trouver pour mettre en œuvre des procédures évaluatives pertinentes qui ne soient pas trop dévoreuses de temps.

En route pour demain

On voit à travers cet exemple combien l'analyse des pratiques de l'année écoulée a clairement fait apparaître les axes à développer pour améliorer le fonctionnement de cette première année des EDE. Son caractère collégial, tout comme la convergence des constats, ont conforté les bilans effectués individuellement. Il y a eu des plâtres à essuyer, inévitablement, mais les fondations semblent plutôt bonnes. La preuve, les équipes sont prêtes à repartir dans cette nouvelle aventure : tous les enseignants, sauf une qui est partie travailler à l'étranger, ont à nouveau ces EDE. Et pas seulement pour réinvestir la somme colossale du travail nécessaire à la mise en œuvre des projets.


Article rédigé à partir d'échanges avec S. Marabout, documentaliste stagiaire, M. Fouquet, enseignant-documentaliste, F. Béthuys, S. Bonmariage, D.Grégoire, A. Laurens et V. Rautureau, enseignants des EDE LS et CAA arts du spectacle


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